Comment le Maroc veut rebooster le tourisme dans la station balnéaire de Saïdia

Pour combler son retard sur ses rivales espagnoles, la première station balnéaire marocaine du plan Azur s’attache à réduire l’effet de la saisonnalité.

Vue de la plage de Saidia. © Hassan Ouazzani pour Jeune Afrique

Vue de la plage de Saidia. © Hassan Ouazzani pour Jeune Afrique

fahhd iraqi

Publié le 17 octobre 2019 Lecture : 5 minutes.

Quatorze hectares sur front de mer, quatre piscines, un golf de 18 trous, 1 200 chambres sur deux pavillons… Bienvenue à Oasis Saïdia Palace. Le plus grand et le doyen des établissements hôteliers de Saïdia Mediterania incarne l’histoire mouvementée de cette première station balnéaire du plan Azur, située dans la province de Berkane (région de l’Oriental), près de la frontière algérienne.

Si cette cité n’est sortie de terre qu’en 2009, son développement avait démarré dès 2002 avec l’espagnol Martinsa-Fadesa, avant d’être poursuivi en 2011 par le groupe marocain Addoha, qui a fini par passer le relais à la Caisse de dépôt et de gestion (CDG).

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Oasis Saïdia Palace avait lui aussi connu une première vie, sous l’enseigne Barcelo, avant d’être repris par Atlas Hospitality, qui l’a fermé en septembre 2013.

Prolonger la saison

Cette saison, donc, l’établissement a rouvert ses portes avec un nouveau nom, de nouveaux propriétaires, de nouveaux gestionnaires et de nouvelles ambitions. Le groupe portugais Oásis-Atlântico et l’opérateur marocain Major Travel Services ont investi 66 millions de dirhams (6,2 millions d’euros) dans la rénovation de l’hôtel, qu’ils espèrent désormais exploiter tout le long de l’année.

Nous voulons atténuer l’effet de la saisonnalité de la station

« Nous voulons atténuer l’effet de la saisonnalité de la station, précise Rachid Dahmaz, président de Major Travel Services. Nous comptions garder l’un des pavillons de l’hôtel ouvert toute l’année, mais nous avons dû repousser cet objectif à la saison prochaine, car nous ne sommes malheureusement pas tout à fait prêts. » Une chose est néanmoins certaine, l’hôtel devrait continuer d’accueillir des clients jusqu’à la fin d’octobre. Des golfeurs sont attendus pour l’un des principaux tournois de la station.

C’est que la Société de développement Saïdia (SDS), la filiale de la CDG, chargée de l’aménagement, compte placer la station sur la carte des destinations golfiques internationales. Un deuxième parcours de 18 trous a d’ailleurs ouvert ses portes au mois d’avril pour renforcer l’attractivité de la destination. « Avec deux golfs, nous espérons désormais pouvoir attirer des golfeurs internationaux dans le courant de l’année, ce qui s’avérait compliqué avec un seul green », affirment les responsables de SDS.

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Développer l’arrière-pays

À Saïdia, toutes les actions sont bonnes pour prolonger la saison. « D’année en année, nous essayons de rectifier le tir et de capitaliser sur notre expérience. À l’ouverture de Saïdia Mediterania, la saison n’excédait pas trois mois, alors qu’actuellement les opérateurs redoublent d’efforts pour l’étaler jusqu’à huit mois », déclare Amine Abdellaoui, délégué régional du ministère du Tourisme, ravi de voir Saïdia connaître une affluence croissante.

Les taux d’occupation ont dépassé les 90 % dans la plupart des six hôtels de la station durant le mois d’août. De quoi satisfaire Ibrahim Lemnouar, directeur commercial de Be Live Resorts, qui reste conscient des difficultés structurelles pour un établissement saisonnier. « Chaque printemps, c’est la même histoire : il faut recruter et former du personnel pour satisfaire les besoins de milliers de vacanciers qui arrivent entre juillet et août », nous explique-t-il.

