Kalla Moutari : « Les Nigériens doivent sentir que l’État assure leur sécurité »

En poste depuis trois ans, le ministre nigérien de la Défense est en première ligne face à la menace terroriste. Et ne compte pas baisser la garde.

Le ministre nigérien de la Défense, Kalla Moutari, dans son bureau à Niamey. © Photo TAGAZA DJIBO pour JA

Le ministre nigérien de la Défense, Kalla Moutari, dans son bureau à Niamey. © Photo TAGAZA DJIBO pour JA

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Publié le 12 septembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Devant le palais présidentiel, le 13 janvier, à Niamey. © VINCENT FOURNIER/J.A.
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Niger : passage de témoin

Assuré d’avoir un nouveau président en 2021, le pays s’est refait une santé sur le plan économique et se modernise progressivement. Un bol d’air bienvenu dans un contexte sécuritaire encore tendu.

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Dans le dispositif mis en place par Niamey pour faire face aux menaces que représentent l’État islamique et Boko Haram le long de ses différentes frontières, Kalla Moutari est évidemment en première ligne. Ministre de la Défense depuis 2016, il connaît bien ses dossiers, et du terrorisme aux contraintes budgétaires de son ministère, n’élude aucune question.

Jeune Afrique : Diriez-vous que la situation sécuritaire s’améliore au Niger ?

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Kalla Moutari : Nous avons renforcé nos positions en augmentant nos effectifs le long de la frontière avec le Mali et le Burkina Faso. Notre principal défi est, aujourd’hui, d’être à la fois bien implantés tout en restant mobiles. Nous avons adapté notre présence et ajusté notre déploiement en tenant compte des réalités du terrain. Nous devons être partout présents, avec une capacité de riposte supportée par une base arrière. Nous subissons moins d’attaques directes, mais le danger vient de plus en plus d’embuscades et de mines.

Craignez-vous une contagion du conflit communautaire dans le centre du Mali ?

Nos deux pays partagent certaines communautés. Lorsqu’un problème surgit d’un côté de la frontière, il y a un risque de contagion et de vengeance en face. Les jihadistes d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui ont pu recruter au sein de la communauté peule et parmi les jeunes. Une économie locale se développe aujourd’hui autour des terroristes, qui ont réussi à faire croire qu’ils étaient partout, qu’ils pouvaient tout savoir et tout contrôler. À l’État d’être plus présent et de montrer aux Nigériens qu’il assure leur sécurité. Il doit faire en sorte que la population préfère travailler avec lui plutôt qu’avec les jihadistes.

Quelle est la situation à la frontière avec le Nigeria, où Boko Haram semble avoir gagné en influence ?

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Nous avons assisté à une recrudescence des attaques de Boko Haram, qui profite de périodes de « pause » dans nos offensives militaires pour regagner un peu en influence dans certaines forêts nigérianes ou dans les îles du lac Tchad. Cela est en partie dû au mode de fonctionnement de la Force multinationale mixte, dont nous faisons partie avec le Nigeria, le Tchad et le Cameroun. Nous devons nous accorder pour maintenir nos efforts, installer une présence continue de nos troupes sur le terrain et, ainsi, permettre aux populations d’y revenir. Mais ces opérations communes ne seront pleinement efficaces que lorsque le Nigeria se sera occupé de Boko Haram sur le plan national.

Nous attendons encore le matériel qui doit permettre au G5 Sahel de lancer des opérations et d’obtenir des résultats probants

On reproche à l’État nigérien d’avoir sous-traité sa sécurité, notamment à la France ou aux États-Unis.

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En cherchant à discréditer l’armée nigérienne et le gouvernement, ces allégations servent nos ennemis tout en mettant à mal nos alliances et le moral de nos troupes. Les populations savent bien que, malgré les critiques, la sécurité est assurée sur le terrain par nos forces armées. Nous disposons de drones de surveillance et nous voulons développer nos capacités aériennes de combat. Mais nous ne pouvons pas surveiller seuls et à tout moment l’entièreté de notre territoire. La collaboration avec les États-Unis et la France est excellente et essentielle.

Où en est le financement du G5 Sahel ?

Les États du G5 travaillent pour assurer eux-mêmes une partie du financement pour les années à venir, au cas où l’aide des pays étrangers et de l’ONU viendrait à manquer. Pour le moment, ce sont nos pays qui assurent l’entretien des bataillons sur leur sol. Les contributions ne nous sont pas encore parvenues, et nous attendons le matériel qui doit nous permettre de lancer des opérations et d’obtenir des résultats probants. Les procédures européennes sont lentes, et certains pays membres préfèrent une aide bilatérale à une solution multilatérale.

La défense mobilise entre 15 % et 20 % du budget de l’État. N’est-ce pas trop élevé ?

Nous avons beaucoup puisé dans le budget national pour la sécurité. Et nous devons bien sûr faire attention à ne pas abandonner nos actions de développement. Nos finances publiques sont certes sous tension, mais nous nous efforçons d’améliorer la mobilisation de nos ressources pour remplir à la fois nos objectifs sécuritaires et socio-économiques.

Au-delà de ces solutions sécuritaires, n’existe-t-il pas d’autres façons d’implanter l’État dans les zones frontalières ?

Si la zone n’est pas sécurisée, vous ne pouvez pas construire d’infrastructures. Et il n’y a pas d’activités économiques possibles sans sécurité. Les projets existent dans le pays, et les fonds sont disponibles, mais tout reste au point mort tant que la sécurité n’est pas garantie.

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