Franc CFA : à Paris, le choix du silence
Impossible pour Paris de prendre position sur la question du franc CFA sans être accusé de néocolonialisme. Alors, il se tait. Wait and see !
Franc CFA : ce qui doit changer
Les uns souhaitent abolir ce qu’ils présentent comme un anachronique symbole de la colonisation. Les autres redoutent de déstabiliser les économies de la zone par des initiatives précipitées. Pour enfin sortir de ce débat stérile, JA propose des pistes de réflexion.
Le franc CFA est un boulet politique, et la France aimerait bien estomper l’image « coloniale » qui lui est souvent associée, mais sans porter préjudice à la stabilité de l’Uemoa et de la Cemac. La position traditionnelle de Paris est connue : ce sont aux chefs d’État de la zone franc de décider de ses évolutions. Emmanuel Macron l’a d’ailleurs dit sans fard, à Ouagadougou, le 28 novembre 2018 : « J’accompagnerai la solution qui sera portée par l’ensemble des présidents de la zone franc. » La disparition du CFA est-elle au nombre des solutions possibles ?
« Lignes rouges »
Pas de problème s’agissant des symboles. Le nom, l’impression des billets et la frappe des pièces en France, le niveau des réserves déposées sur le compte d’opérations du Trésor français (50 % aujourd’hui), la présence de représentants français dans certaines instances dirigeantes des deux banques centrales africaines : tout cela peut fort bien être remis en question.
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Il existe cependant quelques « lignes rouges » sur lesquelles la France ne transigera pas. La garantie de convertibilité qu’elle accorde au CFA suppose, par exemple, qu’elle puisse avoir accès à toutes les informations concernant les risques économiques et monétaires encourus par la zone.
Une baisse du montant des réserves déposées sur le compte d’opérations du Trésor et la réduction du nombre des représentants français dans les instances non politiques des banques centrales l’obligeraient à se montrer beaucoup plus exigeante en matière de reporting, afin de demeurer parfaitement informée de l’état des comptes, des déficits et des dettes – et donc des éventuels périls.
D’autre part, le rattachement du franc CFA non plus au seul euro mais à un panier de monnaies et sa fluctuation seraient des évolutions très compliquées à gérer. La France n’assumerait sûrement pas le risque de change qu’un tel système implique.
Confort
En dépit de quelques discours enflammés, les pays de la zone n’ont aucune envie de quitter le CFA, qui leur assure un confort certain : faible inflation, sécurité pour les investisseurs étrangers, risque de change nul, accès commode aux marchés financiers internationaux, garantie de pouvoir obtenir des euros même dans l’hypothèse où leurs réserves seraient insuffisantes.
Preuve de cet a priori favorable – quoique peu audible – au système actuel, les dépôts sur le compte d’opérations du Trésor français avoisinent les 10 milliards d’euros. Soit, grosso modo, 7 milliards pour l’Uemoa et 3 milliards pour la Cemac. Ces chiffres sont supérieurs aux 50 % de leurs réserves requis par l’accord avec la France. La raison de cette préférence pour les coffres de l’ancien colonisateur ? Avec un taux d’intérêt de 0,75 %, ces dépôts sont les mieux rémunérés du marché. Ils sont, en outre, parfaitement sûrs, et disponibles à tout moment.
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La France est pourtant condamnée au silence et à l’attentisme. Prier les gouvernements africains de changer d’orientation économique et monétaire ? Leur demander de presser le pas en direction des réformes ? Préconiser le statu quo ? Impossible sans prêter le flanc aux accusations de néocolonialisme. Elle n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience, de conseiller aux banques centrales africaines de faire preuve d’un peu plus de pédagogie et, surtout, de supporter sans broncher les critiques des « anticolonialistes » monétaires.
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