Guinée : au cœur du Fouta-Djalon, vision d’éden et terre d’histoire

Voyage entre Mamou et Dalaba, dans le sud du Fouta-Djalon, au cœur des paysages époustouflants et préservés qui ont rendu ce massif célèbre dans le monde entier.

Les contreforts du massif, au sud-ouest de Mamou. © Youri LENQUETTE

Les contreforts du massif, au sud-ouest de Mamou. © Youri LENQUETTE

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Publié le 17 mai 2019 Lecture : 5 minutes.

Débarquement au terminal Bolloré du port de Conakry d’éléments nécessaires à la construction d’une cimenterie en Guinée. Le 13 juin 2013. © Vincent Fournier/Jeune Afrique
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Depuis Mamou, chef-lieu de la région du même nom, la route serpente entre les arbres en montant doucement entre l’écarlate de la terre et le vert des bananiers et des manguiers. La fraîcheur surprend. En même temps que le vent se lève, la pluie se met soudain à caresser la cime des arbres en contrebas, tel un gigantesque arrosoir naturel, tranchant avec l’aridité de la grande banlieue de Conakry – que l’on a quittée depuis des heures déjà, alors qu’elle n’est qu’à quelque 250 km par la nationale 1, décidément en mauvais état.

Sa forte pluviométrie, les nombreux cours d’eau sillonnant ses forêts et savanes arborées, les somptueuses cascades glissant du haut de ses falaises… valent au massif du Fouta-Djalon le surnom de « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » – c’est d’ailleurs sur ses monts, dont les plus hauts culminent à 1 500 m, que les fleuves les plus importants de la sous-région (le Niger, le Sénégal, le Gambie…) prennent leur source.

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Paysages à couper le souffle

Dans son histoire, cet immense massif difficile d’accès a de tout temps attiré des voyageurs étrangers et des aventuriers, surtout pour ses ressources naturelles (bauxite, or, fer), mais aussi pour ses paysages à couper le souffle.

Aux abords de la route de 150 km reliant Mamou (au sud), Dalaba et Labé (au nord), les trois principales villes du Fouta-Djalon, on peut en particulier admirer de spectaculaires chutes d’eau, dont les plus larges et les plus célèbres sont celles de Kambadaga, sur la rivière Kokoulo : une série de trois époustouflantes cascades de plusieurs dizaines de mètres de haut chacune.

Enveloppé par la végétation luxuriante des rives boisées et sauvages, la douceur de l’air, les cris des singes au loin, perçant le bruit assourdissant des chutes, on a l’impression d’avoir remonté le temps, jusqu’à une nature vierge, presque mythique. Le jeune touriste allemand qui vient de rejoindre son vieux camping-car après s’être baigné dans l’eau cristalline d’une piscine naturelle en est convaincu : « Ici, c’est un peu comme un jardin d’éden ! »

La rivière Kokoulo, au point culminant en amont des chutes de Kambadaga © Youri Lenquette

La rivière Kokoulo, au point culminant en amont des chutes de Kambadaga © Youri Lenquette

Terre de sagesse et de pouvoir

C’est peut-être pour cette raison que les nomades peuls ont choisi de s’y installer dès le XVe siècle, abandonnant pour certains leur vie d’éleveur soumis aux transhumances pour cultiver les fruits et légumes de la très généreuse terre du Fouta, notamment le fonio.

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Au cœur du massif culmine aussi le sacré : c’est à Timbo (à 50 km au nord-est de Mamou) que, en 1725, les Peuls ont fondé l’imamat du Fouta-Djalon, le premier État théocratique d’Afrique occidentale. La grande mosquée de Timbo, d’abord édifiée en pisé et à toit de paille, ensuite reconstruite en tôle, puis, en 2015, en ciment, reste aujourd’hui un important lieu de pèlerinage et l’un des piliers de l’islam guinéen. Le patron de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), Cellou Dalein Diallo, originaire de Labé, y est régulièrement reçu par les sages de la cité. Son ancêtre, Mamadou Cellou Diallo, fut l’un des premiers imams de la région et le cofondateur de l’imamat.

