Interconnexion : la Cedeao en marche vers un vrai marché régional de l’électricité
À partir de 2020, quatorze des quinze pays membres de la Communauté seront interconnectés, préfigurant un vrai marché régional de l’électricité… À laquelle tous les citoyens devraient enfin avoir accès, qui plus est à un prix abordable.
Cedeao : vous avez dit communauté ?
Après avoir instauré la libre circulation des biens et des personnes, en 1995, puis un tarif douanier commun, en 2015, l’organisation ouest africaine entend mettre en circulation une monnaie unique dès 2020. L’intégration régionale progresse, même si c’est à pas comptés.
Lentement mais sûrement, le projet d’interconnexion des réseaux électriques des pays de la Cedeao progresse. À partir de 2020, quatorze des quinze pays de la Cedeao seront interconnectés, contre neuf aujourd’hui. Seul l’insulaire Cap-Vert ne sera pas raccordé à ses voisins du continent.
Pour piloter l’intégration des réseaux d’énergie nationaux dans un marché régional unifié de l’électricité, la Cedeao a créé, dès décembre 1999, le Système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA) – plus connu sous son acronyme anglophone WAPP, pour West African Power Pool –, une institution dont le siège est installé à Cotonou, au Bénin, et qui s’attelle désormais à mettre en place un marché régional de l’électricité.
60% d’habitants sans électricité
L’objectif du WAPP est d’assurer aux populations et aux entreprises des pays membres un approvisionnement égalitaire et fiable en électricité, à un coût compétitif, d’ici à quinze ans. Et il reste fort à faire pour y parvenir. En effet, selon les dernières données statistiques de la Cedeao (publiées à la fin de 2016), près de 60 % des 375 millions d’habitants de la Communauté – et 77 % de sa population rurale – n’ont pas accès à l’électricité.
N’est satisfaite que 45 % de la demande en énergie, laquelle devrait augmenter en moyenne de plus de 8 % par an d’ici à 2030. Autant d’indicateurs qui expliquent que la sous-région enregistre le plus faible taux de consommation par habitant au monde, soit 150 kilowattheures (kWh) par jour.
Pour rattraper ce retard, un nouveau plan directeur de production et de transport de l’électricité a été adopté, en février dernier, pour la période 2019-2033, qui réajuste et renforce le plan précédent (2012-2025), grâce à une étude d’actualisation financée par l’Union européenne à hauteur de 1,6 million d’euros. Il identifie 75 projets communautaires prioritaires, pour un investissement de 36,4 milliards de dollars (32,9 milliards d’euros).
Entre 2011 et 2017 la Côte d’Ivoire a consacré dix milliards d’euros au renforcement de son parc énergétique
Au programme : 47 sites de production, totalisant une puissance installée de plus de 15 500 mégawatts (MW, soit 15,5 GW) – dont 10 700 MW issus des énergies renouvelables – et 28 lignes de transport, représentant environ 22 000 km de lignes à haute tension. L’ensemble de ces chantiers est financé par les sociétés nationales d’électricité, avec l’appui des institutions financières régionales et de la Banque africaine de développement (BAD), via son programme « Éclairer l’Afrique », ainsi que par des bailleurs internationaux tels que la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque islamique de développement (BID).
Énorme potentiel guinéen
Plusieurs pays se sont engagés à poursuivre leurs efforts afin d’accroître la production et d’accélérer le rythme de réalisation des chantiers intrarégionaux, parmi lesquels le Burkina Faso, le Bénin et, en particulier, la Côte d’Ivoire. Cette dernière a en effet investi 7 000 milliards de F CFA (plus de 10 milliards d’euros) entre 2011 et 2017 pour le renforcement de son parc énergétique et est devenue l’un des leaders de la sous-région en matière de production et de transport d’énergie : sa puissance installée est passée de 1 391 MW en 2011 à 2 199 MW en 2017 et devrait atteindre 4 000 MW en 2020 puis 6 000 MW en 2030.
