Brahim M’Bareck (Kinross) : « Nous voulons investir 300 millions de dollars supplémentaires en Mauritanie »
En Mauritanie, le géant canadien Kinross affirme ses ambitions pour le développement de son gisement d’or de classe mondiale, malgré des désaccords avec Nouakchott. Rencontre avec Brahim M’Bareck, vice-président des relations extérieures de Tasiast Mauritanie Limited S.A.
Depuis son acquisition en 2010 par Kinross, la mine d’or de Tasiast, parmi les plus importantes d’Afrique, perd de l’argent. Le géant minier ne se décourage pas pour autant : l’ancien ministre Brahim M’Bareck annonce une levée de fonds de 300 millions de dollars. Une preuve de la volonté de la major de demeurer durablement en Mauritanie, même si Nouakchott refuse pour le moment l’attribution d’une concession sur l’extension du permis minier.
Jeune Afrique : Tasiast dispose d’un excellent outil qui a produit 7 tonnes d’or en 2018, mais qui connaît des pertes récurrentes. Pourquoi ?
Brahim M’Bareck : Non seulement une mine exige des investissements énormes qui mettent longtemps à être rentables, mais celle de Tasiast a nécessité la construction d’infrastructures très lourdes (routes et énergie) et une cité minière en plein désert.
Les premières années ont donc été consacrées au terrassement et à la préparation de l’exploitation. Les fluctuations des cours de l’or n’ont rien arrangé. Désormais, Tasiast dispose de l’un des plus grands broyeurs d’Afrique et d’un concasseur de grande capacité.
Au premier trimestre de 2019, nous avons réalisé une production record, une forte augmentation de la teneur en or et des coûts historiquement bas
Ces investissements ont permis de traiter 15 000 t de minerai par jour à la fin de la phase I d’expansion, lors du dernier trimestre de 2018. Un seuil de 20 000 t est à notre portée.
Pourquoi la productivité de Tasiast est-elle inférieure à celle des autres mines de Kinross ?
Il a fallu une « découverture » importante de la couche superficielle du gisement. Mais, au premier trimestre de 2019, nous avons réalisé une production record, une forte augmentation de la teneur en or et des coûts historiquement bas. Nous nous rapprochons de la productivité de nos autres mines.
Qu’est-ce qui vous a permis d’éviter la grève annoncée au mois d’avril ?
TMLSA veut maintenir avec les délégués de son personnel un climat serein. Ses effectifs sont mauritaniens à 95,5 %, et 320 millions de dollars de salaires bruts ont été versés entre 2011 et 2017. Des discussions étaient déjà en cours pour renouveler la convention collective d’entreprise, qui arrive à expiration le 2 octobre 2019.
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Au vu de la qualité de ces discussions, la direction a décidé de faire un geste : un bonus à été payé au titre du premier trimestre de 2019 ainsi qu’une prime pour l’Aïd, en dépit du fait que TMLSA n’a pas fait de bénéfices en 2018. Le préavis de grève a été levé.
Pour améliorer la productivité, grâce à un renforcement de la culture de l’efficacité, TMLSA souhaite que la future convention lie les bonus à la production, mais pas aux résultats. J’espère qu’un accord sera trouvé dans ce sens.
Dans la zone de Tasiast, le chômage a baissé d’un quart.
Dans ce contexte difficile, que représente aujourd’hui la Mauritanie pour Kinross ?
Les relations entre Kinross et la Mauritanie se sont développées dans le cadre d’un accord exigeant. Pour Kinross, cela veut dire extraire 5 millions d’onces jusqu’en 2029, au moins. La Mauritanie, elle, a profité, de 2011 à 2017, de 1,6 milliard de dollars versés à ses entreprises sous-traitantes de Kinross et de 580 millions de dollars de redevances, taxes et impôts qui ont apporté à l’État 5,5 % de ses recettes.
Sans oublier la masse salariale dont j’ai déjà parlé. Dans la zone de Tasiast, le chômage a baissé d’un quart. Premier investisseur privé en Mauritanie, Kinross a bien l’intention de poursuivre cette relation gagnant-gagnant, et je me réjouis que cela se concrétise bientôt par un investissement de 300 millions de dollars avec le concours de Export Development Canada, de deux banques commerciales et d’IFC, du Groupe Banque mondiale.
Quand le gouvernement mauritanien donnera-t-il son feu vert à l’extension de la mine et à sa phase 2 ?
En réalité, c’est TMLSA qui a mis en attente ses plans d’expansions de la phase 2, dans un contexte évolutif. Kinross entend d’abord optimiser l’outil existant et étudie le moyen de diminuer encore ses coûts en se tournant vers la cogénération en matière d’énergie. Il nous faut étudier avec le gouvernement, dans le cadre de la convention minière en vigueur, une exonération pour le fioul utilisé par TMLSA, ainsi qu’une transformation d’une convention de recherche en convention d’exploitation.
Kinross a passé une transaction financière de 950 000 dollars avec le « gendarme de la Bourse » américain, la SEC, dans le cadre de présomptions de corruption en Afrique. Où en est l’affaire en Mauritanie ?
Aucun cas de corruption d’agents de l’État n’a été constaté. L’enquête interne diligentée après l’avertissement de la SEC a débouché sur la relève de certaines personnes. Avec la SEC, le problème est réglé. Kinross en a profité pour améliorer la transparence et les procédures de contrôle de ses opérations.
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