Èlbé, quand la mode orientale transcende les identités culturelles
Avec sa ligne d’accessoires revisités, Èlbé, une jeune marque franco-tunisienne, prouve que la mode orientale contemporaine creuse doucement son sillon dans le secteur.
Elles ont quitté leur emploi chez Louis Vuitton pour se consacrer à la création d’une petite marque d’accessoires inspirée de la Tunisie. Un grand écart justifié par l’envie de rompre avec la mondialisation de la mode et les vieux schémas de l’industrie. La première, Clémentine Lecointre, une Parisienne de 27 ans, travaillait dans les ateliers de la célèbre maison de luxe. Tandis que son associée, Nour Ben Cheikh, 28 ans, Tunisienne d’origine ayant grandi à Tunis, y officiait en studio.
Ensemble, elles ont décidé de créer Èlbé – en référence à qalbi, qui signifie « mon cœur » dans certains dialectes arabes – et de proposer des collections en séries limitées qui leur ressemblent, au carrefour de leurs identités culturelles. D’autres créateurs revisitent également la mode arabe émergente. On pense à Boshies, label libanais « néo-oriental » – comme se définit la marque – ou encore aux collections arabo-urbaines de la boutique parisienne LDN-istan.
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La garde-robe du Maghreb et du Moyen-Orient a longtemps été diabolisée. Aujourd’hui, la mode récupère ce patrimoine souvent de manière subversive, explique Nour
Récupération subversive
Serait-on en train d’assister à un nouveau chapitre dans l’histoire du prêt-à-porter ? « Jusqu’à ces dix dernières années, le secteur proposait un vestiaire très traditionnel. L’arrivée de jeunes designers fait désormais bouger les lignes, assure Nour. La garde-robe du Maghreb et du Moyen-Orient a longtemps été diabolisée, notamment à cause du terrorisme, complète-t-elle. Aujourd’hui, la mode récupère ce patrimoine souvent de manière subversive, par exemple en mettant en avant des mannequins voilées ».
Aussi, les créatrices souhaitent-elles renvoyer « une image cool » des accessoires orientaux. Un motif carré, formé de cœurs évoquant les faïences des salles de bains tunisiennes, vient ainsi parer leurs foulards et sacs à main.
L’emblème de leur toute jeune marque, dont l’e-shop a officiellement été lancé en mars 2019, a été conçu par les fondatrices elles-mêmes. Pour ce qui est de la réalisation des broderies que l’on retrouve sur leurs paréos-jupes aux allures de foutas, elles ont fait appel à des artisanes de Tunis.
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« Nous travaillons aussi avec un fabricant local pour la réalisation de nos sacs en cuir. Mais nous aimerions, à terme, aller plus loin dans notre démarche en collaborant avec plus de partenaires sur place », confient les jeunes stylistes, qui se fournissent, pour l’heure, majoritairement de fins de stocks aux puces de Saint-Ouen – en région parisienne – ou dans le quartier du Sentier (par exemple pour les perles et les tissus).
Et utilisent parfois un tissu Oeko-tex (sans substances nocives), ce qui justifie les tarifs « entrée de luxe » pratiqués (allant de 90 euros le chapeau à 310 euros le sac en cuir).
Sans frontières
Les acolytes se rendent au pays du jasmin avant chaque collection – la marque compte déjà quatre lignes –, notamment à La Marsa, au nord-est de Tunis. L’occasion pour elles de se laisser happer par l’énergie de cette station balnéaire.
« Nous avons rencontré une bande de jeunes incroyables. L’un porte des locks, l’une est originaire de Tokyo mais vit sur place… Bref, leurs métissages et leur joie de vivre nous ont donné envie de réaliser un shooting avec eux », s’enthousiasme Nour. Multiculturelle et mixte – les hommes posent en jupes avec des bijoux –, la marque Èlbé est à l’image de cette nouvelle génération qui se gausse des frontières de genre et d’origines.
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