Environnement – L’Afrique au banc d’essai : au Bénin, Sandra Idossou milite pour l’interdiction des sacs plastique
Face à la prolifération des sacs plastique en Afrique, la Béninoise Sandra Idossou mène une campagne pour tenter de les interdire dans son pays et continue à appeler le gouvernement à faire appliquer la loi.
Développement et défense de l’environnement : où en est l’Afrique ?
Notre continent fait désormais partie intégrante du mouvement planétaire visant à imposer un modèle de développement plus propre et plus vertueux. Quels sont ses atouts ? Et ses faiblesses ?
En mai 2019, la Tanzanie est devenue le 34e pays africain à bannir l’usage des sacs en plastique à usage unique. Utilisés puis jetés, les sacs jonchent les rues et les terres agricoles, polluent les rivières, empoisonnent le bétail. Non recyclables, ils sont souvent brûlés, ce qui libère dans l’atmosphère carbone, dioxines, mercure et autres perturbateurs endocriniens variés.
Malgré ces dangers identifiés, les campagnes d’interdiction découlent souvent d’initiatives individuelles, à l’instar de celle du Kényan James Wakibia, qui a bataillé sur Twitter avant d’obtenir gain de cause dans son pays. Rencontre avec Sandra Idossou, qui mène le même combat au Bénin.
Chaque ménage béninois utilise au moins dix sacs plastique par jour
Jeune Afrique : Pourquoi avoir choisi le problème des sacs plastique en particulier ?
Sandra Idossou : J’ai longtemps travaillé hors du pays et quand je suis revenue, je me suis retrouvée cernée par les sachets plastique. Chaque ménage béninois en utilise au moins dix par jour. Et nous sommes 11 millions… On les jette après usage, et ça détruit les sols.
Conséquence : il faut utiliser de plus en plus d’engrais chimiques. Nos lagunes et nos cours d’eau en sont infestés. Ensuite, quand il y a des inondations, les gens ne comprennent pas pourquoi les égouts débordent. Mais le pire, ce sont les enfants qui mangent des plats chauds dans ces sachets. Je ne suis pas médecin, mais il semble évident que c’est problématique.
Vous comparez souvent votre pays au Rwanda, où vous avez vécu. Pourquoi ?
J’ai vu à Kigali que les populations ont une responsabilité dans la préservation de leur environnement. Le Rwanda, c’est l’exemple d’un pays où les gens comprennent qu’ils peuvent agir pour l’environnement. Que cette compréhension soit naturelle ou contrainte, ça, je ne sais pas. Mais le résultat est là : les gens prennent les choses en main, alors que souvent en Afrique on se contente de se poser et de dire « c’est aux autorités de s’en occuper ».
Les gens sont très forts pour parler, mais quand il faut agir, ça se complique toujours. C’est très frustrant
Mais les choses bougent au Bénin. Une loi a été adoptée. Où est le problème ?
Le problème, c’est que la loi prévoyait une période de transition de six mois, qu’on en est maintenant à dix-huit mois et qu’on continue à nous dire « ça va se faire ». Les gens sont très forts pour parler, mais quand il faut agir, ça se complique toujours. C’est très frustrant. La loi prévoit des mesures répressives contre ceux qui importent ou qui distribuent des sachets plastique. On continue pourtant à voir des cargaisons qui arrivent au port de Cotonou ou des camions de sachets qui entrent par le Nigeria. Je continue donc à appeler le gouvernement à faire appliquer la loi.
Vous ne faites pas qu’interpeller les autorités, vous agissez aussi…
Oui, nous avons mis en place les Eco Running : on court ou on marche et, surtout, on ramasse les déchets. On a commencé à 70, maintenant on est jusqu’à 600 et on récolte une tonne de détritus en une heure. Mais tout cela est bénévole. Or mener ce genre d’action quand vous n’avez pas de revenus, c’est un luxe.
Vous avez trouvé une solution à ce problème ?
Notre association commence à recycler les déchets. On en fait des pots de fleurs, des bancs. Cela crée quelques emplois. J’avoue que j’ai mis un peu de temps à comprendre qu’il fallait mettre cet aspect-là en avant, expliquer qu’on crée aussi de la valeur. Au départ, on était très idéalistes, on parlait de la défense de l’environnement, du futur de nos enfants. J’ai fini par comprendre que ça ne suffisait pas.
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