Mauritanie : Mohamed Ould Noueigued veut encore croire au secteur privé
Le patron du groupe AON et PDG de la Banque nationale de Mauritanie reconnaît que l’économie va mal. Il voit tout de même quelques motifs d’espoir.
Mauritanie : un changement dans la continuité ?
L’investiture du nouveau chef de l’État, Mohamed Ould Ghazouani, le 1er août, a été l’occasion de la première passation de pouvoir entre un président et son successeur tous deux élus. Une évolution qui ne s’accompagnera pas nécessairement d’un renouveau, et en tout cas certainement pas d’une rupture.
À 55 ans, Mohamed Ould Noueigued est à la tête de l’une des entreprises familiales les plus puissantes du pays, le groupe Abdallahi Ould Noueigued (AON, du nom de son père), présente dans le BTP, la pêche, l’agroalimentaire, les hydrocarbures et la banque. Il est surtout le PDG de la Banque nationale de Mauritanie (BNM), qui a notamment investi 80 millions de dollars dans l’aéroport international de Nouakchott-Oumtounsy, inauguré en 2016.
Proche de l’ex-président Maaouiya Ould Taya, il a connu la prison quand Mohamed Ould Abdelaziz s’est emparé du pouvoir, en 2008. Mais, à la différence d’un autre homme d’affaires, Mohamed Ould Bouamatou, il ne s’est jamais opposé à l’exécutif, préférant les joies de l’entreprise aux intrigues politiques. En février, il est apparu en compagnie de l’ancien président français François Hollande, qu’il avait invité à Atar, dans l’Adrar, son fief, avec son ancien ministre de l’Économie Michel Sapin.
Le constat que fait ce grand patron de la situation économique n’est pas rose. « La pauvreté gagne du terrain. La santé est à terre. L’éducation aussi, comme le prouvent les 8 % de taux de réussite au baccalauréat cette année, déplore-t-il. De nombreuses entreprises publiques sont en quasi-faillite, notamment la Snim, pour laquelle les coûts d’extraction du minerai de fer s’élèvent à 40 dollars la tonne, contre 18 dollars au Brésil. Et le poisson pourrit dans les frigos à cause du manque d’électricité et du monopole de la Société mauritanienne pour le commercialiser. »
Il n’y a plus d’entreprises mauritaniennes dans le BTP, mais des sociétés internationales
Le secteur privé pourrait-il aider à surmonter ces difficultés ? « Il est malade ! rétorque le banquier. Les investisseurs, domestiques comme étrangers, hésitent à s’engager, parce que les règles élémentaires ne sont pas respectées. Certains importateurs s’acquittent des droits de douane, d’autres pas. Il n’y a plus d’entreprises mauritaniennes dans le BTP, mais des sociétés internationales. »
« Ça va changer ! »
Le patron de la BNM voudrait que son pays prenne enfin le chemin du développement. « Mais, pour cela, il ne faut pas qu’il y ait deux Mauritanie, avec d’un côté 10 % de riches, éduqués dans le privé, et de l’autre 90 % d’analphabètes. L’école de la République doit mettre fin à la fracture sociale. Et nous sommes prêts à mettre de l’argent pour qu’elle soit le creuset de la nation », insiste Mohamed Ould Noueigued.
Nous avons l’énorme espoir qu’une bonne gestion permette une meilleure répartition des richesses
Selon lui, l’arrivée d’un nouveau président rebat les cartes. « Ça va changer ! s’exclame-t-il. Je pense que Mohamed Ould Ghazouani ne se mêlera pas de tout et déléguera à ses ministres le soin de décider. Ils ne seront plus de simples chargés d’affaires. L’entreprise publique ne concurrencera plus l’entreprise privée dans des domaines où elle n’est pas compétente, et toutes deux devraient travailler en bonne intelligence dans le cadre de partenariats public-privé. Nous avons l’énorme espoir qu’une bonne gestion permette une meilleure répartition des richesses et que la confiance libérera enfin les énergies pour sortir la Mauritanie du sous-développement. »
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