Cacao : le grand bond de la transformation au Cameroun

Pour contrer l’arrivée de nouveaux acteurs attirés par les incitations mises en place par Yaoundé, le suisse Barry Callebaut continue d’accroître ses capacités.

Dans son usine de transformation de Kekem, le groupe Neo Industry d’Emmanuel Neossi va fabriquer annuellement 26	000 t de produits dérivés destinés à l’exportation. © Fernand Kuissu

Dans son usine de transformation de Kekem, le groupe Neo Industry d’Emmanuel Neossi va fabriquer annuellement 26 000 t de produits dérivés destinés à l’exportation. © Fernand Kuissu

OMER-MBADI2_2024

Publié le 9 juillet 2019 Lecture : 4 minutes.

Unité de transformation du cacao dans l’usine de Choco Ivoire à San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire, en mars 2016. © Jacques Torregano pour JA
Issu du dossier

Le cacao africain à l’heure du « new deal » ?

Au sein du continent, qui représente plus de 75 % de la production mondiale du cacao, les ententes entre pays producteurs comme le Ghana et la Côte d’Ivoire ont conduit les géants du secteurs à revoir leur prix d’achat à la hausse. Quelle sera la prochaine étape ?

Sommaire

Barry Callebaut accélère son développement au Cameroun et tient son rang de leader dans la transformation de la fève. En visite dans le pays en mai, son patron, Antoine de Saint-Affrique, a fait part de la volonté du premier chocolatier mondial d’accroître ses capacités. Son investissement de plus de 5 milliards de F CFA (7,6 millions d’euros), en 2015, pour porter les capacités de sa filiale de 33 000 à 55 000 t, tient ses promesses.

La Société industrielle camerounaise des cacaos (SIC Cacaos) a broyé 53 000 t lors de la campagne 2017-2018. Elle représente actuellement l’essentiel des capacités de première transformation du pays, estimées par Fitch Solutions à 56 000 t. À terme, son potentiel sera porté à 70 000 t. Au cours de la dernière campagne, elle est devenue le plus gros acheteur de fèves avec 22,18 % de part de marché, devançant pour la première fois le négociant Telcar Cocoa, propriété de la femme d’affaires Kate Fotso (19,85 %).

la suite après cette publicité

De nouveaux concurrents

Le transformateur historique, qui célèbre sept décennies de présence, ne pouvait rester indifférent aux nouveaux projets enregistrés dans la transformation de l’or brun. En avril, le Camerounais Emmanuel Neossi inaugurait son usine de transformation. D’une capacité annuelle de 32 000 t, Neo Industry va produire 26 000 t de produits dérivés (masse, beurre, tourteaux et poudre de cacao), essentiellement destinés à l’exportation. Son promoteur, qui a mobilisé 20 milliards de F CFA pour construire son unité industrielle à Kekem, dans la région de l’Ouest, espère avoir amorti le projet dans sept ou huit ans. Néanmoins, il envisage déjà une extension dans les cinq ans pour faire passer sa capacité à 64 000 t.

Autre nouveau venu sur ce créneau, l’Ivoirien Bernard Koné Dossongui. Parallèlement à la construction d’une usine à San Pedro, le fondateur d’Atlantic Cocoa Corporation (ACC) va inaugurer dans les prochaines semaines une unité de production dans la zone industrielle du port en eau profonde de Kribi. L’homme d’affaires a investi près de 40 milliards de F CFA afin de pouvoir traiter annuellement 48 000 t de fèves dans un premier temps.

Objectif national de 330 000 t à l’horizon 2023

À côté de ces projets d’envergure, la Ferme agropastorale de Ma’an Menyi (Fapam Industry), à Mbalmayo, situé à une quarantaine de kilomètres de Yaoundé, entend également être de la partie. Des initiatives, combinées à quelques effets d’annonce, qui augurent d’une montée en puissance du traitement local de la fève.

C’est notamment le résultat de la politique incitative du Cameroun, qui souhaite doper une filière représentant une importante source de devises (environ 15 % des recettes d’exportation du pays).

 © Infographie JA

© Infographie JA

la suite après cette publicité

L’objectif fixé par les autorités était de doubler le taux de transformation, en le portant à 40 % de sa production en 2020. L’objectif sera dépassé si toutes les usines tournent à plein régime. Le pays récolte à peine 250 000 t de cacao chaque année et a remisé son ambition d’atteindre, grâce à ses 600 000 cacaoculteurs, les 600 000 t à l’horizon 2020, en dépit d’une origine camerounaise dont la couleur rouge brique reste prisée des chocolatiers. En cause, notamment, la difficulté des producteurs à obtenir des plants de cacaoyer pour renouveler et étendre leur verger. Désormais, le Cameroun vise la barre peut-être plus accessible des 330 000 t à l’horizon 2023.

Taxes avantageuses

Du côté des transformateurs, en revanche, on a profité à plein des incitations financières offertes par les pouvoirs publics, par exemple en matière d’exonérations fiscalo-­douanières (inscrites dans la loi de 2013) pour l’importation des équipements. Neo Industry et trois modestes transformateurs locaux ont bénéficié d’une subvention globale de plus de 17 milliards de F CFA. Le taux de la redevance perçue sur les fèves entrant dans les unités de transformation locale encourage aussi les investissements. Il a été réduit de 80 %, passant de 75 à 15 F CFA le kilogramme, tout comme a été diminuée de moitié par l’État la redevance sur la fève transformée (75 F CFA par kg).

la suite après cette publicité

Pour l’heure, les industriels comme les négociants ne se montrent pas inquiets quant à leur capacité à approvisionner leurs usines pour les prochaines années. Ils veulent néanmoins se prémunir contre une éventuelle pénurie du fait de la concurrence. ACC a par exemple décidé d’investir directement dans la production, à travers 25 000 ha de plantations dans le centre du pays.

« Les autres, à l’instar de Barry Callebaut ou Cargill, à travers son partenaire Telcar Cocoa, préfèrent soutenir la formation des cacaoculteurs pour obtenir un produit de qualité, tandis que d’autres optent pour la fourniture d’intrants. L’objectif étant de nouer des alliances avec les coopératives de producteurs pour garantir les approvisionnements », remarque un expert du Conseil interprofessionnel du cacao et du café (CICC).

Atlantic Cocoa Corporation présent aussi à San Pedro

Outre son projet au Cameroun, Atlantic Cocoa Corporation construit à San Pedro (Côte d’Ivoire) une usine de broyage d’une capacité de 64 000 t – en vue de fabriquer de la poudre de cacao, de la masse et de la liqueur –, qui devrait être opérationnelle en 2021. L’investissement est estimé à 70 millions d’euros.

La Côte d’Ivoire, deuxième broyeur mondial

Le pays produit à lui seul 45 % du cacao mondial. © SIA /AFP

Le pays produit à lui seul 45 % du cacao mondial. © SIA /AFP

Juste derrière les Pays-Bas, la Côte d’Ivoire, avec 580 000 t, domine le secteur en Afrique, devant le Ghana (300 000 t). L’ensemble des autres pays africains, dont le Nigeria et le Cameroun, totalise 110 000 t.

Baudelaire Mieu, à Abidjan

L'éco du jour.

Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.

Image