Mines : le Camerounais Dieudonné Bougne forge son empire

Tout en poursuivant ses projets d’exploration et d’exploitation de minerai, Dieudonné Bougne, le fondateur du groupe Bocom accélère sa diversification dans l’hôtellerie.

Le groupe compte pas moins de 76 stations-service au Cameroun. Ici, à Yaoundé. © Fernand Kuissu

Le groupe compte pas moins de 76 stations-service au Cameroun. Ici, à Yaoundé. © Fernand Kuissu

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Publié le 26 août 2019 Lecture : 5 minutes.

Ces derniers temps, l’attention de Dieudonné Bougne est tournée vers le palais d’Etoudi. Le fondateur du groupe Bougne Compagnie (Bocom) espère que Paul Biya signera la licence d’exploitation du projet G-Stones, titulaire de deux permis de recherche pour extraire du fer dans le sud du Cameroun. Le rapport technique se trouve déjà sur la table, et le sésame présidentiel lui permettrait de mobiliser les financements nécessaires pour ce chantier d’envergure qui a déjà englouti une soixantaine de milliards de F CFA (plus de 90 millions d’euros).

« Sur une zone de 45 km2, nous avons travaillé sur 3 km2 et identifié 62 millions de t de minerai, dont la teneur en fer se situe entre 35 % et 45 % », avance-t-il. Dieudonné Bougne entend l’enrichir jusqu’à 70 % en implantant une usine au pied de la mine d’Akom II, à une soixantaine de kilomètres du port de Kribi. Une fois traité, le fer sera transporté à 50 km du site, vers l’usine de sidérurgie de Fifinda, où des terrassements sont déjà visibles. De cette unité sortiront des matériaux de construction (fers à béton, tôles, mulettes, cornières, etc.). Confiant, Dieudonné Bougne songe à l’installation d’un pipeline qui desservirait Kribi.

Il ne verra pas le jour avant six ans si tous les obstacles sont levés dès aujourd’hui. Or, je peux débuter dans les prochains mois si l’autorisation m’est accordée

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Si la mine promet davantage, il pourrait lever des financements et y construire un appontement minéralier pour exporter. Une telle plateforme portuaire était déjà prévue dans le projet d’exploitation du fer de Mbalam-Nabeba, à cheval sur le Cameroun et le Congo, promu par l’australien Sundance Resources. « Il ne verra pas le jour avant six ans si tous les obstacles sont levés dès aujourd’hui. Or, je peux débuter dans les prochains mois si l’autorisation m’est accordée », martèle-t-il. Ce qui est loin d’être gagné.

Un rêve minier

Et les ambitions minières de cet entrepreneur proche de l’homme d’affaires Pascal Monkam ne s’arrêtent pas là. Le Camerounais a ouvert une filiale à Mississauga afin de s’offrir l’expertise canadienne. Titulaire de huit permis d’exploration grâce à sa filiale Mississauga Mining and Exploration Cameroon (MMEC), il prospecte de l’or, du cobalt et du nickel dans le nord et l’est du Cameroun.

Le projet minier de Mbalam-Nabeba est à cheval entre le Cameroun et le Congo-Brazzaville. © Sundance

Le projet minier de Mbalam-Nabeba est à cheval entre le Cameroun et le Congo-Brazzaville. © Sundance

En attendant de concrétiser son rêve minier, le groupe familial – créé en 2001 grâce à l’obtention du traitement des déchets du projet de pipeline entre le Tchad et le Cameroun – accélère sa diversification dans l’hôtellerie. Après l’ouverture il y a quatre ans d’un premier établissement dans son village de Bansoa, en pays bamiléké, Dieudonné Bougne compte ouvrir, dans moins d’un an, un quatre-étoiles à Douala, pour un coût de 14,4 milliards de F CFA.

Le bâtiment, contigu à son domaine du quartier chic de Bonapriso, a été monté par son entreprise Harvest BTP, et sera achevé par l’italien ML. À travers B&B Investment, le holding familial, il a contracté un emprunt de 4,5 milliards de F CFA le 4 juillet auprès de la BDEAC et obtenu 1,09 milliard de F CFA de la Commercial Bank of Cameroon (CBC), pour un apport en fonds propres de 8 milliards de F CFA.