Terre de sagesse et de pouvoir, le Fouta a souvent été au cœur de tractations électorales, de calculs et de polémiques… Beaucoup d’hommes politiques et de riches hommes d’affaires de Conakry s’y côtoient. Quelle que soit leur origine sociale ou ethnique, ils apprécient la région pour son climat, sa beauté et son hospitalité, notamment du côté de Dalaba, où de confortables demeures s’alignent les unes à côté des autres.

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À l’indépendance, le président Ahmed Sékou Touré y avait lui-même établi sa résidence secondaire, la villa Syli, en prenant possession d’une maison de style peul construite en 1932, dans la cour du jardin de sapins. Selon la légende, c’est dans la case à palabres, en face de la villa, qu’aurait été évoqué pour la première fois le mot « indépendance ». Sékou Touré transformera Dalaba la coloniale en haut lieu de son régime révolutionnaire où viendront séjourner ou s’exiler, entre autres, le nationaliste égyptien Gamal Abdel Nasser, le leader indépendantiste bissau-guinéen Amílcar Cabral, la chanteuse antiapartheid sud-africaine Miriam Makeba, l’ex-président socialiste ghanéen Kwame Nkrumah.

De ce mélange des genres et de cette histoire tumultueuse, Dalaba semble avoir conservé un sens certain de l’accueil. Sous l’administration coloniale française, Dalaba était déjà une station climatique où s’étaient développés le tourisme vert, comme on l’appelle aujourd’hui, et celui de santé ; le temps d’un été européen, on y recevait les grands blessés des deux guerres. Pour son climat exceptionnel, doux et tempéré, son air pur, son relief et ses forêts (classées) de pins, la région est d’ailleurs souvent comparée à une petite Suisse.

La rivière Kokoulo, quelques mètresen amont des chutes de Kambadaga. © Youri Lenquette

La rivière Kokoulo, quelques mètresen amont des chutes de Kambadaga. © Youri Lenquette

« Se mettre au vert et chercher l’inspiration »

Depuis une vingtaine d’années, la Belge Virginie Pierre s’est installée à Dalaba, où, dans sa confortable Icônes Guesthouse, elle accueille des touristes de passage ainsi que des entrepreneurs-artistes « qui viennent se mettre au vert et chercher l’inspiration ».

Grâce à son jardin potager, à chaque repas, elle propose à ses convives des légumes maison et des fruits frais de saison – même le café est 100 % guinéen : toute la diversité de l’agriculture locale au naturel, qui rappelle que le Fouta est le jardin de la Guinée. Et Dieu sait s’il est fertile.

Le soir, on vient sur les hauteurs de la ville pour apprécier le panorama au coucher du soleil, en particulier depuis le parc de l’hôtel SIB – initiales de l’homme d’affaires qui racheta le domaine dans les années 1990, Sadiga Ibrahima Bah. L’établissement est encore surnommé hôtel des Chargeurs, du nom de la société française de commerce maritime qui l’administrait à l’époque coloniale.

Terrasse avec vue

Construit dans les années 1930, il accueillit d’abord les marins de la compagnie, puis des malades et des blessés en convalescence. Restauré en 1995, le SIB a retrouvé un peu de son élégance d’antan : il est considéré comme le plus bel hôtel du Fouta. Avec la grande salle de style Art déco du restaurant de l’Étoile, une salle de conférences, 24 chambres et sa terrasse avec piscine, il accueille nombre de réunions d’amis et de famille, d’événements et de réceptions en tout genre.

Dans le parc, l’autre point de rendez-vous privilégié pour profiter du coucher de soleil est le kouratier, magistral arbre centenaire dominant la vallée, au pied duquel une terrasse circulaire offre une vue imprenable sur les forêts de pins denses et les collines du Fouta, dans une palette de couleurs pastel. Dalaba ne semble jamais se déparer de cette douce beauté, même sous la légère bruine qui vient régulièrement la poudrer ou le brouillard qui, parfois, la voile, comme pour souligner son mystère et raviver ses légendes.

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