Suisse-Afrique : comment Berne veut pousser les investisseurs helvètes à s’engager sur le continent
Alors que les entreprises helvétiques prennent peu à peu la mesure du potentiel africain, Berne joue sa partition en aidant les pays cibles à mettre en place des conditions propices au développement des affaires.
Afrique-Suisse : une relation tout sauf neutre
Si la Confédération helvétique continue de s’impliquer sur le continent, c’est aussi pour des raisons économiques et sécuritaires, comme le prouve sa stratégie de coopération internationale, développée pour 2021-2024.
En Suisse, comme dans de nombreux autres pays développés, le secteur privé suit de très près la situation économique de l’Afrique. « Il y a de très bonnes occasions à saisir sur le continent », commente un banquier genevois. En particulier pour des entreprises helvétiques, qui, en dehors des négociants en matières premières et des banquiers d’affaires, continuent dans leur très grande majorité de découvrir le continent et son immense potentiel.
Signe de cet intérêt grandissant ces quinze dernières années, la valeur des investissements directs étrangers (IDE) helvétiques a triplé sur le continent depuis 2000, même s’ils ne représentent toujours que 1,2 % des IDE suisses à travers le monde.
Les volumes commerciaux peinent davantage à décoller. « Nos échanges avec l’Afrique représentent moins de 2 % du total », constate Erwin Bollinger, ambassadeur, chargé justement des accords commerciaux au sein du Secrétariat d’État à l’économie (Seco). Beaucoup reste donc à faire pour que la Suisse et ses entreprises raffermissent leur partenariat économique avec le continent.
Tourisme et logistique
S’il « n’existe pas de véritable politique publique d’accompagnement du secteur privé à l’international », comme l’affirme Erwin Bollinger, Berne joue néanmoins sa partition en aidant les pays cibles à mettre en place les conditions-cadres propices au développement des affaires. « Ensuite, aux entreprises d’en profiter », reprend notre banquier genevois.
Concentré sur les pays à revenu intermédiaire, le Seco, qui dépend du ministère de l’Économie, se focalise sur le renforcement des institutions, la gestion des ressources publiques, et la négociation d’accords de libre-échange ou de protection des investissements destinés à faciliter l’implantation des sociétés suisses, comme cela est déjà le cas au niveau régional avec le Maghreb ou la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Le cadre légal et surtout les opportunités d’investissements sont aujourd’hui bien meilleurs que dans un passé récent
Cette politique a permis à la Confédération helvétique d’étendre sa couverture sur le continent, « et de pousser ses sociétés à s’engager hors des pays traditionnels », remarque Michael Rheinniger, membre de la direction du Swiss-African Business Circle (SABC). Si sept pays recevaient à eux seuls 80 % des IDE suisses en 2008, ils n’en concentrent plus que la moitié dix ans après.
Non seulement le secteur privé suisse multiplie les partenaires, mais aussi diversifie ses opérations. Longtemps concentré sur le primaire et le secondaire, il s’intéresse de plus en plus au tertiaire, les services en tout genre représentant plus d’un tiers des revenus générés par les exportations suisses en Afrique l’année dernière. Le tourisme et les différentes activités de transport et logistique connaissent les courbes de croissance les plus significatives, même si le domaine financier dans son ensemble pèse encore plus de 30 %.
En quête de la Licorne
Les fonds, privés comme publics, investissent en force sur le continent ces dernières années. « Les promesses suscitées par l’émergence d’une véritable classe moyenne africaine ne se sont pas réalisées, mais le cadre légal et surtout les opportunités d’investissements sont aujourd’hui bien meilleurs que dans un passé récent », explique Philip Walker, directeur Afrique d’Obviam, gestionnaire du fonds public Swiss Investment Fund for Emerging Markets (Sifem).
Merci aux « repats », qui, souvent passés, au cours de leur carrière par les meilleures institutions financières internationales, sont rentrés pour participer au développement de leur pays… « Et ont créé des fonds locaux très bien gérés, dans lesquels nous pouvons investir », confirme Philip Walker.
Suivant les standards internationaux, ces canaux de financement s’inscrivent dans le sens de l’Histoire, en se concentrant sur l’Afrique telle qu’elle devrait être demain. Ils investissent donc dans le développement du secteur privé local et régional, à commencer par les PME, dans les organismes de microcrédit, dans les énergies renouvelables et la protection de l’environnement, et « dans l’innovation, comme les fintechs », précise Yassine Oussaifi, directeur d’AfricInvest, qui lance actuellement son premier fonds spécialisé sur le continent.
« Tout ce qui est lié aux nouvelles technologies est très prometteur », confirme Philip Walker, qui, parmi les 190 compagnies bénéficiant aujourd’hui du soutien d’Obviam, espère bien trouver « la licorne africaine de demain ».
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