RDC : Baloji, le son et l’image
Baloji, l’auteur-chanteur-compositeur originaire de Lubumbashi exporte aujourd’hui son univers halluciné en vidéo.
Le 6 mai, Baloji se voyait remettre le prix principal du Festival international du court-métrage d’Oberhausen, en Allemagne, pour Zombies, un film de quatorze minutes sur l’addiction aux écrans dans un Kinshasa futuriste. Cette reconnaissance d’un festival de premier plan et sa dotation de 4 000 euros ont mis du baume au cœur à l’artiste, qui s’est épanché sur son compte Instagram. Il s’est dit « tellement honoré » par la récompense, « après avoir été rejeté par tant de commissions (“tu n’es pas un vrai réal”), de sponsors financiers (“finalement, on va pas pouvoir…”) et ignoré par les médias ».
Minifilm
« Balo » le mal-aimé venait de quitter le plateau de Clique TV lorsqu’on l’a interviewé. Béret noir, long imperméable à la Derrick, doigts alourdis par des bagues qu’il a lui-même dessinées… le créateur congolais installé en Belgique venait faire la promotion d’une nouvelle édition de son album 137 avenue Kaniama, sorti l’année dernière. Une « yellow version » incluant de nouvelles pistes musicales et son minifilm Kaniama Show, une satire grinçante de la téléréalité africaine, évoquant la collusion État-médias, les dérives de la francophonie, et mettant en scène l’acteur Ériq Ebouaney (l’interprète du Lumumba, de Raoul Peck).
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Après un début de parcours rap au sein du groupe belge Starflam, Baloji a réussi à créer d’albums en vidéos un univers d’une richesse et d’une cohérence étonnantes. On reconnaît au premier coup d’œil ou d’oreille ses textes oniriques, doux-amers. Ses punchlines hip-hop abrasives qui n’hésitent pas à moucher « papa Bolloré » et s’accordent à des sons métissés puisant dans la rumba, l’afrobeat, la soul ou le funk (entre autres !).
Les institutions à qui j’ai demandé un soutien pour Zombies, comme le CNC en France, m’ont toutes envoyé balader
Multipliant les concerts en Afrique et en Europe, celui qu’Alain Mabanckou décrit comme « le flamboyant troubadour de la world beat » a cependant du mal à mener son aventure cinématographique. « Les institutions à qui j’ai demandé un soutien pour Zombies, comme le CNC en France, m’ont toutes envoyé balader, confie-t-il. Même si j’ai déjà un univers visuel, je reste un autodidacte à leurs yeux. Je n’avais que quelques milliers d’euros pour le tournage. J’ai tout fait seul : le stylisme, les décors… Et tout filmé en moins d’une semaine à Kinshasa. »
Ce manque de moyens ne semble pas affecter la créativité de l’artiste, passé virtuose dans l’art du do-it-yourself. Dans ses films, Baloji réinvente une Afrique mystico-futuriste saturée de couleurs, de lumière, de fleurs, de danses et de sons. Une Afrique qui fait le grand écart entre cultes païens et high-tech. Avec un sens de l’accessoire délirant : serre-tête orné de portables, coiffes en billets et combinaison réalisée à partir de préservatifs déroulés… Reste à espérer que le prix d’Oberhausen lui permette de prolonger son expérience derrière la caméra.
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