Il faut passer à la vitesse supérieure et accélérer la mise à niveau des villages qui entourent la station

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Pour lui comme pour nombre de responsables, sortir Saïdia de sa saisonnalité passe par un développement intégré de toute la région. « Aujourd’hui, Saïdia est une destination exclusivement balnéaire. Elle devrait néanmoins servir de locomotive pour son arrière-pays, estime Youssef Zaki, président du Conseil régional du tourisme. Il faut passer à la vitesse supérieure et accélérer la mise à niveau des villages qui entourent la station. Ce type de grand projet a besoin d’une multitude de petits projets pour vivre le long de l’année ». Car, au-delà de sa plage qui s’étend sur 14 km de sable fin (la plus longue de la Méditerranée marocaine), la région regorge de sites somptueux : grottes, palmeraies, gorges, désert et montagne sont à quelques heures de route seulement.

Capter une partie des visiteurs séjournant à Marrakech

En plus de l’effort à mener dans l’arrière-pays, la station a également besoin d’un sacré coup de pouce pour devenir plus séduisante encore. L’année dernière, un parc aquatique de 7 ha a été inauguré et connaît un important succès en haute saison. « C’est un record ! En un jour, nous avons enregistré plus de 1 700 visiteurs, nous confie la responsable du parc. Et dans le courant d’août, nous avons réalisé plusieurs journées à plus de 1 300 personnes. »

Pour certains opérateurs, cependant, il faut diversifier les investissements au-delà de ce genre de projets saisonniers. D’aucuns espèrent voir sortir de terre un palais des congrès pour capter une partie du tourisme de l’événementiel, aujourd’hui essentiellement concentré dans la ville de Marrakech. D’autres voient dans la construction d’un centre d’entraînement par la Fédération royale marocaine de football (en cours de finition) un moyen de développer le tourisme sportif. Certains, encore, demandent une franchise fiscale pour le centre commercial de la station afin de séduire des touristes nationaux.

Dans le courant de l’année, on vivote grâce aux cadres venus de Berkane ou d’Oujda

Il faut dire que le Medina Mall de Saïdia est tombé en désuétude. Quasiment déserté aujourd’hui, avec une poignée de commerces ouverts en journée, ce n’est qu’à la nuit tombée qu’il retrouve un peu de vie grâce à ses restaurants et aux clubs de la marina. « Dans le courant de l’année, on vivote grâce aux cadres venus de Berkane ou d’Oujda, nous confie Jamal Belouchi, l’un des plus anciens restaurateurs de la ville. Heureusement qu’en haute saison les autorités se montrent compréhensives et consentent que nous prolongions les heures de fermeture. Cela nous permet de compenser le fait de tourner quasiment à perte au cours de l’année ».

Investir pour rattraper les stations rivales en Espagne

Ce centre commercial, la SDS entend complètement le restructurer. Une nouvelle zone mixte constituée d’habitations et de commerces y est prévue. En effet, la SDS a déjà investi 6,2 milliards de dirhams dans le projet et compte augmenter substantiellement la capacité litière de la station. Un nouveau complexe résidentiel de 768 lits est en cours d’achèvement pour être confié en gestion à Meliá, qui exploite les deux établissements dont les murs sont la propriété de la SDS.

Presque tous les établissements de Saïdia sont d’ailleurs sous gestion espagnole, en dépit du fait que ce bijou de la Méditerranée ne connaisse pas le même succès que les stations situées de l’autre côté de la rive. La preuve est que la marina affiche un taux d’occupation de moins de 20 %, malgré des tarifs particulièrement concurrentiels.

Si ce n’est pas demain que Saïdia volera la vedette aux marinas de la Costa del Sol, la station marocaine, en se parant de ses plus beaux atours, met néanmoins toutes les chances de son côté pour commencer à espérer rivaliser.

Saïdia en chiffres

• 5 hôtels

• 4 200 lits

• 1 marina

• 850 anneaux d’amarrage

• 6,2 milliards de dirhams d’investissements

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