« De sable et de feu » : l’imposteur, le sultan et l’aristocrate

Le nouveau long-métrage du Marocain Souheil Ben Barka raconte l’histoire vraie d’un officier de l’armée espagnole qui se fit passer pour un prince abbasside et voulut devenir sultan du Maroc au début du XIXe siècle. Une histoire pleine de rebondissements qui bouleversera le Moyen-Orient.

De sable et de feu.

De sable et de feu.

Renaud de Rochebrune

Publié le 27 septembre 2019 Lecture : 3 minutes.

« Est-ce un génie ou un fou, votre protégé ? » La question est posée en 1808 par Napoléon à son ministre Talleyrand, qui vient de lui présenter un certain prince Ali Bey, de son vrai nom Domingo Badia. Un homme qui cherche l’appui de la France pour conquérir le Maroc de Tanger à Tombouctou avec l’aide de tribus rebelles qui entendent se débarrasser du sultan qui règne à Fès. La réponse, évidemment irrévérencieuse envers celui qui la reçoit, est immédiate : « Un peu des deux, comme tous les grands hommes. »

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De sable et de feu, le huitième long-métrage de Souheil Ben Barka, raconte l’incroyable et véridique histoire de ce curieux Catalan qui crut, non sans quelques raisons, pouvoir devenir sultan du Maroc sous une fausse identité.

Un militaire qui « aime la guerre »

Résumons son parcours tel qu’il est reconstitué dans le film. Un jour, au tout début du XIXe siècle, Badia, déjà connu pour ses périlleux essais de vols expérimentaux avec un ballon de son invention, obtient un rendez-vous avec le Premier ministre espagnol à Madrid. Il lui demande de l’aide afin de « partir explorer le Maroc jusqu’à Tombouctou, ville mystérieuse, inconnue de tous ».

Mais son interlocuteur pense immédiatement que « ce militaire qui aime la guerre, s’intéresse aux cultures africaines, parle cinq langues, dont l’arabe, et excelle dans l’étude des mathématiques et de l’astronomie » pourrait être fort utile si on détournait le but de sa mission « scientifique ». Car le Maroc et son sultan, peu coopératifs, inquiètent l’Espagne.

Une vie d’agent secret

Et voilà comment, peu de temps après, Badia se trouve chargé d’aller au Maroc gagner la confiance du sultan, passionné d’astronomie, avec l’idée de s’employer à soulever les tribus du royaume pour le faire déposer. Pour se préparer à sa future vie d’agent secret, Badia part vers Paris et Londres.

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À Paris, sachant que le pouvoir napoléonien s’intéresse de près au sort de l’Espagne et du Maroc, il rencontre Talleyrand, qui lui donne un conseil précieux qui va changer le cours de son existence. Il lui dit en effet que, pour pouvoir s’imposer à la cour au Maroc, il devrait s’inventer un personnage, jouer le rôle du fils d’un prince abbasside descendant du Prophète qui aurait combattu les Turcs en Syrie et aurait fini ses jours en Espagne.

À Londres, il commence par se faire circoncire afin d’être crédible en prince Ali Bey

Convaincu, Badia devient donc Ali Bey et prend l’apparence qui convient. À Londres, où il commence par se faire circoncire afin d’être crédible en prince Ali Bey, il achète des armes à offrir aux Marocains et une lunette astronomique très performante pour le sultan. Mais surtout, il tombe amoureux d’une aristocrate, elle aussi passionnée d’astronomie et arabophile, lady Esther Stanhope.

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Fuite rocambolesque

La suite en quelques mots ? Badia réussit d’abord si bien sa mission qu’il devient une sorte de fils préféré du sultan et qu’il peut sceller une alliance avec les tribus rebelles. Mais, alors qu’il est en route pour un pèlerinage à La Mecque, il sera finalement démasqué.

D’où une fuite rocambolesque à travers le désert avant qu’il regagne l’Europe où il rencontre à nouveau Talleyrand et, on l’a vu, Napoléon lui-même. On le retrouvera plus tard… en Syrie, où il est allé rejoindre lady Esther, devenue reine de Palmyre après s’être convertie à l’islam sous sa forme la plus intégriste et la plus belliqueuse.

Le très rationnel et très tolérant Badia -Ali Bey – n’avait-il pas insisté auprès du sultan pour qu’on respecte juifs et chrétiens, et milité pour l’abolition de l’esclavage au Maroc ? –, révolté par cette passion du jihad, mourra empoisonné par celle qui n’a pas supporté de découvrir qui était vraiment Ali Bey.

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