Voyage – Mauritanie : le Train du désert entre Zouérate et Nouadhibou de nouveau sur les rails

Depuis 2005, les touristes avaient déserté la ligne Zouérate-Nouadhibou. Aujourd’hui, ils peuvent rembarquer pour un périple de 500 km à travers les paysages mauritaniens.

Le Train Zouérate-Nouadhibou circule sur l’unique voie ferrée du Sahara. © Photo : Nora Schweitzer

Le Train Zouérate-Nouadhibou circule sur l’unique voie ferrée du Sahara. © Photo : Nora Schweitzer

Publié le 22 mars 2019 Lecture : 5 minutes.

Le klaxon de la locomotive retentit. Un troupeau de dromadaires traverse la voie. Alassane Ba, le conducteur, freine brusquement. « Ça arrive souvent ici, il faut être vigilant ! »

Parti de Choûm, localité du nord-ouest de la Mauritanie, le Train du désert met le cap au nord, vers la région du Tiris Zemmour. Vitesse maximale : 60 km/h. Juchés à l’avant de la locomotive, Joël et Sylvie Galtier admirent le paysage. À l’est défilent les dernières montagnes de l’Adrar, le principal massif du pays.

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À l’ouest s’étend une immense plaine sableuse semée de pitons rocheux. Entre les acacias apparaissent les pointes blanches des khaïmas, les tentes traditionnelles des nomades. « Découvrir le Sahara d’une manière aussi originale, c’est magnifique », s’extasie Joël, qui rêvait de voyager dans le plus grand désert du monde.

Mine de fer

Avec une dizaine d’autres Français, ce couple de Montpelliérains vient d’embarquer pour un voyage unique à bord de ce train touristique, remis en service en octobre dernier. Sa particularité ? Il circule sur l’unique voie ferrée de Mauritanie et de tout le Sahara, celle du train minéralier mis en service par les Français en 1963. Il transporte le fer de la mine de Zouérate jusqu’au port de Nouadhibou sur l’Atlantique, à travers plus de 700 km de désert.

Lancé en 1998 par la coopérative Point-Afrique et son emblématique directeur, Maurice Freund, le Train du désert a fonctionné jusqu’en 2005, avant de disparaître avec l’effondrement du tourisme. Frappée par des attaques terroristes, dont celle d’Aleg en 2007, une partie de la Mauritanie a été placée en zone rouge par le ministère des Affaires étrangères français en 2010.

Mais, depuis 2017, la donne a changé. Le Quai d’Orsay a allégé ses consignes de sécurité, ouvrant la voie à une relance du tourisme et à une reprise des vols Paris-Atar. Après plus de dix ans d’interruption, l’heure est enfin venue pour le Train du désert de sortir du hangar. Une renaissance dont se réjouit Sid’Ahmed Tahan, le guide, déjà présent dans les années 2000. « Le train apporte de l’activité touristique dans le nord de la Mauritanie, une région peu visitée, contrairement à l’Adrar, réputée pour ses montagnes, ses oasis et ses canyons. »

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« Le train de tous les records ! »

Un groupe de touristes français à bord du Train du désert entre Zouérate et Nouadhibou. © Photo : Nora Schweitzer

Un groupe de touristes français à bord du Train du désert entre Zouérate et Nouadhibou. © Photo : Nora Schweitzer

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« Train du désert, j’écoute ? » Dans sa cabine de pilotage, Alassane s’agite. Il vient de recevoir un appel radio de la Société nationale industrielle et minière (Snim), qui gère la voie. « Un minéralier chargé arrive de Zouérate. On doit se mettre sur la voie d’évitement pour le laisser passer. » La voie ferrée étant unique, les minéraliers ont la priorité.

Un immense phare apparaît à l’horizon. Le voilà enfin. Trois énormes locomotives et plus de 150 wagons qui défilent dans un fracas assourdissant. Long de 2,5 km et pouvant peser jusqu’à 17 000 t, le minéralier est connu comme l’un des trains les plus lourds et les plus longs au monde. Christian Ross, cheminot de 53 ans, est enchanté. Il rêvait de le voir depuis longtemps. « C’est le train de tous les records ! » s’enthousiasme ce passionné alors que le convoi n’en finit pas de passer. Des Mauritaniens, juchés sur le minerai de fer, saluent de la main.

« Le voyage dans les wagons de fer est gratuit. Ces gens font du commerce entre Zouérate et Nouadhibou. Ils transportent du poisson, des chèvres, et même des dromadaires, explique Sid’Ahmed. Tout passe sur le minéralier ! »

 J’ai l’impression de retourner trente ans en arrière, dans l’ambiance des trains-couchettes. C’est magique, lance un voyageur

Quelques heures plus tard, le Train du désert arrive en gare de Zouérate. Créée ex nihilo à la fin des années 1950 par la Société des mines de fer de Mauritanie (Miferma) – l’entreprise française qui a exploité la mine jusqu’à sa nationalisation en 1974 –, cette cité du Nord compte 44 600 habitants, selon le recensement de 2013. La visite de la mine est un moment fort du voyage.

Au cœur de la Kedia d’Idjil, une chaîne de montagnes aux teintes rouges et noires, le site d’extraction ressemble à une fourmilière. De gigantesques pelles creusent au plus profond de la terre puis chargent d’énormes camions, qui s’agitent en un va-et-vient incessant. Direction ensuite le concassage, où le minerai est broyé puis évacué sur de longs tapis vers le lieu de chargement du train. « Chaque wagon est chargé en 20 secondes, » explique Mohammed Boye, responsable sécurité, avant d’ajouter avec fierté, « nous exportons 12 millions de t de fer par an ».

À la nuit tombée, le Train du désert quitte Zouérate, direction le village de Ben Amira, à 250 km au sud. Les voyageurs s’installent dans la voiture-couchette pour une nuit passée au rythme des balancements du train. Dormir ? Pas pour tout le monde. Christian passe la tête par la fenêtre et admire le ciel étoilé. Une brise fraîche caresse la nuit noire de ce début février. « J’ai l’impression de retourner trente ans en arrière, dans l’ambiance des trains-couchettes. C’est magique. »

Eau et carburant

Au petit matin, les rideaux s’ouvrent sur Ben Amira. Ici, une trentaine de familles vivent au rythme de la voie ferrée. En fin d’après-midi, tout le village est en ébullition, non pas pour le minéralier mais pour un train encore plus important : le train-service. « Une fois par semaine, il nous ravitaille en eau, en carburant, en bétail et en marchandises », explique Mouneina Ali, une habitante, en raccordant son tuyau à l’une des citernes.

Aujourd’hui, elle attend beaucoup du retour du Train du désert. Avec d’autres femmes, elle a dressé des tentes où elles vendent des objets d’artisanat. « Le village a tourné au ralenti quand le tourisme s’est arrêté. On espère que les touristes vont ramener de la vie à Ben Amira. »

Les monolithes de Ben Amira et d’Aïcha

À quelques kilomètres du village trône l’immense monolithe de Ben Amira. Avec ses 550 m, c’est le troisième plus haut du monde après deux monolithes australiens : Uluru (Ayers Rock) et le mont Augustus, constitué de granit. Sa couleur sombre offre un contraste saisissant avec le désert de sable qui l’entoure.

À 7 km de Ben Amira, un autre monolithe vaut le détour, celui d’Aïcha. On peut observer à l’intérieur des peintures rupestres vieilles de 5 000 ans, principalement des bovidés et des chasseurs. Un campement a été dressé au pied du monolithe de Ben Amira pour permettre aux voyageurs de passer la nuit au milieu des dunes.

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