« Rue du Pardon » : un conte tendre et cocasse du marocain Mahi Binebine

Avec son précédent roman, « Le Fou du roi », Mahi Binebine nous avait ouvert les portes du palais de Hassan II. C’est une tout autre sorte de cour que l’on découvre dans « Rue du Pardon ».

L’écrivain et artiste marocain Mahi Binebine. © DR / Mahi Binebine

L’écrivain et artiste marocain Mahi Binebine. © DR / Mahi Binebine

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Publié le 27 juin 2019 Lecture : 2 minutes.

À travers le regard de Hayat, 14 ans, on suit la vie dans le lupanar d’un quartier populaire de Marrakech. Pour échapper à son père, qui abuse d’elle avec le silence complice de sa mère, la jeune fille fuit chez la diva Serghinia, qu’elle surnomme « Mamyta ». Elle est fascinée à la fois par la danseuse envoûtante et par la patronne à la poigne de fer, aussi crainte pour les ragots qu’elle colporte qu’adulée pour son charme hypnotique.

Les marginalités selon Mahi Binebine

Qu’est-ce que la famille, un simple lien génétique ou les personnes que l’on choisit ? Pour répondre à cette question, Binebine présente une galerie haute en couleur. Parmi la nouvelle famille recomposée de Hayat, il y a celui que l’on surnomme « grand-père » ou « le général », inamovible portier d’un hôtel de luxe, qui reprend son poste dès le lendemain de sa retraite ; la cartomancienne Zahia, avec ses amulettes magiques qui terrorisent les gens ; tante Rosalie et son inséparable servante, Hadda, et l’orchestre qui accompagne la cheikha Serghinia, dont la joie est le métier, selon l’expression pleine de sous-entendus de Binebine.

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Rue du Pardon est un conte et, comme le veut l’exercice, il comporte aussi ses méchants : les parents de Hayat, donc, et les filles jumelles de Serghinia, Aïda et Sonia, sortes de sorcières maléfiques qui vont faire basculer l’histoire avec un sortilège… On retrouve le goût de l’artiste pour les originaux, les marginaux, les laissés-pour-compte, qu’il dépeint avec un art jubilatoire et une infinie tendresse.

En un trait de plume désopilant, Binebine décrit des situations cocasses et dresse des portraits plus vrais que nature. Même au cœur du pire, il met en lumière l’espoir. On dit que les « cheikhates », femmes de cabaret, veuves ou divorcées, sont de mauvaise vie. Mais, pour Binebine, elles apportent la vie tout court.

Ce n’est pas un hasard si le prénom Hayat signifie justement « la vie », en arabe. En dépeignant ces femmes comme des combattantes en lutte avec l’hypocrisie de la société, Mahi Binebine rend le plus beau des hommages à ces femmes libres, fortes, attachantes, qui brisent les tabous et les interdits.

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