Hôtellerie : Pascal Monkam renforce sa position de leader au Cameroun
À bientôt 90 ans, le magnat de l’immobilier Pascal Monkam, qui a édifié son empire entre son pays, le Cameroun, et l’Afrique du Sud, met en service un nouvel établissement quatre étoiles à Douala.
Hôtellerie : une pléthore de projets africains
Malgré quelques obstacles ponctuels, le secteur de l’hôtellerie a continué de se développer à vitesse grand V en 2019 sur le continent. Les projets se multiplient et les investisseurs répondent présents, notamment dans le luxe.
La tour dorée de seize niveaux se dresse majestueusement sur la rue Njo-Njo, dans le quartier huppé de Bonapriso, à Douala. Depuis le 23 avril, les cent vingt-cinq chambres, douze suites et douze appartements de l’hôtel quatre étoiles La Falaise qu’elle abrite sont ouverts à la clientèle. Le groupe familial Monkam possède désormais sous la même marque cinq établissements dans le pays, dont trois dans la capitale économique camerounaise. Six cents chambres au total qui le placent en tête des hôteliers au niveau national.
La construction de l’hôtel, commencée il y a quatre ans, avait été prévue au départ pour que son inauguration coïncide avec la Coupe d’Afrique des nations de football 2019. « Nous ne l’avons pas construit pour cette seule compétition. Mais elle aurait constitué un bonus », s’empresse de relativiser Maximilien Saffou Monkam, directeur des projets au sein de la Société des établissements Monkam (SEM), le holding familial présent dans l’immobilier commercial, l’hôtellerie, et la distribution brassicole.
« Monsieur Carrefour »
C’est dans ce dernier domaine que Pacal Monkam s’est d’abord lancé dans les années 1950. Il est toujours l’un des principaux distributeurs des Brasseries du Cameroun (filiale du groupe Castel) dont il a même été actionnaire avant de revendre ses parts il y a une quinzaine d’années.
Au cours de la décennie suivante, il a acheté un premier hôtel, avant de démarrer le développement de la marque La Falaise dans les années 1970. Impossible de connaître le chiffre d’affaires de l’ensemble des activités. Tout juste apprend-on que la distribution et l’hotellerie représentent à parts égales 80 % de l’ensemble des revenus du groupe familial.
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L’entrée en service de La Falaise de Bonapriso, dont l’investissement est de près de 10 milliards de F CFA (15,2 millions d’euros), survient cinq ans après celle de l’unique établissement de Yaoundé, qui mit un terme à une interruption de plus de deux décennies d’investissement dans ce secteur.
Prophète en son pays, Pascal Monkam avait gagné dès les années 1960 le surnom de « Monsieur Carrefour », estimant qu’il est absolument indispensable de construire ses hôtels à l’intersection de deux rues. « C’est presque l’unique condition qu’il s’impose. Il estime que c’est un lieu de rencontre éminemment stratégique », indique Maximilien Saffou.
La crise économique qui frappe le Cameroun, dès le milieu de la décennie 1980, l’invite à mettre la pédale douce. Même si quelques immeubles pour bureaux sont bâtis, l’heure est surtout au désendettement du groupe, grâce à la cession de nombreux terrains et bâtiments.
La fin du recours au crédit bancaire
En 1997, sa découverte de l’Afrique du Sud, où le secteur immobilier regorge d’affaires à prix défiant toute concurrence, enclenche une seconde phase d’acquisitions à Pretoria, principalement sur fonds propres. Car le fondateur prend une décision deux ans plus tard, alors qu’il fête son soixante-dixième anniversaire : ne plus recourir au crédit bancaire afin de ne pas faire peser cette charge sur sa progéniture.
Cela ne l’empêche pas d’acheter durant les années 2000 quatre hôtels de trois ou quatre étoiles, d’une capacité totale de 700 chambres. Il acquiert aussi les « tours jumelles Monkam » ainsi qu’un supermarché, toujours dans la capitale administrative sud-africaine. « Les ministres des Finances qui se sont succédé m’ont énormément aidé à effectuer ces réalisations, en facilitant des transferts de fonds vers ce pays », se réjouit Pascal Monkam.
L’arrivée d’Onomo et éventuellement d’Azalaï va certainement dynamiser le segment des hôtels trois et quatre étoiles
Les indicateurs économiques du Cameroun étant entre-temps repassés au vert, le natif de Bakassa, en pays bamiléké, se tourne vers son pays d’origine. Outre les deux derniers La Falaise, une salle de conférences et de spectacles vient d’être construite, et un immeuble pour bureaux acquis à Douala. « Ces investissements se font grâce à de l’argent gagné en Afrique du Sud », confesse le président du conseil d’administration de la SEM, qui emploie près de 2 000 personnes, dont la majorité dans ses hôtels.
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Le trésor de guerre, dont la famille se garde d’indiquer le montant, favorisera de nouveaux investissements, à l’instar de La Falaise Apparts à Douala, un immeuble de dix-neuf appartements disponibles dans quelques mois. Il servira également aux rénovations prévues en Afrique du Sud et au Cameroun afin de prévenir la concurrence qui se profile.
La question de la succession, un tabou familial
« La plupart des projets annoncés ou en début de réalisation sont des cinq étoiles et ne nous concernent pas. En revanche, Onomo et éventuellement Azalaï jouent sur le même registre que nous. Leur arrivée va certainement dynamiser le segment des trois et quatre étoiles. Mais notre connaissance de l’environnement et notre rapport qualité-prix nous permettent d’envisager l’avenir avec sérénité », analyse Maximilien Saffou.
Conscient de jouer sa dernière partition, Pascal Monkam a pris ses dispositions depuis plus de deux décennies en impliquant ses enfants et petits- enfants dans la gestion des affaires familiales des deux pays. « Il continue de définir la vision tout en nous laissant faire nos preuves, sachant que l’expérience est la somme des échecs et des succès engrangés », glisse Maximilien Saffou, qui reconnaît que la question de la succession demeure un tabou familial.
Mais le magnat de l’hôtellerie et de l’immobilier tient à soigner sa sortie en montant dans les prochaines semaines une passerelle suspendue reliant les deux bâtiments de La Falaise de Yaoundé, qui profitera d’un agrandissement. Une première dans son pays, « un miracle dont les Camerounais se souviendront », espère fièrement le nonagénaire.
Pretoria au détriment de Yamoussoukro
À la fin des années 1990, Pascal Monkam décide de ne plus assurer l’éducation de ses enfants en France et, après avoir vendu ses appartements parisiens, se met à la recherche d’un pays africain. Le magnat opte d’abord pour la Côte d’Ivoire, puis déchante après une visite de la cathédrale de Yamoussoukro.
« Si un chef d’État investit autant d’argent dans son village, il y a lieu de craindre », se dit-il. En 1997, un ami le convainc alors de faire un tour en Afrique du Sud. Le pays de Mandela le séduit par la qualité de ses infrastructures, et il acquiert son premier hôtel l’année suivante, à Pretoria. Une ville où il a concentré ses investissements, parmi lesquels les « tours jumelles Monkam » de dix et quinze niveaux qui font sa renommée.
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