Mali : les nouveaux équilibres de la scène politique à la veille des législatives

À l’approche des élections législatives, qui pourraient se tenir en juin, l’échiquier politique est en pleine recomposition.

Un bureau de vote pour les élections législatives du Mali à Gao, le 24 novembre 2013. (photo d’illustration) © Jerome Delay/AP/SIPA

Un bureau de vote pour les élections législatives du Mali à Gao, le 24 novembre 2013. (photo d’illustration) © Jerome Delay/AP/SIPA

Aïssatou Diallo.

Publié le 19 mars 2019 Lecture : 4 minutes.

Vue de Bamako depuis le sommet de la colline Lassa. © Sylvain Cherkaoui pour JA
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Mali : l’heure du sursaut ?

Fruit d’une prise de conscience collective, une nouvelle dynamique est à l’œuvre au sein de la classe politique, de la société civile et des milieux d’affaires. De quoi engager les réformes institutionnelles et le recentrage économique nécessaires au redressement du pays ?

Sommaire

La présidentielle de juillet 2018 passée et trois mois avant les législatives – dont le premier tour pourrait se tenir le 9 juin 2019 –, force est de constater que les équilibres ont changé.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) est en perte de vitesse et, depuis fin 2018, s’est vidé d’une partie de ses élus, dont bon nombre sont allés grossir les rangs de l’Alliance pour la solidarité au Mali-Convergence des forces patriotiques (Asma-CFP), de Soumeylou Boubèye Maïga, le Premier ministre. Cette formation, qui ne comptait que cinq députés à l’issue des législatives de 2013, en dénombre désormais une vingtaine.

Aujourd’hui, la plus forte opposition se trouve au sein même de la majorité, ironise Housseini Amion Guindo

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Les opposants au chef de l’État évoquent aussi une rivalité entre le Premier ministre et le leader du RPM, Bokary Treta, également à la tête de la coalition Ensemble pour le Mali (EPM), qui regroupe les formations ayant soutenu Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à la présidentielle, dont le RPM, l’Asma-CFP, l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema-PASJ), l’Union malienne du Rassemblement démocratique africain (UM-RDA), l’Union des forces démocratiques (UFD) et l’Union pour la démocratie et le développement (UDD).

« Aujourd’hui, la plus forte opposition se trouve au sein même de la majorité », ironise Housseini Amion Guindo, président de la Convergence pour le développement du Mali (Codem), ex-membre de la majorité présidentielle. « Treta n’a aucun ascendant, ni sur les ministres membres de son parti ni sur les députés. Tous savent que ce n’est pas lui qui décide », renchérit Moussa Mara, président de Yelema et ancien Premier ministre d’IBK.

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Bokary Treta balaie ces considérations du revers de la main : « Nous avons une lecture claire du rôle de chacun. » En ce qui concerne les départs de députés du RPM vers d’autres partis, Treta estime que ceux-ci découlent d’une « question de gestion interne, au regard du contexte politique de 2018 ».

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Il explique : « Objectivement, nous avons voulu alléger les listes en fonction des alliances dans les cercles. À Ségou, où nous recensions six députés RPM sur sept élus, nous avons décidé de ne pas aller au-delà de quatre investitures. Nous n’étions pas certains que cette liste remporterait les sièges et ceux dont l’investiture était incertaine se sont naturellement tournés vers d’autres formations. »

Égalité des genres

L’entrée en vigueur de la loi instituant des mesures pour promouvoir l’égalité des genres dans l’accès aux fonctions nominatives et électives change aussi la donne. Elle dispose en effet, dans son article 3, que « les listes de candidatures aux élections locales doivent respecter l’alternance des sexes de la manière suivante : si deux candidatures du même sexe sont inscrites, la troisième doit être de l’autre sexe ».

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Des mutations s’observent aussi au sein de l’opposition, ou plutôt des oppositions. Ex-membre de la coalition présidentielle passé à l’opposition en 2017 à la faveur de la contestation de la révision constitutionnelle, l’homme d’affaires Aliou Diallo, qui participait pour la première fois à une présidentielle, est arrivé en troisième position, avec plus de 8 % des suffrages exprimés.

De quoi revigorer son jeune parti, l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba). Pour le second tour, ce dernier n’avait appelé à voter ni pour IBK ni pour son challenger, Soumaïla Cissé, président de l’Union pour la République et la démocratie (URD) et chef de file de l’opposition.

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Nouvelles alliances

Le 2 février dernier, Bokary Treta a été reçu par l’ADP-Maliba dans le cadre des nouvelles discussions autour des réformes constitutionnelle et institutionnelles. Résultat : les deux partis ont publié un communiqué conjoint et se sont engagés à travailler ensemble. « Le fait de ne pas avoir appelé à voter pour un candidat au second tour nous donne une position confortable. Nous voulions être constructifs, afin que le dialogue soit inclusif », confie Amadou Thiam, député et président de l’ADP-Maliba.

Quant à Oumar Mariko, le leader de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), jusqu’alors allié de Thiam, avec lequel il formait un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, il s’est trouvé de nouveaux partenaires de circonstance, parmi lesquels Moussa Mara, Housseini Amion Guindo et Moussa Sinko Coulibaly.

Avec ces derniers, il forme désormais la Convergence des forces patriotiques (Cofop). Un mouvement qui estime que la prorogation du mandat des députés est anticonstitutionnelle, dans la mesure où les législatives ont été reportées à deux reprises. « Nos profils ne sont pas forcément liés à ceux de l’actuelle opposition. Ce qui nous unit, c’est que nous ne sommes pas d’accord avec la façon de faire du gouvernement », explique Housseini Amion Guindo.

Premier pas vers la décrispation

À la suite de l’interdiction de manifestations à Bamako depuis fin 2018, les protestations du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD), qui réunit notamment l’URD et le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé, ont été rendues inaudibles.

Pour se faire entendre, Soumaïla Cissé peut compter sur cette phase de dialogue(s) indispensable au succès des réformes voulues par IBK. Les rencontres entre les deux hommes depuis mi-février (lire pp. 110-112) sont d’ores et déjà perçues comme un premier pas vers la décrispation de la vie politique. Quel sera le rôle du chef de file de l’opposition dans les mois à venir ? Pourrait-il diriger le cadre de concertation, voire un futur gouvernement ?

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