Aérien : Air Sénégal remet son destin entre de nouvelles mains

Créée en un temps record avant la présidentielle, la compagnie va développer son réseau de dessertes et ouvrir son capital alors que son directeur général passe le relais.

L’A330neo d’Air Sénégal. © Airbus

L’A330neo d’Air Sénégal. © Airbus

Rémy Darras © Francois Grivelet pour JA

Publié le 24 avril 2019 Lecture : 3 minutes.

L’accord de Macky Sall s’est fait attendre. Au lendemain de la présidentielle du 24 février, Philippe Bohn, directeur général d’Air Sénégal, avait remis sa démission au chef de l’État, laquelle a été officialisée le 19 avril. Il devient administrateur de la compagnie. Ibrahima Kane, directeur général du Fonds souverain d’investissement stratégique (Fonsis), qui a participé au montage financier de l’achat des appareils, est cité comme son probable successeur. Si le président a donné son aval, c’est parce que le contrat tacite qu’il avait noué en août 2017 avec Philippe Bohn a été rempli. En dix-huit mois, l’ancien « Monsieur Afrique » d’Airbus, appuyé par son adjoint Jérôme Maillet, est parvenu, à partir de rien, à remonter un pavillon national sur des bases solides en lançant une ligne vers Paris.

Ce projet, inscrit dans le Plan Sénégal émergent, était des plus symboliques pour la réélection du chef de l’État. Il y a un an, Air Sénégal démarrait ses opérations domestiques et régionales. Les dessertes de Ziguinchor, de Praia, de Banjul et de Conakry fonctionnent bien, avec 80 % de taux de remplissage. Les autres lignes connaissent une fréquentation en demi-teinte (60 % d’occupation en moyenne) mais qui progresse. Et la concurrence reste féroce sur la ligne Abidjan-Dakar, la plus importante de la zone. C’est le long-courrier qui doit représenter à terme les deux tiers de son chiffre d’affaires et qui financera le transport régional, « structurellement déficitaire », affirme Jérôme Maillet, pointant un niveau de taxes exorbitant.

Mais si les classes éco et premium éco affichent quasi complet avec 95 % de remplissage, la classe affaires n’accueille pour l’instant que cinq à dix passagers sur une trentaine de sièges

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Censé pour le moment être le plus important relais de croissance et rapporter 4,3 millions d’euros par mois, le Dakar-Paris (290 sièges), ouvert le 1er février, affiche un premier bilan plutôt favorable avec un taux de remplissage qui tourne autour de 75 % à 80 %, et « 10 points de mieux sur le vol de jour vers Paris que sur le vol de retour », selon la compagnie. Un accord interlignes avec Air France permet aux passagers des deux compagnies d’emprunter l’une ou l’autre. Mais si les classes éco et premium éco affichent quasi complet avec 95 % de remplissage, la classe affaires n’accueille pour l’instant que cinq à dix passagers sur une trentaine de sièges. La faute à la période électorale, peu propice aux déplacements des agents publics sénégalais. La compagnie est en cours de référencement par les voyagistes choisis par les passagers à haute contribution. Le recrutement et la formation des personnels demeurent un grand défi, notamment pour améliorer la qualité du service à bord.

>>> À LIRE – Air Sénégal : le directeur général Philippe Bohn démissionne

300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020

Alors qu’il recevra fin 2019 son second A330 Neo, Air Sénégal réfléchit d’ores et déjà à de nouvelles routes intercontinentales. Une étude est actuellement menée par l’aéroport de Dakar. Ce qui laisse dubitatifs certains observateurs, notant le caractère risqué d’une telle opération en général très consommatrice en capital et rappelant le succès mitigé du vol Abidjan-New York lancé par Ethiopian il y a un an.

En étant plus proche de New York et de São Paulo, on est 35 % moins cher

« Nombre de passagers en provenance du Proche-Orient, du Moyen-Orient et de la sous-région passent par Paris ou Bruxelles pour se rendre en Amérique du Nord ou en Amérique du Sud, alors que notre positionnement est idéal. Si l’on fait d’un côté Beyrouth-Dakar et de l’autre Dakar-São Paulo, on démultiplie le trafic de chacun de ces deux tronçons. En étant plus proche de New York et de São Paulo, on est 35 % moins cher », indique Jérôme Maillet, qui mise aussi sur l’ouverture d’ici à juillet des liaisons vers Nouakchott, Niamey et Ouagadougou pour nourrir ses gros-porteurs. La compagnie, lancée à la vitesse d’une start-up, compte atteindre le point d’équilibre à l’horizon 2022 et 300 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020. En 2019, elle vise 85 millions d’euros. Lazard Frères l’accompagne dans l’ouverture de 30 % de son capital (75 millions d’euros). Des fonds moyen-orientaux et chinois se sont déjà manifestés. Le futur dirigeant devra continuer d’inspirer confiance aux investisseurs et aux prêteurs dans l’évaluation de leurs risques.

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Feu vert pour le crédit-export

Le 10 avril, la compagnie a reçu de trois cabinets d’audit anglo-saxons et américains la garantie de la conformité des contrats d’achat des A330 Neo, ce qui lui permet d’obtenir le crédit-export nécessaire au financement des appareils. Les ordinateurs des vendeurs ont été passés au peigne fin. Des procédures mises en place par l’avionneur à la suite d’affaires de corruption.

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