Le pape François et le Cardinal Sarah, deux visions de l’Église
En voyage sur le continent du 4 au 10 septembre, le pape aura-t-il pu s’extraire – ne serait-ce que provisoirement – des luttes intestines qui déchirent le Vatican et des scandales liés à la pédophilie qui ébranlent l’Église catholique ? À voir.
Car l’Afrique compte l’un des prélats – le Guinéen Robert Sarah – dont les opinions tranchées diffèrent le plus de celles du souverain pontife argentin. Au point que les courants catholiques traditionalistes, notamment américains et français, à l’affût d’ecclésiastiques haut placés aux vues proches des leurs, ont fait de lui leur champion.
Robert Sarah, proche des milieux conservateurs
Nommé en 1979 archevêque de Conakry par Jean-Paul II, qui l’a appelé à travailler au sein de la Curie romaine en 2001, ce proche de Benoît XVI – qui l’a créé cardinal –, est devenu ces dernières années un auteur de livres à succès (Dieu ou rien, en 2015, La Force du silence, en 2016, et Le soir approche et déjà le jour baisse, en 2019), tous trois tirés d’entretiens avec le journaliste et éditeur conservateur français Nicolas Diat. Chacun d’eux condamne un catholicisme trop sécularisé dans une Europe en pleine décadence qui veut exporter ses turpitudes, notamment en Afrique.
Le Guinéen fustige l’Église ouverte prônée par le pape
Quand François appelle les catholiques à aller aux « périphéries » de l’Église et du monde, auprès des marginaux et des non-croyants, le Guinéen regrette en mars, dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles, que des prêtres et des évêques aient été « littéralement ensorcelés par des questions politiques ou sociales » aux dépens de l’enseignement de la doctrine catholique traditionnelle. « Ils veulent avant tout que l’on dise que l’Église est ouverte, accueillante, attentive, moderne. Mais l’Église n’est pas faite pour écouter, elle est faite pour enseigner », affirme-t-il.
Le pape dénonce le cléricalisme, qui met le prêtre au-dessus des laïcs, rappelant l’égalité dans le baptême et la nécessité pour tous les fidèles d’utiliser leur liberté de parole. Robert Sarah se prononce, lui, pour un renforcement de la position du prêtre et regrette que l’on « s’acharne à détruire le sacerdoce », notamment en envisageant l’abandon du célibat.
Lorsque François encourage l’Europe à secourir les migrants et à leur ouvrir ses portes, accueillant au Vatican des réfugiés syriens musulmans, Robert Sarah appelle à un contrôle des frontières et loue les positions de la Hongrie et de la Pologne à ce sujet. Il s’inquiète même du danger d’une « disparition de l’Europe » sous le flot migratoire, d’un « islam qui envahira le monde » et d’un changement « de culture, d’anthropologie et de vision morale ».
Célébrer la messe dos au peuple
En 2016, il a incité par deux fois les prêtres à célébrer la messe dos au peuple, comme cela se faisait avant le concile Vatican II. Des déclarations faites sans aucune concertation avec le pape et qui ont obligé le porte-parole du Saint-Siège à expliquer qu’il n’y avait aucune nouvelle recommandation officielle en la matière.
À Maputo, à Antananarivo et à Port-Louis, où le pape a abordé les questions de réconciliation (notamment au Mozambique, après l’accord de paix signé en août), de protection de l’environnement (les trois pays sont très affectés par le réchauffement climatique) et du dialogue interreligieux, il n’aura pas à subir les foudres du cardinal guinéen. En 2014, peu après son élection, le pape lui avait retiré la présidence du conseil pontifical Cor unum, chargé des questions caritatives, pour lui confier la présidence de la Congrégation pour le culte divin – autrement dit le « ministère » de la liturgie du Vatican. Mais François garde à l’esprit que Sarah reste l’une des voix les plus écoutées, aussi bien à Rome que sur le continent.
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