[Tribune] Le Nigeria, à la fois le problème et la solution pour la Cedeao

Leader naturel de la Cedeao, le Nigeria, locomotive économique et géant démographique n’assume cependant pas les responsabilités que lui confèrent sa puissance et sa taille.

Muhammadu Buhari © Cliff Owen/AP/SIPA

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Publié le 9 octobre 2019 Lecture : 3 minutes.

Photo de famille des chefs d’État et de gouvernement lors du sommet extraordinaire de la Cedeao sur la sécurité, le 14 septembre, à Ouagadougou. © Anne Mimault/REUTERS
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Cedeao : vous avez dit communauté ?

Après avoir instauré la libre circulation des biens et des personnes, en 1995, puis un tarif douanier commun, en 2015, l’organisation ouest africaine entend mettre en circulation une monnaie unique dès 2020. L’intégration régionale progresse, même si c’est à pas comptés.

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Géopolitique, économie, démographie, puissance militaire : tout désigne le Nigeria comme le leader naturel de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont il est l’un de ses deux ou trois inspirateurs. C’est d’ailleurs dans sa capitale, Abuja, que se trouve le siège de l’institution. Géant économique, le pays contribue à environ 70 % du produit intérieur brut (PIB) de la Communauté.

Il en est le seul exportateur net de pétrole, les quatorze autres membres ne se suffisant pas à eux-mêmes en matière d’or noir. Côté secteur privé, le dynamisme de ses entrepreneurs a peu d’équivalents dans le monde patronal d’Afrique de l’Ouest. Enfin, ses quelque 200 millions d’habitants en font le premier marché africain.

L’intégration africaine ne peut pas se faire sans le Nigeria, mais elle ne peut pas se faire non plus à cause du Nigeria

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Malheureusement, le Nigeria n’assume pas les responsabilités que lui confèrent sa puissance et sa taille. Il est fréquent d’entendre, notamment chez certains responsables de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), la réflexion suivante – qui en dit long sur l’isolationnisme nigérian : « L’intégration africaine ne peut pas se faire sans le Nigeria, mais elle ne peut pas se faire non plus à cause du Nigeria. »

Tour d’ivoire

Pourquoi ? Est-ce parce que le géant anglophone se méfie de la mentalité mollement panafricaine de ses voisins francophones qui, par exemple, ne se sont pas battus comme lui contre le régime d’apartheid sud-africain ? Est-ce parce qu’il est un membre important du Commonwealth ? Ou parce qu’il veut imposer son propre modèle ? Toujours est-il qu’il se calfeutre et a tendance à s’enfermer dans sa tour d’ivoire.

Le Nigeria a traîné les pieds pour adhérer à la Zone de libre-échange continentale (Zlec). Il est défavorable à la demande d’adhésion du Maroc à la Cedeao. Il applique mollement le tarif extérieur commun (TEC) et n’hésite pas à taxer certaines importations en provenance de ses partenaires dès qu’il estime que sa souveraineté, son agriculture ou ses entreprises sont menacées.

À la fin d’août, il a ainsi bloqué les importations de riz et de poulets en provenance du Bénin. Les déclarations récentes du président Muhammadu Buhari prônant l’autosuffisance alimentaire de son pays ne laissent pas augurer de grandes perspectives pour les agriculteurs togolais ou les éleveurs nigériens.

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Les citadelles n’excellent pas dans le commerce

En tant que premier contributeur au budget de la Cedeao, Abuja a par ailleurs tenté de monopoliser les postes au sein de la Commission de l’institution, suscitant la colère des autres États et ralentissant le travail commun. À l’évidence, les Nigérians n’ont pas la fibre communautaire très développée, même à l’égard des anglophones, parmi lesquels les Ghanéens.

Et pourtant… S’il jouait le jeu de l’ouverture, le pays pourrait être un formidable moteur du développement régional dont il profiterait par ricochet. Son économie est l’une des plus diversifiées du continent en raison de sa taille. S’il acceptait d’importer un peu plus de riz ou de sorgho de ses voisins, il pourrait, à son tour, leur vendre plus de produits de sa jeune industrie et de services de ses banques. S’il facilitait et sécurisait le transit des marchandises à travers son territoire, le port de Lagos ne risquerait plus d’être délaissé au profit de celui de Cotonou.

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Une plus grande ouverture de sa part ne manquerait pas d’entraîner une détente chez ses partenaires, ainsi que l’enclenchement du cercle vertueux des échanges communautaires qu’il dit promouvoir et qui repose sur la confiance et le respect mutuel. Les citadelles n’excellent pas dans le commerce.

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