En Gambie, la bataille entre Adama Barrow et Ousainou Darboe s’intensifie

Le limogeage du vice-président Oussainou Darboe par Adama Barrow intervient après plusieurs mois de tensions entre l’opposant historique à Yahya Jammeh et celui qui refuse d’être vu comme un président « par accident ».

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Publié le 26 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

C’est par un communiqué laconique de la présidence que les Gambiens ont appris, le 15 mars, le limogeage avec « effet immédiat » d’Ousainou Darboe, leur vice-président, ainsi que celui de deux ministres qui lui sont proches : Amadou Sanneh (Commerce) et Lamin Dibba (Agriculture). Aussi brutale soit-elle, la rupture d’Adama Barrow, le chef de l’État, avec celui qu’il a longtemps considéré comme son « père en politique » n’a pas surpris grand monde à Banjul.

Depuis des mois, la crise couvait entre le successeur de Yahya Jammeh et le leader du Parti démocratique unifié (UDP), opposant historique au dictateur déchu. Certains font même remonter leur rivalité à l’alternance de décembre 2016. Du fond de sa cellule de Miles 2, il était emprisonné sous le régime Jammeh, Darboe avait appris l’élection surprise de son cadet, sorte de M. Tout-le-Monde, inconnu du grand public, que les partis d’opposition avaient choisi comme candidat unique.

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Patron de la « nouvelle Gambie »

Depuis, Adama Barrow n’apprécie guère qu’on le considère comme un président « par accident ». Et encore moins que certains persistent à voir en Darboe le véritable patron de la « nouvelle Gambie ».

Manière d’asseoir son autorité ? Il ne fait plus mystère de sa volonté de mener son mandat de cinq ans jusqu’à son terme, alors qu’il avait promis, en échange du soutien de la coalition de l’opposition, d’organiser un nouveau scrutin au bout de trois ans. Ce revirement n’a sans doute pas contribué à améliorer ses relations avec certains de ses anciens camarades, à commencer par Ousainou Darboe.

Depuis quelques mois, les signes de tension étaient devenus de plus en plus visibles. Le président, qui avait démissionné de l’UDP avant son élection afin de mieux représenter l’ensemble de l’opposition, a lancé le Barrow Youth Movement for National Development. Aujourd’hui, ses adversaires le soupçonnent de vouloir transformer ce mouvement de jeunesse en parti politique afin de briguer un second mandat.

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En juin 2018, Barrow avait demandé à Darboe de quitter son poste de ministre des Affaires étrangères et l’avait nommé vice-président – l’équivalent d’une mise sur la touche, puisque cette fonction est avant tout symbolique. L’avocat à la fine barbichette multiplie depuis les critiques à l’égard du chef de l’État, répétant à la cantonade que celui-ci ferait mieux de rester modeste car sa victoire sur Yahya Jammeh ne relève pas d’un exploit individuel mais d’une œuvre collective.

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Pouvoir de nuisance

Nul doute que la bataille devrait s’intensifier. Contacté par JA, Ousainou Darboe affirme « ne pas vouloir s’exprimer pour le moment ». À la State House, les proches du président observent le même silence. S’il a perdu son rang de ministre, Darboe a été réélu secrétaire général de l’UDP lors du congrès de décembre 2018, et conserve donc le soutien du parti qui détient la majorité absolue à l’Assemblée nationale.

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Un pouvoir de nuisance qu’Adama Barrow tente de neutraliser en ralliant à sa cause les cadres de son ancienne formation et en affaiblissant son adversaire dès qu’il le peut. À la mi-mars, il a ainsi obtenu la révocation de la députée UDP Ya Kumba Jaiteh (l’un des cinq parlementaires nommés par le président au début de son mandat), qui, quelques jours plus tôt, avait tenu des propos déplacés à son égard.

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