Burkina : Eddie Komboïgo et Kadré Désiré Ouédraogo, une lutte fratricide à la tête du CDP
Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti au pouvoir, est déchiré par le duel que se livrent Eddie Komboïgo, le président du parti, et Kadré Désiré Ouédraogo, ex-Premier ministre de Blaise Compaoré. Cinq ans après la chute de l’ancien président burkinabè, ces luttes intestines risquent de mettre à mal les ambitions de l’ancien parti au pouvoir.
C’est une première dans la longue histoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Le 14 juin, la justice, saisie par des militants, a annulé à la dernière minute le congrès extraordinaire du mouvement, qui devait se tenir deux jours plus tard à Ouagadougou. Le motif ? Les contestataires s’opposent à un projet de restructuration du bureau politique national. L’enjeu est de taille, cet organe devant désigner celui qui portera les couleurs du CDP à la présidentielle de 2020.
Cet épisode judiciaire illustre le combat fratricide que se livrent Eddie Komboïgo, le président du parti, et Kadré Désiré Ouédraogo, ex-Premier ministre et ex-président de la Commission de la Cedeao. Le premier ne fait pas mystère de ses ambitions. Le second s’est déjà déclaré candidat. Tous deux sont engagés dans une course de vitesse pour remporter l’investiture de leur formation, qui, en dépit de ses nombreux déboires depuis la chute de son chef, Blaise Compaoré, en 2014, reste l’une des mieux implantées dans le paysage politique burkinabè.
Accusations réciproques
Komboïgo a vigoureusement dénoncé la « zizanie » que « sèment certains cadres »
« La direction du parti, dans un esprit d’unité et de discipline, prendra dans les jours à venir, avec discernement et fermeté les décisions adéquates à la bonne marche du CDP », a fait savoir Eddie Komboïgo, dans un communiqué rendu public dimanche. Pour les partisans de ce dernier, des « frondeurs » voudraient empêcher le CDP de fonctionner normalement.
« Ils font tout pour que le parti n’ait pas de candidat en 2020 afin de rallier un maximum de militants à Kadré Désiré Ouédraogo », s’indigne Achille Tapsoba, premier vice-président du mouvement. Le 22 juin, lors d’un meeting à Manga (Centre-Sud), Komboïgo a vigoureusement dénoncé la « zizanie » que « sèment certains cadres ».
Le lendemain, un petit groupe de militants a fait irruption dans une réunion des secrétaires généraux du CDP. « Des voyous payés par Kadré pour, encore une fois, perturber nos activités ! » tonne un membre de la direction.
Des accusations que les fidèles de Ouédraogo balaient d’un revers de la main. « Ce sont eux qui se comportent comme des voyous ! Intimidations, violence, non-respect des textes, achat de voix des militants… Leurs méthodes sont détestables ! Jamais le CDP n’a connu pareille gestion », critique Léonce Koné, qui soutient la candidature de Ouédraogo.
Candidat, quoi qu’il arrive
D’ici à l’élection présidentielle, la stratégie de Kadré Désiré Ouédraogo est simple : gagner à sa cause le plus grand nombre de cadres et de militants
Dans l’entourage de l’ex-Premier ministre, on assure que ce dernier sera candidat quoi qu’il arrive, avec ou sans le soutien du CDP. L’intéressé l’a redit le 15 juin, lors d’un meeting à Ziniaré, le village natal de Blaise Compaoré. D’ici à l’élection présidentielle, sa stratégie est simple : gagner à sa cause le plus grand nombre de cadres et de militants de l’ancien parti majoritaire.
Quant à sa participation à une éventuelle primaire, elle semble pour le moment compromise, tant la confiance est rompue entre les deux camps. Certains s’inquiètent déjà des conséquences de cette crise interne, notamment dans l’hypothèse où le candidat du CDP affronterait au second tour de la présidentielle Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel chef de l’État.
Jusqu’où ira cette guerre intestine ? Dans le sillage de Ouédraogo, plusieurs militants réclament désormais la démission de Komboïgo. « Il est juge et partie dans cette affaire. Il faut qu’il se retire s’il est candidat à l’investiture », estime un membre du bureau exécutif national du CDP, qui préconise qu’une direction par intérim organise une primaire transparente.
Reste une inconnue majeure : l’attitude de Blaise Compaoré, figure tutélaire et président d’honneur du CDP. Depuis Abidjan, il suit de près les remous qui agitent son parti, mais garde le silence. S’il reçoit des proches des deux rivaux, qui font tout pour s’attirer son soutien, il prend soin de ne pas se prononcer pour le moment.
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