Logistique : Bolloré et APMT hissent Tema au niveau des meilleurs
Le nouveau terminal à conteneurs du port ghanéen, dont le coût est estimé à 1 milliard d’euros, lancera ses activités en juin. La concurrence s’intensifie dans le golfe de Guinée.
Changement de dimension en vue à Tema. Meridian Port Services (MPS), qui réunit Bolloré Ports (35 %), APM Terminals (APMT, 35 %), du groupe danois Maersk, et l’Autorité portuaire ghanéenne (30 %), remettra à l’État en septembre les clés du terminal à conteneurs qu’il gère depuis 2007. À l’époque l’un des plus modernes d’Afrique de l’Ouest.
Avec deux quais de part et d’autre d’un môle et 570 m de longueur de quai dotés de trois portiques à conteneurs, il permet au port, alimenté notamment par les lignes de CMA CGM, Maersk et PIL entre l’Asie et l’Afrique de l’Ouest, d’afficher une très bonne productivité. En 2018, le trafic a atteint 836 000 équivalents vingt pieds (EVP), 90 % de l’activité conteneur du premier port ghanéen, numéro trois en Afrique de l’Ouest derrière Lomé (Lomé Container Terminal et Togo Terminal réunis, gérés respectivement par Mediterranean Shipping Company et Bolloré) et Lagos.
Démarrage le 28 juin
Mais Tema, qui affiche un tirant d’eau de 11,5 m, est limité à des porte-conteneurs de 5 500 EVP, alors que les grands armateurs ont introduit sur le continent depuis quelques années, avec le boom des importations chinoises, des navires parfois deux fois plus gros. Dans ce contexte, MPS a vu grand, très grand. À la fois pour répondre aux besoins de l’économie ghanéenne, en croissance vertueuse depuis une décennie, et pour servir de hub dans la sous-région.
Le consortium a investi plus de 1 milliard d’euros dans un nouveau terminal à l’extérieur du port actuel. « Une réalisation qui renforce la capacité portuaire en Afrique de l’Ouest et constitue une nouvelle étape pour le développement de la logistique intra-africaine », résume Olivier de Noray, directeur général de Bolloré Ports.
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Le nouveau terminal doit démarrer le 28 juin avec deux postes à quai, 600 m de longueur de quai, plus un petit poste pour les remorqueurs, soit une capacité de 1 million de conteneurs EVP par an. MPS prévoit un troisième poste à quai (et 1 100 m de longueur de quai) à la fin du premier trimestre de 2020 et un quatrième poste (et 1 400 m de longueur de quai) dès la fin de 2020. Le terminal pourra alors traiter plus de 2 millions d’EVP par an.
Dans la cour des grands
Le chinois CHEC termine la partie maritime (digue de protection, quai), Eiffage le terminal proprement dit et les réseaux électriques, et Consul Ghana Ltd les bâtiments. Les tests des portiques doivent commencer à la fin du mois, avant quelques semaines de simulation des opérations afin d’être prêts pour la première escale commerciale. Avec cette nouvelle infrastructure, Tema, qui dispose d’un tirant d’eau de 16 m, rejoint le club des autres grands ports de la région tels qu’Abidjan, Cotonou ou encore Lomé.
Qui dit ports adaptés dit plus de grands navires pour la poignée d’armateurs capables d’en positionner en Afrique de l’Ouest – Maersk, MSC, CMA CGM, Cosco et Hapag-Lloyd pour l’essentiel – et donc plus de volumes dans un marché qui souffre encore de la faiblesse des infrastructures extraportuaires.
Pointe-Noire, où Bolloré Ports et APMT sont déjà associés, avait été le premier port en eau profonde capable de servir de hub. Depuis, Cotonou, Lomé, Kribi – et bientôt Abidjan – s’alignent sur un standard de tirant d’eau de 15 à 17 m, et la norme des porte-conteneurs de 8 000 à 14 000 EVP. Une offre finalement plus émulatrice que surabondante.
Une option supplémentaire pour la desserte des pays enclavés
Ces ports constituent un range à la manière de l’Europe du Nord ou de la rivière des Perles, en Chine. « Ces terminaux modernes tirent le marché vers le haut, car les armateurs n’aiment pas envoyer des navires de 15 m de tirant d’eau dans une zone où il n’y a qu’un seul port capable de les recevoir », confirme Olivier de Noray.
Tema va-t-il vite trouver sa place ? « La croissance des volumes dans la région nécessite une vision globale de la capacité logistique, depuis la zone portuaire jusqu’au destinataire final, analyse le dirigeant de Bolloré Ports. En 2018, les volumes conteneurisés en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale ont connu une croissance de l’ordre de 10 %. Notre prévision, prudente, vise en moyenne 3 % à 5 % de croissance pour nos ports africains en 2019. Cela signifie qu’il faut adapter régulièrement les capacités de la chaîne logistique des pays côtiers mais aussi des corridors vers l’hinterland. »
Alors que les ports d’Afrique de l’Ouest se sont adaptés aux standards internationaux depuis le mouvement de mise en concession entamé au début des années 2000, Tema vient renforcer l’offre dans la sous-région. Ce hub portuaire créera une option supplémentaire pour la desserte des pays enclavés comme le Niger et le Burkina Faso.
Une bonne connexion vers Accra
Plusieurs dizaines de milliards d’euros ont été investis par les opérateurs publics et privés, le plus souvent au sein de partenariats public-privé, pour assurer la connexion logistique ouest-africaine. Malgré ces efforts, le commerce intrarégional reste encore tributaire d’infrastructures inadéquates.
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Tout l’enjeu pour les opérateurs réside donc dans la mise en place d’une bonne connexion à l’hinterland. « Il y a de moins en moins de pays desservis exclusivement par un seul port », constate Olivier de Noray.
Le port ghanéen a dans ce domaine déjà un atout : le nouveau terminal s’accompagne de travaux routiers importants sur la trentaine de kilomètres reliant l’infrastructure à Accra. Et le Ghana veut aussi améliorer la ligne ferroviaire au départ de Tema.
Sept portiques pour de très grands navires
Déchargements spectaculaires à la fin de décembre et au début de février à Tema. Après quarante-sept jours de mer, sept grands portiques de quai commandés au spécialiste ZPMC sont arrivés de Chine. Ils pourront travailler dix hauteurs de conteneurs à bord d’un navire et vingt-trois rangées de largeur comme dans les meilleurs ports européens ou chinois.
À Lomé, des performances décevantes pour LCT
À partir de 2014, Mediterranean Shipping Company (MSC) a choisi de miser sur la capitale togolaise pour asseoir ses positions sur la façade ouest. À travers sa filiale TIL, qui, associée à China Merchants, a construit Lomé Container Terminal (LCT) avec le concours des grands bailleurs de fonds internationaux, le numéro deux mondial italo-suisse privilégie l’intégration verticale.
LCT, base de trois lignes interocéaniques de MSC (vers l’Asie, la Méditerranée et le nord de l’Europe), sert de hub pour tout le golfe de Guinée.
Avec moins de 500 000 EVP de trafic annuel, LCT, qui reste très discret sur son activité, est encore très loin d’arriver aux 2,2 millions d’EVP de capacité du terminal. Ce qui provoque des frictions avec son partenaire chinois, déçu de la performance de MSC, qui reste, malgré de grandes ambitions, derrière Maersk et CMA CGM en Afrique de l’Ouest.
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