Présidentielle en Mauritanie : Ould Boubacar s’invite dans la course à la succession d’Aziz
L’ex-Premier ministre mauritanien a annoncé sa candidature à la présidentielle de juin. Face à Mohamed Ould Ghazouani, dauphin du président sortant, il estime avoir le profil idoine pour incarner l’alternance.
Présidentielle en Mauritanie : Ghazouani proclamé vainqueur, l’opposition conteste
Mohamed Ould Ghazouani, dauphin désigné du président sortant, Mohamed Ould Abdelaziz, a été donné vainqueur du scrutin présidentiel du 22 juin par la commission électorale. Un résultat contesté par plusieurs candidats de l’opposition. Retrouvez tous nos articles sur la campagne électorale et les enjeux de cette présidentielle.
Les Mauritaniens l’avaient un peu perdu de vue. En sortant de sa discrète retraite pour annoncer, le 30 mars, sa candidature à l’élection présidentielle de juin, Sidi Mohamed Ould Boubacar a décidé de jouer les invités surprises. Pour de nombreux citoyens de la République islamique, l’ex-Premier ministre et ancien ambassadeur est un fonctionnaire calme, discipliné, toujours prompt à rebondir sous les présidences successives, mais ils ne savent pas grand-chose de cet homme de 62 ans.
Sidi Mohamed Ould Boubacar, qui, pendant un an, a mûri sa décision, a d’abord noué des contacts tant du côté du pouvoir que de l’opposition. Avant de se rallier à celle-ci et de se poser en homme providentiel au moment le plus opportun, car les adversaires du chef de l’État sortant, convaincus que ce dernier allait briguer un troisième mandat – ce que lui interdisait la Constitution –, ont été pris de court par sa décision d’y renoncer.
Soutenu des islamistes de Tawassoul
Faute d’avoir su régler leurs différends, les opposants n’ont pas réussi à désigner un candidat unique pour affronter le dauphin du président, le général Mohamed Ould Ghazouani. Ould Boubacar a alors engrangé le soutien des islamistes de Tawassoul, première force d’opposition du pays. Ces derniers, qui ne souhaitaient pas présenter de candidat, cherchaient à s’allier à une personnalité non affiliée à un parti politique.
« Il entretenait de bonnes relations avec un dirigeant de Tawassoul, l’ex-vice-président de l’Assemblée nationale Mohamed Ghoulam Ould El Hadj Cheikh, précise son ami Moussa Ould Hamed, ancien patron de l’Agence mauritanienne d’information. Il n’est pas étonnant que ce parti ait jeté son dévolu sur lui. Il est proche d’eux. »
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Passé autoritaire
Outre le syndicaliste Samory Ould Beye, Ould Boubacar est parvenu depuis à fédérer derrière lui plus d’une vingtaine de formations, dont le parti Hatem, de Saleh Ould Hanena. Surtout, il compte un autre allié de poids : le riche homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Lequel, visé par un mandat d’arrêt de la justice mauritanienne, ne pouvait se présenter à l’élection. Mais l’ancien ambassadeur (Paris, Madrid, Le Caire, ONU) se défend d’être son candidat. « Mohamed est son ami, mais pas son seul ami », résume un proche.
Né à Atar dans une famille de militaires, Sidi Mohamed Ould Boubacar est membre des Oulad Ahmed, une tribu maraboutique sans influence politique notable et bien implantée dans le Brakna. Au début des années 1980, diplômé en droit de l’université d’Orléans (France), il est trésorier général de Dakhlet Nouadhibou. Le président Mohamed Khouna Ould Haidalla fait alors sa connaissance lors d’une tournée régionale. Quand ce dernier est renversé par Maaouiya Ould Taya, en décembre 1984, le nouveau chef de l’État le repère également.
Sous ce régime autoritaire, Sidi Mohamed Ould Boubacar a occupé de nombreux postes (directeur du Trésor public, contrôleur financier de l’État, ministre des Finances, Premier ministre, secrétaire général du PRDS, le parti au pouvoir…). Pour ses détracteurs, il est encore étroitement associé à cette époque. Mais il dit assumer, assurant que lorsqu’il était à la tête du gouvernement (de 1992 à 1995), il avait à gérer les dossiers économiques dans un contexte difficile, et il rappelle que la situation du pays s’est depuis améliorée.
Son programme est essentiellement axé sur l’économie et la justice sociale, là où selon lui « Aziz » a échoué
Le leader anti-esclavagiste Biram Ould Dah Abeid (Ira-Sawab) et le patron de l’Union des forces de progrès (UFP), Mohamed Ould Maouloud, figure historique de l’opposition, se sont également déclarés candidats. Mais son entourage est formel : seul Sidi Mohamed Ould Boubacar peut incarner l’alternance.« Il est l’homme de la situation, il a le profil idéal, assure son ami Abdallahi Ould Ewah, professeur d’économie à l’université de Nouakchott. Il rassure les conservateurs tout en étant capable de parler à l’armée. »
Son programme est essentiellement axé sur l’économie et la justice sociale, là où selon lui « Aziz » a échoué. « C’est la candidature d’un déçu, glisse un membre du premier cercle du président. En tant qu’ambassadeur à l’ONU, il s’est accroché jusqu’au bout. Si “Aziz” l’avait reconduit, Ould Boubacar serait encore à ce poste. D’ailleurs, Ely Ould Mohamed Vall l’avait sollicité pour diriger sa campagne en 2009. Il avait refusé, préférant rester diplomate. »
Ould Boubacar s’appuie désormais sur sa garde rapprochée (dont font notamment partie l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Ould Maaouya et l’ancien directeur de la télévision Imam Cheikh Ould Ely) pour tenter de s’offrir, cette fois, le premier rôle.
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