Tourisme : à la recherche de la formule gagnante
Hormis le Maroc et l’Afrique du Sud, qui restent leur destination la plus prisée, le continent peine à attirer les visiteurs internationaux. Un investissement dans les infrastructures et le secteur aérien est primordial pour gagner en attractivité.
Africa CEO Forum 2019 : enjeux et défis de l’intégration africaine
Les 25 et 26 mars à Kigali, 1 600 décideurs venus de 70 pays se réuniront à l’occasion de la septième édition de l’Africa CEO Forum, placée sous le signe de l’intégration africaine.
Tourisme culturel, balnéaire, mais aussi d’affaires… Le continent regorge de potentiel en la matière. Les flux internationaux vers l’Afrique poursuivent leur montée en puissance, + 7 % en 2018, soit un point au-dessus de la moyenne mondiale. Ces performances sont d’abord dues au Maroc (12,3 millions de visiteurs) mais aussi à la Tunisie, qui connaît un rebond d’activité. Le Kenya, la Côte d’Ivoire, Maurice et le Zimbabwe les suivent de près, le Cap-Vert se démarque également avec une croissance à deux chiffres, grâce à l’amélioration de sa connectivité aérienne.
Le continent demeure néanmoins peu fréquenté par les touristes : il a reçu seulement 67 millions de visiteurs internationaux l’année dernière, soit 5 % du volume mondial des arrivées aériennes. Seuls quelques pays, allant du Maroc à l’Afrique du Sud, en passant par les États d’Afrique de l’Est, ont établi une stratégie efficace pour attirer les investissements. Ils concentrent aujourd’hui l’essentiel des projets hôteliers et présentent une maturité nettement plus avancée en matière de développement touristique. Du resort en bord de mer à l’hôtel d’affaires en centre-ville, des luxueux safari-lodges à l’établissement économique régional, il est possible d’y conjuguer plusieurs modèles.
Investir des fonds publics pour attirer ceux du privé
Au sud du Sahara, une trentaine d’États restent dans l’ornière. En dépit de ses atouts intrinsèques, le Bénin attire peu, avec seulement 281 000 touristes internationaux l’année dernière. Pour des raisons d’instabilité politique, d’autres ont même été rayés de la carte, tel le Mali. « Quand vous investissez dans une infrastructure, c’est pour vingt ou trente ans. La question de la confiance est absolument fondamentale », souligne Stéphane Durand, associé chez Horwath HTL.
À Madagascar, par exemple, il n’y a pas de code des investissements, celui qui investit assume donc tous les risques. « Notre rôle est d’abord de mettre à disposition le foncier dans des conditions raisonnables », a déclaré la secrétaire d’État au Tourisme du Maroc, Lamia Boutaleb, à l’ouverture du Forum de l’investissement hôtelier africain (Fiha), qui s’est tenu à Marrakech les 7 et 8 février.
L’impulsion au niveau national d’une stratégie publique a un effet structurant. En se dotant l’année dernière d’un plan Sublime Côte d’Ivoire, ce pays entend devenir la cinquième destination du continent. Même si le plan Azur, lancé en 2001 et visant la création de six stations balnéaires, est loin d’avoir rempli sa mission. Sur 58 500 lits touristiques prévus, seuls 1 570 avaient vu le jour en 2017, soit 2,7 % de l’objectif prévu.
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L’ouverture du ciel marocain a permis de retrouver une clientèle importante et de faire émerger le tourisme de loisirs
« Avoir des atouts incroyables, une belle plage, de beaux paysages, un beau patrimoine, ne fait pas une offre, souligne Anne Ravard, directrice adjointe du pôle tourisme et culture au sein du cabinet In Extenso (Deloitte). Pour promouvoir une destination, il faut transformer ses atouts en activités. »
Autrement dit, l’équiper en infrastructures, la rendre accessible en transport, y assurer la sécurité, installer des dispositifs d’accueil et d’information… Autant d’éléments qui dépendent d’investissements publics, nécessaires pour attirer les opérateurs privés.
L’augmentation de la desserte aérienne et celle de la capacité hôtelière vont de pair. « L’ouverture du ciel marocain a permis de retrouver une clientèle importante et de faire émerger le tourisme de loisirs, contrairement à d’autre pays qui se concentrent sur les voyageurs d’affaires dans les capitales », souligne par ailleurs Réda Faceh, vice-président chargé du développement en Afrique du Nord et en Afrique de l’Est chez Accor. Le groupe français est présent dans le pays à travers trente-huit hôtels sous neuf marques couvrant tous les segments, de l’hôtellerie économique au luxe.
La généralisation du visa à l’arrivée, un facteur clé
La généralisation du visa à l’arrivée est aussi l’un des facteurs clés de progression du secteur. En novembre 2018, l’Éthiopie a assoupli sa réglementation en la matière, autorisant tous les ressortissants africains à en faire la demande à leur entrée sur le territoire.
L’ouverture du nouveau terminal de l’aéroport international d’Addis-Abeba, en février 2019, lui permet d’accueillir 22 millions de passagers chaque année. D’après la société de conseil en voyage ForwardKeys, cet aéroport a dépassé Dubaï l’année dernière en tant que principale porte d’entrée de l’Afrique subsaharienne. Et le World Travel & Tourisme Council (WTTC) évalue l’industrie du voyage et du tourisme à 35,2 % des exportations éthiopiennes. Ce secteur devrait connaître une croissance de 4 % par an dans les dix prochaines années.
« Lorsqu’il existe une offre d’affaires et une offre de loisirs sur une destination, cela aboutit à une offre de congrès, insiste Philippe Gauguier, associé chez In Extenso. Ce qui est un peu le Graal : cela fait venir une clientèle qui a de gros moyens, sur de gros volumes, avec une saisonnalité différente de celle des loisirs. »
Miser sur le tourisme du loisir et la classe moyenne
L’émergence d’une classe moyenne sur le continent ouvre également de nouvelles perspectives de développement des loisirs. En Afrique de l’Ouest, « il faut ramener la clientèle européenne des tour-opérateurs – qui a délaissé cette région depuis quinze ans – et la clientèle domestique et sous-régionale, qui ne passe pas ses vacances dans les pays voisins », analyse Olivier Jacquin, directeur général de Mangalis.
Pour ses pays limitrophes, le Nigeria représente un réservoir de clientèle. En Côte d’Ivoire, pays qui, depuis sept ans, connaît une croissance supérieure à 7 %, le tourisme de loisirs représentait 62 % des visites en 2017.
- Tourisme : un nouveau territoire à conquérir ?
Le secteur représente de manière directe et indirecte environ 10 % des emplois et du PIB au niveau mondial, mais ce chiffre tombe à 7 % au sud du Sahara. Comment assurer la viabilité financière des investissements ? Où le privé doit-il se concentrer ?
Plus d’informations sur le site : https://www.theafricaceoforum.com/fr/.
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