Suisse-Afrique : une Confédération helvétique tout sauf neutre

Si la Confédération helvétique continue de s’impliquer sur le continent, c’est aussi pour des raisons économiques et sécuritaires, comme le prouve sa stratégie de coopération internationale, développée pour 2021-2024.

José Condunga Pacheco, ministre des Affaires étrangères du Mozambique, et le conseiller fédéral suisse Ignazio Cassis, après la signature d’un accord de coopération internationale entre leurs deux pays, le 28 février 2018 à Berne. © EPA

José Condunga Pacheco, ministre des Affaires étrangères du Mozambique, et le conseiller fédéral suisse Ignazio Cassis, après la signature d’un accord de coopération internationale entre leurs deux pays, le 28 février 2018 à Berne. © EPA

OLIVIER-CASLIN_2024

Publié le 7 octobre 2019 Lecture : 4 minutes.

José Condunga Pacheco, ministre des Affaires étrangères du Mozambique, et le conseiller fédéral suisse Ignazio Cassis, après la signature d’un accord de coopération internationale entre leurs deux pays, le 28 février 2018 à Berne. © EPA
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Afrique-Suisse : une relation tout sauf neutre

Si la Confédération helvétique continue de s’impliquer sur le continent, c’est aussi pour des raisons économiques et sécuritaires, comme le prouve sa stratégie de coopération internationale, développée pour 2021-2024.

Sommaire

Bien sûr, la Suisse n’a pas de passé colonial en Afrique, comme se plaisent à le rappeler les officiels du gouvernement confédéral ou les représentants des différents cercles d’affaires helvétiques. Cela ne l’empêche pas d’avoir développé des relations très pragmatiques avec le continent, pas toujours empreintes de cette neutralité qu’on lui reconnaît traditionnellement hors de ses frontières.

Et quand la diplomatie suisse s’inscrit dans la continuité de l’œuvre des missionnaires, partis à la fin du XIXe siècle pour contribuer, à leur échelle, à la pénétration européenne en Afrique, c’est essentiellement au nom des intérêts économiques du pays, son rôle de « faiseuse de paix » ayant aussi pour but de nouer des relations fructueuses avec les élites du continent, notamment au lendemain des indépendances.

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Secret bancaire

Près de soixante ans plus tard, rien n’a vraiment changé à Berne, qui compte toujours parmi ses principaux partenaires l’Afrique du Sud et la RD Congo, comme un héritage de la guerre froide, quand ces deux pays farouchement anti­communistes assuraient l’approvisionnement des banques suisses en or et des négociants genevois en matières premières de toutes natures. Pourtant, lassée d’être montrée du doigt par la communauté internationale ou épinglée par les ONG, la Confédération a, ces dix dernières années, mis un peu d’ordre dans les pratiques de sa place financière et accepté d’amender le sacro-saint principe du secret bancaire qui avait assuré sa fortune.

Dans le même sens, elle a publié, à la fin de 2018, un guide des bonnes pratiques en matière de respect des droits humains dans le négoce des ressources naturelles. Une première pour un secteur à la réputation parfois sulfureuse, mais les effets de ce document risquent de se faire attendre, faute d’un cadre contraignant.

Agenda sur les politiques migratoires

Si la Suisse entend redorer son blason en mettant en place une nouvelle stratégie de coopération internationale, elle se soucie, évidemment, tout d’abord d’elle-même. Ce projet d’orientation 2021-2024 a été présenté au début de mai par les représentants du département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) et du département fédéral de l’Économie, de la Formation et de la Recherche (DEFR), venus défendre une approche qualifiée de « novatrice » par Ignazio Cassis, le conseiller fédéral aux Affaires étrangères, et qui porte « les intérêts suisses » au premier rang des priorités.

Bien que comptant parmi les mieux lotis de la planète, la Suisse n’envisage pas de consacrer plus de 0,45 % de son PNB à l’aide au développement

La préoccupation principale du pays étant actuellement d’ordre sécuritaire, cette redéfinition stratégique promeut l’emploi sur le continent, ainsi que la lutte contre les mouvements de population irréguliers et forcés. Mais les volets de co­opération internationale et d’aide au développement sont également appelés à mieux tenir compte de l’agenda helvétique sur les politiques migratoires.

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L’Afrique a encore de la chance. Elle aurait pu disparaître de la liste des bénéficiaires, comme l’Amérique latine, où la Confédération prévoit « un désengagement progressif d’ici à 2024 ». Dans le souci d’améliorer l’efficacité de son aide, Berne va également réduire la voilure, le nombre de pays prioritaires dans le monde classés par la Direction du développement et de la coopération [DCC] devant passer de 46 à 34. Bien que comptant parmi les mieux lotis de la planète, la Suisse n’envisage pas de consacrer plus de 0,45 % de son PNB à l’aide au développement, bien en deçà des 0,7 % fixés par l’ONU.

Berne ne compte pourtant pas se désengager d’un continent appelé « à tenir une place essentielle dans [sa] stratégie », comme le confirme Siri Walt, la nouvelle « Madame Afrique » du DFAE. Notamment au nom de son secteur privé, toujours plus impliqué sur le continent. Le potentiel économique africain figure d’ailleurs en bonne place dans le document dévoilé en mai.

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Lors de son premier voyage sur le continent, en janvier 2019, le conseiller Cassis a parlé d’accords économiques en Afrique du Sud, puis de coopération – notamment dans le domaine de la santé – au Zimbabwe, avant de s’envoler visiter une mine de cuivre détenue par Glencore dans le nord de la Zambie. Comme un résumé des priorités de la Suisse sur le continent.

Ce n’est plus négociable !

Pour ne plus voir ses compagnies de négoce en ressources naturelles dénoncées par les ONG, la Confédération a publié à la fin de 2018 un guide des bonnes pratiques en matière de droits humains destiné à l’ensemble du secteur. Premier document du genre, il a été défini avec les principaux concernés, les compagnies elles-mêmes, représentées pour l’occasion par la Swiss Trading and Shipping Association (STSA), et préparé avec l’Institute for Human Rights and Business (IHRB), basé à Londres.

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