Art contemporain : Koyo Kouoh met le cap sur Le Cap

Cette curatrice d’origine camerounaise dirigera le Zeitz Mocaa à partir du 6 mai. Elle sera ainsi à la barre du plus important musée d’art contemporain du continent.

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Publié le 12 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Aujourd’hui, elle est à Charjah, dans les Émirats arabes unis, pour la 14e Biennale d’art contemporain. Où sera-t-elle demain ? Mystère. Mais le 6 mai, c’est certain, Koyo Kouoh prendra ses fonctions de directrice générale et de conservatrice en chef du Zeitz Museum of Contemporary Art of Africa (Zeitz Mocaa), au Cap, en Afrique du Sud.

La curatrice d’origine camerounaise y remplacera Mark Coetzee – qui avait dû démissionner il y a un an, après l’ouverture d’une enquête sur ses « pratiques managériales » – et prendra la relève du Nigérian Azu Nwagbogu, qui assurait l’intérim.

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Regard magnétique

Selon Jochen Zeitz, fondateur du Zeitz Mocaa et ancien PDG de l’équipementier Puma, « Koyo est une dirigeante exceptionnelle et une visionnaire passionnée ». « Elle dispose, estime-t-il, des compétences et du réseau idéal pour mettre en œuvre notre politique en Afrique et à l’étranger. Son apport sera inestimable pour l’avenir du musée. »

Née en 1967, Koyo Kouoh est en effet une habituée des circuits de l’art contemporain. Elle a commencé sa carrière de commissaire indépendant à l’Institut Gorée, entre 1998 et 2002. Passée un temps par la banque – elle a étudié l’économie en Suisse, où ses parents se sont installés quand elle avait 13 ans –, celle qui s’avoue fascinée par les écrits de l’Africaine-Américaine Toni Morrison et de la Sénégalaise Ken Bugul est revenue à la création par le biais de la littérature.

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Elle a été co-commissaire des Rencontres de Bamako, a collaboré à la Biennale de Dakar et a assuré plusieurs années de suite la direction des débats de la Foire d’art contemporain africain 1-54, à Londres. Surtout, elle a créé, en 2008 à Dakar, la Raw Material Company, un lieu de pensée, d’écriture, d’échanges, de documentation et de formation, qui a donné vie à plusieurs expositions et publications pointues.

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La cantonner à un continent, fût-il aussi vaste et divers que l’Afrique, serait toutefois une grave erreur. Membre des équipes du commissariat des Documenta de Cassel 12 et 13 (Allemagne), Koyo Kouoh a aussi été la curatrice remarquée de l’exposition « Body Talk », à Bruxelles en 2015, et, l’année suivante, de « Still (the) Barbarians », la biennale d’Irlande.

« Afropolitains »

Forte de ce curriculum vitae, cette ambitieuse au regard magnétique se dit prête à relever le défi du Mocaa. « Je ne m’attendais pas à cette nomination, confie-t-elle. Et, non, je ne suis pas du tout effrayée. Bien au contraire, je suis excitée comme une puce à l’idée d’installer des organes et de la tuyauterie dans un si beau corps ! »

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Et si l’on cherche à expliquer sa consécration en évoquant d’autres atouts que son professionnalisme (elle est francophone, polyglotte, Camerounaise, Sénégalaise, Suisse…), elle se lance aussitôt dans une diatribe que ne renierait pas son mentor Simon Njami : « Je parle français, certes, mais je ne me considère pas comme francophone, appellation discriminante qui, de mon point de vue, désigne tout ce qui entre dans l’aire de l’impérialisme français et n’est pas considéré comme un canon culturel franco-français.»

« Et puis, si l’on devait absolument définir une personne par son usage des langues coloniales, je serais beaucoup plus proche de l’allemand et de l’anglais. En réalité, je fais plutôt partie de ce qu’Achille Mbembe appelle les Afropolitains, cette génération d’Africains dont le monde est devenu la maison et qui se sont émancipés de toute allégeance coloniale. »

Forte tête

Chacun l’aura compris, c’est une forte tête qui prend les rênes du Zeitz Mocaa. Avec des objectifs affichés : « Mes obsessions curatoriales vont certainement me suivre au Cap. C’est-à-dire les femmes, la politique, les artistes qui créent des univers, la diaspora, l’idée de modernité et, bien sûr, la digestion du colonialisme, en mettant l’accent sur l’Afrique du Sud, où ce processus ne fait que commencer. »

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Le caractère privé de l’institution qu’elle servira ne la rebute pas. « L’avenir appartient à toutes les forces qui saisissent l’importance de l’art dans la construction continue des sociétés, dit-elle. Par ailleurs, sur le continent, et particulièrement dans ce domaine, le secteur culturel privé réalise un immense travail de service public, ce qui n’est pas le cas de nos gouvernements. »

Son successeur à la tête de la Raw Material devrait être connu sous peu. « Je l’ai toujours dit, le succès de toutes les institutions indépendantes qui ont vu le jour en Afrique ces dernières années se mesure à leur capacité à survivre à leur fondateur », conclut-elle. Un éloge de la transmission qui ne surprend guère venant de Koyo Kouoh.

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