Incertaine, l’Algérie envisage d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels
Sonatrach, la compagnie nationale algérienne, accélère l’évaluation de ses productions d’hydrocarbures de roche-mère. Mais elle devra jongler entre rentabilité et écologie.
Pétrole et gaz : un renouveau africain ?
Les découvertes d’hydrocarbures en Afrique rebattent les cartes, entre producteurs historiques et nouveaux acteurs. Du pétrole dans les eaux sénégalo-mauritaniennes au gaz dans les sous-sols nigérian et même marocain, en passant par les gisements d’hydrocarbures non conventionnels en Algérie, c’est tout le secteur qui change de physionomie.
L’Algérie va-t-elle rejoindre l’Argentine, qui s’est lancée dans la production d’hydrocarbures de roche-mère, en 2016, après les États-Unis, le Canada et la Chine ?
Le pays multiplie en tout cas les partenariats pour explorer ses réserves de gaz naturel et de pétrole non conventionnels – appelés abusivement hydrocarbures de schiste.
En octobre 2018, la compagnie publique Sonatrach s’est engagée avec BP et Equinor (ex-Statoil) dans les bassins du Sud-Ouest algérien, sur la base d’études réalisées en 2013 par les deux premières sociétés. Le même type de partenariat avait été signé dès 2011 avec Eni. En septembre 2019, c’est avec Chevron et Exxon qu’elle a repris des discussions impliquant le non-conventionnel.
Une loi sur les hydrocarbures favorable aux investissements étrangers
En dix ans, l’Algérie a vu sa production diminuer de 431 000 barils par jour, soit 23 % de ce qu’elle produisait en 2008 – en raison d’erreurs techniques et de sous-investissements. Affecté par un scandale international de corruption en 2010 – avec l’italien Saipem –, le groupe public s’est depuis attaché à rétablir la confiance et à régler des conflits avec les groupes internationaux, alors que la révision de la loi sur les hydrocarbures, en cours d’adoption, sera plus favorable aux investissements étrangers.
Nous sommes performants pour forer, mais nous avons besoin de nos partenaires étrangers pour l’exploitation, dont le coût est exorbitant
Le décollage du non-conventionnel est présenté comme indispensable pour redresser la production et permettre de répondre à la demande locale pour l’électrification. « Pour l’instant, l’Algérie a procédé à des activités d’exploration et d’évaluation dans le bassin de l’Ahnet (Grand Sud). Sonatrach est satisfaite car les études sont positives, indique un ingénieur géologue. Nous sommes performants pour forer, mais nous avons besoin de nos partenaires étrangers pour l’exploitation, dont le coût est exorbitant. Plusieurs Algériens, des géologues et des ingénieurs réservoirs, ont déjà été envoyés aux États-Unis et en Italie pour se former », précise-t-il.
Quels risques environnementaux ?
Le gaz et le pétrole piégés dans la roche-mère sont atteints au moyen de forages verticaux, puis horizontaux, avant d’être extraits grâce à de la fracturation hydraulique. Les risques environnementaux avaient fait sortir des milliers d’habitants d’In Salah dans les rues en 2015. En 2018, le PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, et le ministre de l’Énergie, Mustapha Guitouni, remplacés depuis, ont indiqué vouloir prendre leur temps afin de préserver l’environnement mais aussi d’évaluer la faisabilité économique d’une exploitation.
Dans le non-conventionnel, on fore un nombre important de puits, en essaim, pour récupérer le maximum d’hydrocarbures
Dans le désert, la production est contrariée par l’éloignement des gisements, le manque de pipelines pour l’acheminement du gaz ou encore la disponibilité de l’eau. De retour d’une visite des gisements aux États-Unis, Moustapha Guitouni avait dit vouloir convaincre les Algériens que le non-conventionnel était « une industrie propre ». Dans le même temps, plusieurs spécialistes interviennent dans les médias pour rappeler que l’Algérie utilise la fracturation depuis des décennies dans le conventionnel. « C’est vrai, mais on n’y fracture pas de manière systématique, souligne notre géologue de Sonatrach. Dans le non-conventionnel, on fore un nombre important de puits, en essaim, pour récupérer le maximum d’hydrocarbures. »
Ce qui pourrait polluer la nappe phréatique de manière irréversible, mais aussi déclencher des mini-séismes, comme cela est arrivé au Canada ou aux États-Unis. « On peut faire de la surveillance pour détecter la microsismicité, mais la nature est imprévisible », prévient encore le même spécialiste, sceptique.
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