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Il a également entamé le chantier d’un autre établissement quatre étoiles à Bangui, pour un montant du même ordre que celui de Douala, qui devrait ouvrir ses portes l’année prochaine. S’il refuse de dévoiler précisément ses futures ambitions dans le secteur, Dieudonné Bougne rêve de disposer d’une véritable chaîne hôtelière africaine.

L’État maltraite les hommes d’affaires. Mais nous faisons de la résistance parce que c’est notre pays

Cameroun, Canada, Centrafrique, Congo mais aussi Guinée équatoriale… Le groupe familial, qui pesait près de 200 millions de dollars – dont 80 % engrangés par son entreprise Bocom Petroleum – et plus de 3 500 emplois directs en 2018, étend sa toile, et ce dans les domaines les plus divers. Outre les mines, le BTP et l’immobilier, il s’est spécialisé en moins de deux décennies dans la collecte et le traitement des déchets industriels et hospitaliers, et des boues d’hydrocarbures, dans la chaudronnerie et la métallurgie, le traitement des batteries usagées, la logistique et la distribution de carburants.

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Les Camerounais connaissent bien son réseau de 76 stations-service, qui vaut selon lui à Bocom Petroleum la troisième place du secteur. « Vous aurez d’autres surprises d’ici à la fin de l’année », promet le fondateur, énigmatique.

Troisième dans la distribution de carburant

Dieudonné Bougne affirme vouloir abandonner pour un temps la conquête de nouveaux marchés et se concentrer sur le Cameroun, où, prétend-il, les opportunités sont considérables, en dépit des embûches… « L’État maltraite les hommes d’affaires, affirme-t-il. Mais nous faisons de la résistance parce que c’est notre pays. »

S’il milite au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) comme ses modèles, Victor Fotso et feu Joseph Kadji Defosso, ce n’est pas pour chercher une quelconque protection, affirme-t-il. Il paye ainsi une dette vis-à-vis de Paul Biya, qui l’avait sorti d’un mauvais pas lors de sa brouille avec un partenaire.

Ce self-made-man qui a été couturier, docker, transporteur et commerçant a instauré une gestion matrimoniale pour certaines de ses entreprises. Par prudence, le fondateur a placé ses quatre épouses à des postes clés. « Elles s’occupent de la trésorerie ou des achats. Ce qui nous met à l’abri de certaines déconvenues comme le vol », signale-t-il. À 63 ans, il ne songe pas encore à la retraite mais intègre progressivement sa progéniture dans la gestion de ses affaires.

Plusieurs de ses filles ont également été promues à des postes à responsabilité. Et l’aîné de ses garçons occupe déjà la vice-présidence du holding. Un verrouillage familial qui ne s’appliquera cependant pas pour ses projets miniers. « J’ouvrirai alors le capital des entreprises », confesse-t-il. D’ailleurs, des investisseurs hexagonaux frappent déjà à la porte.

Des débuts difficiles

L’aventure industrielle de Dieudonné Bougne débute en 1996 avec Bougne Cameroun (Bocam), une première entreprise de traitement des déchets. Mais elle tourne court. Alors qu’une brouille l’oppose à son partenaire, Bernard Fokou, fondateur du groupe du même nom, originaire comme lui de Bansoa, ce dernier prend le contrôle de sa société. Un chapitre douloureux que Dieudonné Bougne ne souhaite plus aborder.

Quelques années plus tard, l’industriel camerounais implante Bocom International, spécialisé dans les déchets, au Tchad. « J’ai été mis à la porte par les autorités dès que l’affaire a pris une bonne tournure », commente-t-il à présent, amusé…

Chacun son business…

Le virus des affaires contamine tous les membres de la famille Bougne. Aristide, l’un des fils de l’entrepreneur, a refusé d’intégrer le groupe familial pour se lancer en solo dans l’élevage. Son unité accueille déjà 12 000 poulets, et il entend désormais développer une activité de transformation pour faire de la charcuterie industrielle.

Par ailleurs, en marge de ses activités au sein du groupe Bocom, la première épouse de Dieudonné Bougne, qu’il appelle la reine mère, a développé ses propres affaires. Outre le commerce, elle est propriétaire de camions qui sont utilisés par International Logistic Provider (ILP), la branche transport et logistique du groupe familial.

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