Comores : Anjouan, la sultane
À la recherche d’une manne touristique pour renflouer ses réserves de change, l’Union des Comores redécouvre ses richesses naturelles et patrimoniales.
Dans leur course vers l’émergence économique, les autorités de l’Union des Comores ont décidé de miser sur le développement d’une offre touristique digne de ce nom. Et c’est pour mieux dévoiler ses charmes que l’archipel fera, pour la première fois, le déplacement à Paris en octobre 2019, pour participer au Salon IFTM Top Resa, l’un des rendez-vous professionnels les plus importants du secteur.
Bien sûr, la délégation comorienne va en profiter pour mettre en avant la beauté paradisiaque de ses plages, la diversité de sa faune marine, mais aussi un patrimoine historique unique, hérité des sultans qui ont gouverné les différentes îles entre les XIIIe et XVIIIe siècles. Originaires d’Oman ou de la région de Chiraz, dans le sud de l’ancienne Perse, ils ont suivi les courants marins le long de la côte swahilie avant d’atteindre, via Lamu et Zanzibar, l’archipel de Djazaïr al Qamar [les fameuses îles de la Lune, citées dans Les Mille et Une Nuits], déjà islamisé depuis plusieurs siècles.
Les Chiraziens apportent l’alphabet arabe, certaines pratiques agricoles et surtout la chaux, qui leur permet de réaliser les premières bâtisses en dur. C’est notamment le cas à Anjouan, où les « sultans batailleurs » se révèlent également être, entre deux razzias, des bâtisseurs. Les nombreux édifices militaires, commerciaux et religieux qu’ils ont laissés témoignent, aujourd’hui encore, du riche passé culturel des Comores.
La citadelle de Mutsamudu
Pas de meilleur endroit pour commencer la visite que les murailles crénelées du fort qui surplombe le port et la médina de Mutsamudu, la capitale de l’île. Installée sur les hauteurs de la colline de Sinéjou, elle a été érigée entre 1782 et 1789, par le sultan Abdallah Ier, pour protéger l’île des pirates malgaches qui séviront dans la région jusqu’au début du XIXe siècle.
La tour carrée du vieux donjon domine toujours les murs en basalte recouverts d’un enduit composé de chaux, de sable et de miel, et derrière lesquels se protègent encore quelques canons rouillés, aux fûts frappés des armes de la Royal Navy, comme un symbole du poids commercial de la place, alors située le long de la route des Indes.
La médina de Mutsamudu
« La plus belle médina de l’océan Indien », assurent fièrement les Anjouanais. « L’une des rares à bénéficier d’un vrai plan cadastral », précise Kassim Badroudine, directeur de l’office du tourisme de l’île. Même si ce plan est difficile à lire depuis les ruelles étroites et parfois couvertes qui serpentent autour des dix-sept mosquées que compte la vieille ville. La plus ancienne d’entre elles daterait du VIIe siècle et a depuis longtemps été réduite à l’état de ruine.
Vus de l’extérieur, la plupart des palais et des mausolées qui parsèment la ville sont d’ailleurs très mal en point, quand ils n’ont pas été simplement annexés aux habitations environnantes. Seule la place de Pangahari, où ont été longtemps célébrés les grands mariages, a gardé un peu de sa superbe, avec ses fresques arabisantes encore visibles sur quelques façades décrépies.
Le palais d’Ujumbé
Sous les rayons du soleil, l’ancien palais des sultans retrouve tout l’éclat de sa blancheur. Merci au Collectif du patrimoine des Comores, qui, grâce au soutien des bailleurs internationaux, a permis la rénovation du principal monument de Mutsamudu. Construit au cœur de la médina, à la fin du XVIIIe siècle, ce palais de 850 m² (répartis sur deux niveaux) a servi de résidence aux sultans jusqu’en 1909.
Ces derniers recevaient à l’étage les dignitaires et les ambassadeurs étrangers. C’est ici qu’a été signée, en 1886, la première convention de protection avec la France, sous les poutres savamment ouvragées du plafond et à l’ombre des moucharabiehs en teck qui habillent aujourd’hui encore les larges fenêtres.
De sa grandeur passée, Domoni a gardé de nombreuses traces, comme ces palais royaux du XIIIe siècle
La médina de Domoni
Difficile d’imaginer que cette petite bourgade tranquille de 18 000 habitants a été, jusqu’en 1792, le centre politique de l’île, voire de l’archipel. C’était avant le transfert de la capitale dans la ville portuaire de Mutsamudu, de l’autre côté de l’île.
De cette grandeur passée, Domoni a gardé de nombreuses traces, comme ces palais royaux du XIIIe siècle. Derrière ses remparts, dont subsistent encore quelques vestiges, la médina ressemble à un labyrinthe de venelles et de terrasses, avec ses maisons aux lourdes portes en bois sculpté qui semblent être là depuis toujours. Comme celle qui permet encore d’entrer dans la ville, par le nord, face à La Mecque.
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La mosquée de Chiraz
Personne ne peut donner avec exactitude sa date de construction – entre le XIVe et le XVIe siècle selon les érudits –, mais tout le monde connaît la mosquée de Chiraz sur Anjouan. Mkiri wa Chiraz présente la double particularité d’avoir été construite selon les mêmes plans que ceux des actuelles mosquées iraniennes, avec deux mihrabs indiquant aux fidèles la direction de la Kaaba. Elle a conservé ses plafonds polychromes d’origine, mais les peintures résistent mal aux assauts du sel marin.
C’est depuis les soubassements de cet édifice posé les pieds dans l’eau turquoise du lagon que partent les nombreux kwassa-kwassa qui tentent de rallier Mayotte, distante à cet endroit de moins de 70 km.
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