Le pays a achevé son interconnexion avec ses voisins du Burkina, du Mali, du Ghana, du Togo et du Bénin, vers lesquels elle a plus que doublé ses exportations. « La Côte d’Ivoire continuera de tenir ses engagements dans la Communauté sur les aspects énergétiques. Nous allons renforcer nos capacités et développer encore plus de projets », souligne Amidou Traoré, le directeur général de Côte d’Ivoire énergies (CI-énergies), l’entreprise publique chargée de la gestion du secteur.
Si les liaisons intrarégionales ont jusqu’à présent surtout été développées entre les membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), les chantiers se sont cependant multipliés dans l’ensemble de la Communauté. Ainsi, en octobre 2018, une interconnexion majeure de près de 200 km de ligne à haute tension a été inaugurée entre Ouagadougou, au Burkina, et Bolgatanga, au Ghana, pour un montant de 55,6 milliards de F CFA (près de 84,8 millions d’euros).
Parmi les autres chantiers urgents du plan 2019-2033, citons aussi le projet d’interconnexion du Nigeria avec le Niger, le Bénin et le Burkina, ainsi que celui du réseau ivoirien avec le Liberia, la Sierra Leone et la Guinée, qui prévoit la construction et l’exploitation d’une ligne à haute tension de 1 300 km de long, pour un coût estimé de 450 millions de dollars.
La Guinée (qui dispose d’un potentiel de production hydroélectrique estimé à 7 000 MW, dont elle n’exploite que 5 %), a, quant à elle, augmenté sa production d’électricité de 13 % entre 2011 et 2018 et a engagé plusieurs grands projets qui, même s’ils sont motivés par le développement des très énergivores mines de bauxite, devraient permettre d’alimenter ses voisins : le complexe hydroélectrique de Kaléta (240 MW) est opérationnel depuis 2015, celui de Souapiti (450 MW) doit être mis en service début 2020 et celui d’Amaria (300 MW) début 2022.
Par ailleurs, à plus de 500 km au nord de Conakry, le chinois Sinohydro va commencer les travaux du barrage de Koukoutamba (294 MW), un chantier d’une durée de quatre ans et financé à hauteur de 812 millions de dollars par l’EximBank de Chine, pour le compte de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS), qui réunit le Mali, la Mauritanie, le Sénégal et la Guinée.
De son côté, l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG – Sénégal, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau) progresse sur les deux volets de son projet d’interconnexion : la construction du complexe hydroélectrique Sambangalou (128 MW), dans la région de Kédougou, au Sénégal, et celle d’une ligne à haute tension sur près de 1 700 km pour relier les réseaux des quatre pays membres de l’organisation, pour un investissement global estimé à 784 millions de dollars.
Méga WAPP
Le marché régional de l’électricité de la Cedeo a été officiellement lancé le 29 juin 2018 à Cotonou, la capitale économique béninoise, où siège le Système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA), alias West African Power Pool (WAPP). La mise en place de ce marché unifié est indispensable pour résoudre le problème de la répartition des ressources énergétiques entre les pays – qui est encore inégale – et pour combler le fossé entre l’offre et la demande d’électricité. Pour y parvenir, deux entités ont été créées : le Centre d’information et de coordination (CIC) du WAPP et, surtout, l’Autorité de régulation régionale de l’électricité de la Cedeao (Arrec), installés à Abomey-Calavy (à 20 km de Cotonou), où les locaux du marché régional de l’électricité sont en cours de construction.
Pour l’instant, les équipes du WAPP travaillent à harmoniser les nombreux contrats bilatéraux. L’autre priorité de l’institution est de réduire les écarts de coûts de production entre les différents pays. Quant aux entreprises nationales du secteur, dont plusieurs sont confrontées à de graves difficultés, elles sont invitées à mettre rapidement de l’ordre dans leur situation financière et leur mode de gestion.
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