« Le Roi Lion » : Beyoncé et l’Afrique, pour le meilleur et pour le pire

Avec un disque inspiré du remake du film Le Roi Lion, la superstar américaine rappelle son inclination pour le continent africain. Pour le meilleur et pour le pire.

Beyoncé, dans une image de promotion du film Le Roi Lion. © ABC/BACKGRID UK via Bestimage

Beyoncé, dans une image de promotion du film Le Roi Lion. © ABC/BACKGRID UK via Bestimage

KATIA TOURE_perso

Publié le 5 août 2019 Lecture : 4 minutes.

Sa dernière interview – ou plutôt son dernier monologue – remonte à août 2018 dans les pages de Vogue US. Une tirade autopromotionnelle au sein de laquelle Beyoncé Giselle Knowles-Carter réussissait l’exploit de trouver une symbolique sociopolitique à tout ce qu’elle entreprend : de sa dernière grossesse à son passage au festival Coachella quelques mois plus tôt… Au palmarès des maniaques du contrôle, elle remporte la palme. Sacrée Beyoncé ! La sortie du remake du Roi Lion est l’occasion d’une nouvelle démonstration.

Alors que la bande originale du film a été pilotée par le compositeur Hans Zimmer, Beyoncé prête sa voix au personnage de Nala, la lionne qui s’entiche de Simba, félin principal. Parallèlement, elle a profité de l’aubaine pour sortir un album plus personnel, The Lion King : the Gift.

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« C’est une lettre d’amour à l’Afrique. Je voulais m’assurer que l’on y retrouve les meilleurs talents du continent. L’idée n’était pas d’utiliser leur musique et de l’interpréter à ma façon : je voulais être authentique vis-à-vis de ce qu’il y a de beau dans la musique en Afrique », raconte-t-elle devant les caméras du réseau de télévision ABC.

Overdose marketing

Sur cet album, l’Afrique, c’est surtout le Nigeria. C’est que la Queen Bey a fait appel aux stars les plus en vue de la musique naija, voguant entre afropop et afrobeats. Wizkid, Tekno, Burna Boy, Yemi Alade, Mr Eazi et Tiwa Savage sont de la partie. On y trouve aussi la chanteuse sud-africaine de « future ghetto punk » Moonchild Sanelly, l’artiste de dancehall ghanéen Shatta Wale et le façonneur de hits camerounais Salatiel. Ont-ils rencontré la star ? Non, si l’on en croit Burna Boy.

Pour le pendant américano-hollywoodien, son rappeur de mari, Jay-Z, Childish Gambino (qui interprète Simba sous son vrai nom, Donald Glover), Kendrick Lamar, le trio Major Lazer ou Pharrell Williams ont répondu à l’appel de la cheffe de tribu. Sans oublier sa fille aînée, Blue Ivy Carter, en featuring sur le titre « Brown Skin Girl ». Cette apparition de l’héritière, constamment mise en avant par Mme Carter, garantit l’overdose marketing.

Et à la production, aux côtés de Beyoncé et de son acolyte américain Derek Dixie, on retrouve notamment, et sans réelle surprise, les faiseurs de beats nigérians comme P2J ou Northboi Oracle, l’un des complices de Wizkid. Du beau monde donc pour ces treize chansons entrecoupées d’interludes reprenant des dialogues du film. Verdict : si quelques ritournelles sont à jeter aux oubliettes, le disque a de quoi nous faire oublier les productions chargées et alambiquées auxquelles elle nous avait habitués.

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Prêtresse du désert

Mais pour Son Excellence Beyoncé, les coups d’éclat ne vont jamais sans bad buzz. Pour commencer, dans la même interview accordée à ABC, elle déclare avoir inventé, avec cet album, un tout nouveau genre de musique en invoquant la collaboration entre producteurs africains et américains. Et une ineptie, une ! qui déchaîne les réseaux sociaux…

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Puis, le 19 juillet, mise en ligne, sur YouTube, du clip grandiloquent regroupant les chansons soporifiques à souhait « Spirit » et « Bigger », vues plus de onze millions de fois en quarante-huit heures. Scandale ! La direction artistique de cette vidéo, où elle joue les prêtresses du désert (ou de la savane, au choix), présente de nombreuses similitudes avec le court-métrage La Maison Noir : the Gift and the Curse, de Yannick Ilunga alias Petite Noir, artiste congolo-angolais, natif de Bruxelles et installé en Afrique du Sud. Même espace scénique, des danseurs affublés des mêmes voiles bleus et des mêmes voiles rouges, au milieu desquels gesticule une Beyoncé visiblement habitée par on ne sait quel djinn.

Vous avez dit récidiviste ? On ne s’est toujours pas remis de l’affiche de sa tournée, il y a un an, qui reprenait une image du film culte sénégalais Touki Bouki sans qu’aucune mention ne soit faite de son auteur, Djibril Diop Mambéty… En matière d’accusations de plagiat ou même d’appropriation culturelle (chorégraphies, mises en scène, etc.), il y a de quoi écrire des pavés à propos de Beyoncé.

Les montages de captures d’écran concordantes entre les deux réalisations vidéo ont vite fait d’envahir les réseaux sociaux, suivis d’une sacrée déferlante médiatique. Et cela, sans que le principal intéressé, Petite Noir, ne prenne la peine de s’exprimer sur le sujet.

« Le connaissant, cela m’étonnerait qu’il en vienne à réagir à tout cela », assure un proche collaborateur de l’artiste. Dans tous les cas, Beyoncé a définitivement fait du continent africain son terrain de chasse.

Dans les deux clips, elle porte des tenues de la griffe sénégalaise Tongoro ou même le masque Lagbaja, tout en cauris, de la créatrice ivoirienne Lafalaise Dion. De quoi se réjouir peut-être. Mais, en attendant, ce nouveau chapitre de la saga « Beyoncé en Afrique » n’est pas plus glorieux que les précédents. Et, à force, cela devient lassant…

Savane numérique

Cette nouvelle version du Roi Lion, à peine sortie, domine déjà le box-office dans 52 pays. Disney, en 1994, produisait un grand classique, son plus rentable, qui lui a rapporté 968 millions de dollars et deux oscars. La multinationale, qui a déboursé la somme de 260 millions de dollars pour cette reprise en images de synthèse, est déjà une nouvelle fois largement entrée dans ses frais.

Rien d’étonnant à ce que cette adaptation signée Jon Favreau, habitué aux blockbusters (Avengers), rencontre un tel succès. C’est revivre toute une intrigue, déjà bien ficelée (inspirée de Bambi comme de Hamlet), avec l’impression de regarder un documentaire animalier.

Les épisodes majeurs de l’histoire, comme la mort de Mufasa ou le combat entre Simba et Scar, ne souffrent pas du trop-plein d’effets spéciaux. Les félins et autres animaux de la savane numérique sont plutôt expressifs. Et si l’on peut regretter que la magie du dessin animé ne soit plus, ce film assure un autre type de spectacle, en nous permettant de littéralement plonger, grâce à la 3D, dans un univers qui devrait bluffer les nostalgiques et enchanter la nouvelle génération.

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