Télécoms : Huawei épargné en Afrique
Face aux sanctions américaines, le géant chinois Huawei conserve sur le continent le soutien des États et des opérateurs. Les conséquences commerciales sont dans l’immédiat limitées.
Le géant des télécoms Huawei a sonné l’heure de la riposte. Le 28 mai, ses dirigeants ont déposé une demande de jugement au Texas, amendant une plainte déposée en mars, pour obtenir l’annulation de l’interdiction faite aux administrations fédérales d’acheter ses équipements.
Depuis plusieurs mois, le président des États-Unis l’accuse d’espionnage au profit de Pékin, ce que le groupe de Shenzhen nie. En mai, Donald Trump a également interdit aux entreprises américaines de lui vendre des composants sans autorisation à partir du 19 août. Dans la foulée, Google, Intel, Qualcomm et Broadcom ont demandé à leurs salariés d’arrêter toute collaboration avec le groupe chinois.
Des solutions technologiques à développer en interne
Pour Huawei – 105,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018 –, premier équipementier mondial des opérateurs de télécoms et deuxième fabricant de téléphones derrière Samsung, le coup est rude. L’an dernier, il a acheté pour 67 milliards de dollars de composants à ses fournisseurs, et notamment des puces électroniques aux groupes américains. Des solutions technologiques qu’il va maintenant devoir développer en interne.
« Nous étions préparés à ce scénario. Pour nos smartphones, nous serons en mesure de proposer une alternative aux logiciels que ne voudra plus nous fournir Google au printemps 2020″, indique une source au sein du groupe chinois.
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Implanté sur le continent depuis 1998, Huawei n’a pas attendu les dernières semaines d’escalade pour rassurer ses clients opérateurs, mais aussi les États africains pour lesquels il a fourni et parfois posé des milliers de kilomètres de fibre optique.
Contrats récurrents, notamment avec Orange
Le 28 mai, le président nigérien Issoufou était par exemple à Pékin pour visiter le centre de recherche du géant chinois. En 2018, Huawei a réalisé en Afrique 5,8 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 60 % via la vente d’équipements et de services et 40 % grâce à ses téléphones. Il est aussi un relais du programme chinois des Nouvelles Routes de la soie.
L’Afrique n’est pas un enjeu stratégique pour l’industrie américaine
« Depuis janvier, nous avons fait beaucoup de pédagogie », explique notre source. Pour le moment, la décision américaine n’aurait pas d’incidence sur les affaires de la division équipements et services du groupe. « Quatre-vingts pour cent de nos revenus proviennent de contrats récurrents. Mais cela va sans doute compliquer la mise en œuvre des nouveaux projets », concède notre interlocuteur.
« Le choix de nos équipementiers est une décision de long terme qui ne peut pas être influencée par les sautes d’humeur de Donald Trump. Par ailleurs, l’Afrique n’est pas un enjeu stratégique pour l’industrie américaine, donc je ne m’attends pas à ce que Washington nous empêche d’y poursuivre notre collaboration avec Huawei », confirme le dirigeant d’un opérateur panafricain.
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En Afrique de l’Ouest, Huawei assure notamment la gestion des réseaux du groupe Orange dont il est, sans avoir d’exclusivité, le premier fournisseur. « C’est une guerre pour le leadership mondial, ajoute le directeur de cabinet d’un ministre de la sous-région. La Chine a entre trois et cinq ans d’avance sur les États-Unis concernant la technologie 5G. »
60 % des ventes de Huawei sur le continent concernent des téléphones basiques
« Les réseaux 5G ne sont pas encore d’actualité en Afrique, rappelle le spécialiste Guy Zibi. Les opérateurs vont en revanche déployer de manière agressive la 4G, en majorité avec Huawei. Mais cette ligne de produits ne devrait pas être impactée par les sanctions américaines. »
Si l’Union africaine a pris implicitement position en faveur de Huawei en annonçant le 31 mai sa volonté d’intensifier sa collaboration avec le groupe chinois, les chefs d’État du continent comme les dirigeants des opérateurs ont choisi de rester en retrait du débat public. Au Kenya et en Afrique du Sud, où les smartphones Huawei sont très populaires, les consommateurs se sont, en revanche, inquiétés des conséquences des mesures américaines.
Hommes politiques africains et dirigeants des opérateurs sont cependant restés en retrait, évitant de prendre publiquement position. Au Kenya et en Afrique du Sud, où les smartphones Huawei sont très populaires, les consommateurs se sont, eux, inquiétés des conséquences des mesures américaines.
Si la guerre avec Washington se termine par un accord commercial, nous aurons bénéficié dans le monde entier d’une campagne de publicité sans précédent
Si les ventes des modèles haut de gamme du fabricant chinois risquent de pâtir de cette situation, l’exposition de ce dernier reste moins importante que sur les marchés européens. Près de 60 % de ses ventes de terminaux sur le continent concernent des téléphones plus basiques. « Si la guerre avec Washington se termine par un accord commercial, ce qui est encore possible, signale notre contact au sein de Huawei, nous aurons bénéficié dans le monde entier d’une campagne de publicité sans précédent. »
Pékin contre-attaque
La Chine menace à son tour les entreprises américaines en annonçant qu’elle pourrait ne plus leur fournir les terres rares, dont elle est le premier producteur mondial, nécessaires à la fabrication des composants électroniques.
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