Cameroun : une économie entre deux eaux

Frappé en 2016 par la chute des cours des hydrocarbures, le pays a su retrouver le chemin de la croissance grâce à la diversification de l’activité. Mais de nombreux progrès restent à faire pour parvenir à l’émergence.

Le port en eau profonde de Kribi, entré en exploitation en mars 2018. © Lyu Shuai/XINHUA/REA

Le port en eau profonde de Kribi, entré en exploitation en mars 2018. © Lyu Shuai/XINHUA/REA

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Publié le 30 mai 2019 Lecture : 3 minutes.

Un drapeau camerounais durant la campagne présidentielle de 2018. Photo d’illustration. © Sunday Alamba/AP/SIPA
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Le Cameroun en équilibre instable avant les législatives

Confronté à la crise anglophone, aux attaques de Boko Haram et au ralentissement économique, le Cameroun est dans une position délicate. Dans un tel contexte, les élections législatives de novembre font office de véritable troisième tour, notamment pour le chef de l’État Paul Biya.

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Les décisions annoncées par Standard & Poor’s, le 12 avril, reflètent bien les paradoxes de l’économie camerounaise. Si l’agence a maintenu ses notes « B/B » à la dette souveraine du pays, elle a, dans le même temps, fait passer ses perspectives de « stables » à « négatives ». Une première pour le pays. Et l’agence a déjà laissé entendre que ces notes à court et à long termes pourraient être abaissées si des ajustements n’étaient pas effectués sur les comptes publics et si l’endettement n’était pas maîtrisé.

L’avertissement n’a pas refroidi le FMI, qui, le 3 mai, a autorisé le décaissement de 76,5 millions de dollars dans le cadre du programme signé en juin 2017 avec Yaoundé. Le pays s’apprête dans le même temps à lever pour 150 milliards de F CFA (228,7 millions d’euros) d’obligations du Trésor assimilables (OTA). Une formalité selon les analystes, tant la signature du Cameroun semble aujourd’hui crédible sur les marchés.

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Ainsi va le patient camerounais, dont le bulletin de santé oscille entre espoirs et inquiétudes depuis qu’il a été frappé, en 2016, par la chute brutale des cours des hydrocarbures. Grâce à la diversification de son économie, il a été bien moins affecté que ses voisins de la Cemac, mais la convalescence est encore loin d’être terminée. Bien qu’encore très lente, la reprise entamée en 2017 continue de s’affermir. Après être monté à 4 % en 2018, le taux de croissance du pays devrait parvenir à 4,3 % en 2019, selon le FMI.

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Encore plus enthousiaste, Yaoundé le voit même à 4,5 %. Un optimisme nourri par le rebond attendu de la production pétrolière, qui devrait atteindre les 24,5 millions de barils, conjugué à un prix du baril bien supérieur aux 65 dollars retenus dans les prévisions budgétaires. La montée en puissance de la production gazière devrait également soutenir la tendance, tout comme l’entrée en activité du port en eau profonde de Kribi et les chantiers liés à l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) en 2021. Un temps ralenti, le rythme des travaux s’est accéléré, suffisamment pour soutenir l’activité économique du premier semestre de cette année.

Faible gouvernance

Les nuages continuent pourtant de s’amonceler dans le ciel camerounais. Le défi sécuritaire, notamment celui lié à la crise dans les régions anglophones, commence à coûter très cher. En plus d’entraîner des dépenses faramineuses, il limite les activités économiques dans les régions concernées. Deuxième employeur du pays après l’État, la Cameroon Development Corporation (CDC), qui produit de l’huile de palme, de l’hévéa ou de la banane, doit faire face au ralentissement de ses activités. Autant d’événements qui surviennent alors que la dette du Cameroun a enflé ces dernières années dans la tentative de rattraper – en vain – le retard du pays en matière d’infrastructures. Au point d’inquiéter un temps le FMI, jusqu’à ce que Yaoundé ne lui montre que la situation était sous contrôle.

sur la période 2010-2020, le taux de croissance économique n’a jamais dépassé les 5 %

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Mais les retards pris dans le démarrage de nombreux projets structurants ont mis en évidence la faiblesse de la gouvernance camerounaise. Et les objectifs affichés dans le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE), le plan pour l’émergence du Cameroun, dont la première phase arrive à son terme cette année, sont loin d’avoir été atteints. Prévu à 5,5 % par an en moyenne sur la période 2010-2020, le taux de croissance économique n’a en fait jamais dépassé les 5 %. Le taux de pauvreté, qui devait être ramené de 40 % à 28,7 % sur la même période, a reculé d’à peine trois points. Enfin, le sous-emploi, censé devoir être ramené de 75 % à 50 %, atteint toujours les 67 %.

Le Centre d’analyse et de recherche sur les politiques économiques et sociales du Cameroun (Camercap) vient de publier un rapport sur l’avancement du DSCE. Parmi les principales erreurs pointées par le think tank : la faible coordination de l’ensemble, l’absence d’appropriation par la population, la dispersion des ressources ou encore un leadership insuffisant. Autant de carences qui devront être corrigées lors du lancement de la deuxième phase du DSCE (de 2020 à 2028) pour que l’émergence soit bien au rendez-vous, fixé à 2035.

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