Logistique : Terminal Investment Limited compte doubler son nombre de terminaux africains avant 2020
Nommé il y a un an à la tête de la filiale de MSC, Ammar Kanaan, directeur général Terminal Investment Limited, établit un bilan d’étape, présente ses objectifs et livre son analyse de l’évolution du secteur sur le continent.
À l’évidence, Diego Aponte, PDG de Mediterranean Shipping Company (MSC), a fait venir une pointure à la tête de Terminal Investment Limited (TIL), la filiale portuaire de la compagnie maritime italo-suisse. Avant de prendre son poste, Ammar Kanaan a eu une longue et fructueuse carrière aux commandes d’International Port Management (IPM), opérateur de terminaux ou parfois simple prestataire de services, en même temps que laboratoire des meilleures pratiques portuaires.
Du développement du port de Beyrouth à celui du terminal saoudien King Abdullah, pour le compte de MSC déjà, cet ancien du MIT a passé plus de trente ans dans le secteur. Le Lloyd’s List l’a rangé parmi les dix personnalités les plus importantes du monde maritime en 2018. Le profil idéal pour faire définitivement de TIL davantage que le manutentionnaire de MSC.
Jeune Afrique : Les volumes réceptionnés jusqu’à présent sur le Lomé Container Terminal (LCT) paraissent être assez éloignés de vos prévisions de trafic, au point semble-t-il de provoquer des tensions avec vos partenaires de China Merchants Group (CMG). Le confirmez-vous ?
Ammar Kanaan : Je n’ai aucun commentaire à faire sur une information dont je n’ai pas connaissance. À Lomé, nous avons investi près d’un demi-milliard d’euros pour construire et développer ce terminal, selon une vision à long terme, sur vingt ans, voire quarante, comme à chaque fois qu’il s’agit d’infrastructures de ce genre.
Bien sûr, il peut y avoir des années moins fastes que d’autres, mais je peux vous affirmer que la tendance générale, sur le LCT, respecte notre plan de marche, et nous n’avons aucune raison de revoir nos prévisions à la baisse. Au contraire. Le port fonctionne très bien, notre productivité sur les quais progresse chaque année, pour faire aujourd’hui de Lomé l’un de nos terminaux les plus performants. Nous avons traité 1,2 million d’équivalents vingt pieds (EVP) en 2018 et nous sommes partis pour faire encore mieux cette année.
Nous prévoyons toujours d’investir 500 millions d’euros supplémentaires à Lomé dans les dix ans
Vous n’avez donc pas prévu de revoir vos investissements à la baisse sur un terminal déjà dimensionné pour traiter 2,2 millions d’EVP par an ?
Non, nous prévoyons toujours d’investir 500 millions d’euros supplémentaires dans les dix ans. Nous avons pour objectif de porter les capacités du LCT à plus de 4 millions d’EVP par an. Nous avons déjà commencé à livrer de nouveaux portiques pour pouvoir rapidement réaliser 400 000 mouvements de conteneurs supplémentaires chaque année.
Avec la confirmation de Lomé comme plateforme de transbordement, notamment spécialisée dans la réception des lignes maritimes en provenance directe d’Asie, quel rôle réservez-vous à vos installations portuaires de San Pedro ?
Le projet initial de construire un hub à vocation sous-régionale reste pertinent, mais nous souhaitons aussi servir le marché ivoirien depuis San Pedro. Il suffit de constater les problèmes de congestion à Abidjan et la difficulté qu’ont les opérateurs à sortir les marchandises du port pour comprendre que la Côte d’Ivoire a besoin impérativement d’un deuxième point d’entrée pour les conteneurs destinés à son propre marché. Et avec le projet de ligne ferroviaire élaboré par le gouvernement pour relier les deux agglomérations, San Pedro deviendra un terminal supplémentaire d’Abidjan.
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Est-ce justifié pour une compagnie maritime de disposer de deux plateformes dans la sous-région ?
Tout à fait. La situation est identique à celle de l’Europe du Nord. Pourquoi investir des montants considérables dans des ports aussi proches les uns des autres que Le Havre, Anvers et Rotterdam, tous voués à servir le même marché ? Nous voyons les choses différemment. Chacun sert son propre « sous-marché », tout en nous apportant une plus grande souplesse dans la gestion de nos flux et de nos opérations.
Et c’est exactement la logique que nous suivons en Afrique avec Lomé et San Pedro, en attendant de renforcer notre position dans la région. Les besoins du marché africain en matière de desserte maritime ne vont cesser d’augmenter. Nous disposons aujourd’hui de quatre terminaux en Afrique, avec Tanger et Tin Can, et nous comptons doubler ce nombre avant l’année prochaine, pour accompagner le développement économique du continent.
Existe-t-il une vie pour TIL en dehors de MSC ?
La stratégie d’implantation de TIL est liée aux volumes transportés par MSC. Nous investissons là où la compagnie maritime a besoin de nos services et de nos infrastructures. Elle nous garantit en échange le minimum d’activités requis pour rentabiliser nos installations. Ce qui ne nous empêche pas de travailler pour le compte d’autres armateurs. à l’échelle mondiale, MSC représente plus de 50 % de nos volumes, mais la contribution des autres compagnies est loin d’être anecdotique.
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Pourquoi semble-t-il être si important aujourd’hui pour une compagnie maritime de disposer de son propre manutentionnaire ?
Tous les grands armateurs suivent cette tendance, notamment ceux qui cherchent à se positionner sur les activités de transbordement, où règne une très forte concurrence. Pendant longtemps, les terminaux étaient confiés à des opérateurs spécialisés, mais la crise de 2008 a démontré leur faiblesse structurelle face à de telles turbulences.
Le poids des compagnies maritimes n’a depuis cessé de s’affirmer sur les quais. Des géants comme MSC, mais également Maersk et CMA CGM, investissent lourdement dans les terminaux, allant jusqu’à créer leur propre filiale de manutention. Cela répond également à la volonté constatée chez nos clients de s’adresser à un seul interlocuteur pour traiter l’ensemble des services de transport et de logistique, comme MSC le propose aujourd’hui avec TIL et Medlog, qui s’occupe du volet terrestre.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’investir dans des endroits où la fluidité des courants de marchandises n’est pas envisageable
La desserte de l’hinterland semble aujourd’hui être le principal frein logistique en Afrique. Est-ce un élément dont vous tenez compte dans votre stratégie d’implantation ?
C’est un élément majeur, et nous avons déjà par le passé refusé de nous engager sur certains dossiers qui ne présentaient pas des perspectives de connectivité satisfaisantes avec leur hinterland. Nous ne pouvons pas nous permettre d’investir dans des endroits où la fluidité des courants de marchandises n’est pas envisageable.
Quelle doit être maintenant la priorité de TIL en Afrique ?
Nous allons poursuivre notre politique d’acquisition de terminaux, mais nous allons surtout travailler à améliorer nos résultats sur l’existant, en matière de productivité, d’efficacité et de développement durable, les trois étant interconnectés. Si nous améliorons notre productivité, nous servons davantage de navires pour la même empreinte environnementale. Nous maximisons le rendement de nos installations en améliorant l’image de l’entreprise, tout en étant en mesure de fournir le service intégré porte-à-porte dont j’ai parlé. C’est exactement la démarche que nous comptons mettre en place pour faire la différence.
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