Numérique : un continent créateur de contenus
Alors que les infrastructures de communication attirent de nombreux investisseurs, l’émergence de plateformes digitales locales apparaît comme un levier de croissance.
Africa CEO Forum 2019 : enjeux et défis de l’intégration africaine
Les 25 et 26 mars à Kigali, 1 600 décideurs venus de 70 pays se réuniront à l’occasion de la septième édition de l’Africa CEO Forum, placée sous le signe de l’intégration africaine.
Si la digitalisation du continent est en route, portée par d’importants investissements dans les infrastructures, États et opérateurs ne doivent pas négliger un autre chantier tout aussi stratégique : l’émergence d’un écosystème numérique africain. « Pour un opérateur de télécoms, tout ce qui contribue au renforcement des usages sur internet permet d’augmenter les volumes de données consommées et donc ses recettes », faisait remarquer Bruno Mettling, président d’Orange Afrique et Moyen-Orient, à Jeune Afrique en mai 2018.
Le Français a débloqué une enveloppe de 50 millions d’euros destinée à développer les start-up africaines digitales. La moitié sera investie dans son programme Orange Digital Ventures Africa, créé il y a deux ans. Et il n’est pas seul. Début 2019, Partech Africa, le fonds du capital-investisseur Partech Ventures consacré aux jeunes pousses du continent actives dans le secteur des nouvelles technologies, a lui levé 125 millions d’euros.
Investissements en forte progression
« La numérisation est d’autant plus un facteur de croissance que les contenus et les services digitaux sont produits localement, souligne Sami Louali, chargé de la stratégie, des relations avec les investisseurs et du développement chez Jumia. La réglementation doit laisser sa chance aux acteurs venus du digital qui ont des solutions adaptées aux nouveaux usages. »
En 2018, GSMA, le lobby mondial des opérateurs de télécoms, avait répertorié 355 tech hubs, incubateurs, accélérateurs, espaces de coworking, fab labs… au sud du Sahara. Cette même année, les start-up africaines ont levé 686,4 millions de dollars, selon une étude du site Digest Africa, l’Afrique de l’Est captant à elle seule près de la moitié de ces financements (44 %).
Et les investissements sont en très forte progression : en 2017, ils ont augmenté de 53 % pour atteindre 560 millions de dollars, d’après Partech Ventures, mais restent très marginaux par rapport aux 40 milliards de dollars levés en 2016 par les capitaux-risqueurs américains.
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Payer ses factures ou renouveler son abonnement TV
Le champion africain Jumia, leader de l’e-commerce sur le continent, a pour sa part levé à lui seul 767 millions de dollars au total entre 2012 et 2016. Il y a plus d’un an, il a même lancé sa propre plateforme de contenus et de services digitaux, Jumia One, au Nigeria et en Égypte.
Sur celle-ci on peut acheter des recharges téléphoniques, régler ses factures d’électricité et ses amendes automobiles, souscrire un produit d’épargne ou renouveler son abonnement TV. « Notre objectif est de permettre à tout fournisseur de services digitaux de les proposer à tous nos utilisateurs. Nous leur donnons de la visibilité et mettons à leur disposition nos outils de paiement », explique Sami Louali.
Sur le marché du streaming musical et vidéo, les acteurs sont essentiellement régionaux et locaux. IrokoTV par exemple, plateforme nigériane de vidéo à la demande, ou la congolaise Baziks Puls, qui met en ligne de la musique africaine, figurent parmi les pionniers. Des œuvres locales ont aussi connu une belle destinée en dehors du continent.
Blockbusters nollywoodiens et films sud-africains
Depuis 2015, Netflix propose des blockbusters nollywoodiens, des films sud-africains et kényans. En septembre 2018, il a racheté les droits mondiaux de Lionheart, le premier film de l’actrice nigériane Genevieve Nnaji, pour 3 millions de dollars. L’année dernière, le géant américain annonçait que sa toute première série originale africaine verrait le jour dans le courant de l’année 2019. La plateforme comptait 2 millions d’abonnés en Afrique en 2018, selon le cabinet américain Digital TV Research. Et d’après ses prévisions, ce chiffre pourrait doubler d’ici à 2023.
Mais d’importants vides juridiques perdurent. « Il y a un gros problème de rémunération des droits d’auteur, souligne Jean-Michel Huet, associé chez BearingPoint. Le continent ne représente que 1 % de ceux qui sont distribués dans le monde et, sur cette fraction, l’Afrique du Sud et l’Algérie en perçoivent 80 %. »
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Le numérique aide alors les États à passer d’une économie informelle à une économie formelle
Au-delà du soutien à la production numérique locale, « l’enjeu le plus important est la transformation, grâce au numérique, de secteurs industriels tels que l’agriculture », affirme Jean-Michel Huet. La logistique constitue également un bon exemple de secteur économique physique qui peut être optimisé grâce au digital.
Ainsi, la start-up kényane Twigga Food a mis en place une plateforme de livraison directe de fruits et légumes du producteur au commerçant, permettant de limiter les pertes et le nombre d’intermédiaires. « Le numérique aide alors les États à passer d’une économie informelle à une économie formelle », souligne Jean-Michel Huet, tout en insistant sur les limites auxquelles sont confrontées les start-up lorsqu’elles déploient une solution technologique dans un environnement qui n’est pas 100 % digital.
Obtenir un microcrédit grâce à son historique d’achat
Il est aussi important que les acteurs de l’économie informelle s’y retrouvent. « Pour les convaincre, nous devons leur offrir des services auxquels ils n’ont pas accès normalement », commente Paul Langlois-Meurinne, directeur général d’Optimetriks, spécialisé dans la digitalisation de la distribution.
Comme lorsqu’un producteur de biens de consommation permet aux petits boutiquiers de bénéficier d’un financement de leur fonds de roulement, en partageant leur historique d’achats avec une institution de microfinance, ou qu’un opérateur téléphonique octroie des microcrédits instantanés en analysant les consommations.
- 680 millions
C’est le nombre d’abonnements à des plateformes numériques (films à la demande, musique…) sur le continent, selon les prévisions Afrique 2018 du cabinet Deloitte.
Plus d’informations sur le site : https://www.theafricaceoforum.com/fr/.
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