Télécoms : Globacom, un géant à l’étroit au Nigeria
Si beaucoup de groupes veulent entrer au Nigeria, certaines des entreprises du pays se rêvent, elles, un destin continental, à l’image de l’opérateur Globacom, fondé par Mike Adenuga.
Business : le Nigeria, un eldorado à conquérir coûte que coûte
Malgré la chute des cours du pétrole et la dévaluation du Naira, la première économie du continent est en voie de redressement. Pour nombre d’entrepreneurs africains, son marché est un passage obligé, même s’il n’est pas sans risque.
Au Nigeria, son entrevue avec le président rwandais, Paul Kagame, a fait le tour du web. Belinda Adenuga-Disu, plus connue sous le nom de Bella Disu, ne s’est pas encore imposée comme la grande patronne de Globacom. Mais sa venue à Kigali fin mars 2019, à l’occasion de l’Africa CEO Forum, où se sont retrouvés plus de 800 chefs d’entreprise, lui a permis de renforcer sa nouvelle stature.
Depuis janvier, la fille de Mike Adenuga – 66 ans, deuxième fortune du continent –, est la vice-présidente exécutive du deuxième opérateur de télécoms du Nigeria. Forbes estimait fin avril 2019 à 9,2 milliards de dollars la fortune de son père, bâtie grâce au pétrole – il exploite six blocs avec sa société Conoil dans le delta du Niger – et à l’opérateur de télécoms qu’il a fondé en 2003. Et il en est toujours le principal pilote. Dans son pays, l’entrepreneur est une légende dont on dit qu’il a payé ses études aux États-Unis en étant chauffeur de taxi puis gagné son premier million de dollars à l’âge de 26 ans en vendant des dentelles et des boissons sucrées.
Bella Disu s’est inscrite dans son sillage. Une fois ses études à l’Université du Massachusetts, à Boston, achevées, elle a aussitôt rejoint l’entreprise, en 2004. D’abord comme commerciale, avant de naturellement grimper tous les échelons sans oublier de parfaire sa formation en décrochant un master en sciences du leadership à la Northeastern University – toujours à Boston.
46 millions de clients
Il faut dire que ses nouvelles responsabilités ne sont pas minces. Globacom, connu sous la marque Glo, détient 26 % du marché nigérian des télécoms, derrière le sud-africain MTN (40 %), mais devant l’indien Airtel (25 %) – dépassé fin 2018 – et 9 Mobile (17 %), une ancienne filiale de l’émirati Etisalat.
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Au total, Glo comptait en février 2019, selon l’autorité de régulation des télécoms nigériane, 46 millions de clients, plus qu’Orange en Égypte (33,5 millions), premier marché de l’opérateur français. Globacom, qui ne divulgue pas ses résultats financiers, réaliserait, d’après le cabinet spécialiste du secteur Ovum, un chiffre d’affaires d’environ 1,2 milliard de dollars. Ce qui le situe virtuellement dans les 115 premières places de notre Top 500.
Impossible en revanche d’estimer sa rentabilité, faute de données. Tout juste peut-on observer que ses concurrents MTN et Airtel affichent une marge Ebitda (indicateur proche de l’excédent brut d’exploitation) respectivement de 44 % et 42 %. Un niveau qui a largement baissé depuis dix ans, mais demeure confortable. La sienne est sans doute inférieure au regard de sa plus faible proportion d’abonnés utilisant internet, de 58 % – contre 70,9 % pour le leader sud-africain et 68,6 % pour le groupe indien.
Lancement de services financiers
Pour augmenter son revenu moyen par utilisateur, Globacom a annoncé en février 2019 le lancement de plusieurs plateformes de services. Au programme, une offre de stockage de données dans le cloud, des conseils de santé, un portail de divertissement et, surtout, des services financiers (paiement, transfert d’argent…) – après avoir obtenu il y a quelques mois, comme ses concurrents, l’accord du régulateur.
Le Nigeria était un des rares pays du continent où ce service était encore interdit sous la pression du secteur bancaire, alors que 60 millions de personnes n’y sont pas encore titulaires d’un compte. Ces nouveautés sont la promesse de revenus futurs pour Globacom, au vu de l’expérience d’autres acteurs tels que Safaricom. L’opérateur kényan, pionnier du genre avec sa plateforme M-Pesa, a réalisé 620 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2017 grâce aux services financiers, soit 28 % de son revenu global.
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Bien que Glo ne fasse pas preuve d’une grande transparence, ses réalisations donnent une indication de sa force de frappe. En 2010, il avait inauguré le câble sous-marin Glo-1. Celui-ci relie le Nigeria au sud-ouest de l’Angleterre et dessert potentiellement seize pays africains avec, aujourd’hui, une capacité de 2,5 térabits par seconde. Sa construction a nécessité un investissement de 800 millions de dollars (près de 580 millions d’euros).
Même si ce câble est sans doute encore sous-utilisé – c’était, selon une source interne, le cas fin 2017 –, l’entreprise prévoit de se doter, avec le concours de Huawei, d’un second câble sous-marin, cette fois entre Lagos et les États du delta du Niger. De quoi apporter le très haut débit dans les régions pétrolières et toucher ainsi une nouvelle clientèle d’entreprises.
Du Bénin au Ghana
Mais la prochaine étape décisive consistera pour Globacom à réussir son développement international. À Kigali, Bella Disu a insisté sur la volonté du groupe de participer au développement du continent.
Sortir des frontières du Nigeria, l’opérateur l’a déjà fait. En 2007, il avait décroché une licence au Bénin. Sur ce petit marché d’Afrique de l’Ouest, Glo comptait en 2016 un peu plus de 1 million d’abonnés, soit 11,7 % des puces télécoms actives dans le pays. Impossible, avec une si petite part, d’atteindre l’équilibre. Les autorités béninoises avaient un temps pensé pouvoir s’appuyer sur le géant nigérian pour casser le duopole formé par MTN et Moov (Maroc Telecom). Mais elles ont dû se rendre à l’évidence. Et ont décidé de lui retirer sa licence fin 2017, après lui avoir plusieurs fois reproché sa mauvaise qualité de service.
Le groupe a également échoué à entrer sur le marché ivoirien faute de pouvoir racheter l’opérateur Comium en 2015. Il est cependant toujours présent au Ghana, où il avait décroché une licence en 2008. Mais, là encore, il ne possède qu’une très faible part de marché, de 1,2 % environ, qui ne l’a pas incité à participer au processus d’attribution des licences 4G.
Dans une industrie où l’économie d’échelle est un élément essentiel, Globacom ne pourra sans doute pas éternellement se contenter de son immense marché intérieur. Interviewée par CNBC à Kigali, Bella Disu ne disait pas autre chose, mettant en avant la connexion du câble Glo-1 avec le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, et affirmant : « Il est temps que nous y offrions des services. »
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