Arts plastiques : un remake de Rashomon à Kampala

L’artiste français Louis-Cyprien Rials présente au Palais de Tokyo à Paris un remake ougandais, réalisé à son instigation, du chef-d’œuvre d’Akira Kurosawa.

L’artiste français, Louis-Cyprien Rials dans le bidonville de Wakaliga. © YASUYOSHI CHIBA

L’artiste français, Louis-Cyprien Rials dans le bidonville de Wakaliga. © YASUYOSHI CHIBA

NICOLAS-MICHEL_2024

Publié le 11 mars 2019 Lecture : 2 minutes.

Si l’Ouganda a inspiré de nombreux films – Idi Amin Dada a fait l’objet d’un documentaire de Barbet Schroeder et a été interprété dans Le Dernier Roi d’Écosse par Forest Whitaker –, il n’en a guère produit. Seul long-métrage remarqué récemment : 27 Guns, biopic contant les années de guérilla de Yoweri Museveni, réalisé par Natasha Museveni Karugire…

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Cette situation pourrait changer, puisque depuis un peu plus d’une dizaine d’années Isaac Godfrey Geoffrey Nabwana et sa compagne réalisent des films d’action avec trois bouts de ficelle et quelques shillings. « Wakaliwood », c’est le surnom de Ramon Film Productions, studio fondé dans le bidonville de Wakaliga, à Kampala.

« Au bord de la route de Wakaliga »

Si l’on en parle aujourd’hui, ce n’est pas parce que leur blockbuster local Who Killed Captain Alex ? aurait franchi les frontières du pays, mais parce qu’un jeune artiste français, Louis-Cyprien Rials, leur a ouvert les portes du Palais de Tokyo (Paris) pour une étonnante expérience artistique. « Ils ne me connaissaient pas, raconte le lauréat du prix SAM 2017 pour l’art contemporain. J’ai pris un billet d’avion pour l’Ouganda et je suis allé leur proposer de réaliser un remake de Rashomon, du Japonais Akira Kurosawa. »

Le cheval est devenu un boda-boda [“mototaxi”], la rivière empoisonnée, un égout, la dague, un revolver plaqué or…

« Au bord de la route de Wakaliga », le projet exposé jusqu’au 12 mai 2019, est donc le fruit d’une rencontre entre trois univers. D’abord celui de Kurosawa, interrogation existentielle sur ce qu’est la réalité et sur ce qu’est l’existence humaine, puisque Rashomon raconte un crime à partir de quatre témoignages qui ne concordent pas. Ensuite, celui de Cyprien Rials, globe-trotteur photographe à la recherche d’un « voyage sans tourisme » dans des zones de conflit ou des régions marquées par des situations sociopolitiques complexes. Enfin, celui d’Isaac Nabwana, inspiré des films de kung-fu.

Écorce de « mutuba »

«  Le film produit par Isaac suit exactement le déroulé de Rashomon, raconte Cyprien Rials. Je leur ai donné des indications en ce sens et la non-linéarité du scénario les a interpellés, puisque ce n’est pas ce qu’ils font d’habitude. Il y a eu des adaptations, le cheval est devenu un boda-boda [“mototaxi”], la rivière empoisonnée, un égout, la dague, un revolver plaqué or… Ce qui m’intéresse, ce sont les échos, les glissements, les références culturelles… »

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Ancien fabricant de briques, producteur de vidéos musicales, patron d’un studio qui distribue lui-même ses films, I.G.G. Nabwana s’est prêté au jeu. Le résultat ? Un film saisissant, mais aussi des affiches réalisées sur du tissu en écorce de mutuba par un peintre du bidonville qui reprennent différentes versions de celle de Rashomon et de ses remakes. Avec « Par la fenêtre brisée » (galerie Eric Mouchet) et « Au pied du gouffre » (galerie Dohyang Lee), à Paris, « Au bord de la route de Wakaliga » forme une trilogie sur la violence contemporaine.

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