La banque panafricaine Afreximbank déploie ses ambitions en Afrique du Nord

La banque panafricaine d’import-export multiplie les dotations et les négociations dans la région, de l’Algérie à la Libye en passant par la Tunisie.

Vue du siège d’Afreximbank au Caire. © DR

Vue du siège d’Afreximbank au Caire. © DR

Publié le 12 décembre 2019 Lecture : 4 minutes.

Avec l’ouverture d’un nouveau bureau régional à Tunis, l’African Export-Import Bank (Afreximbank) affiche son ambition d’augmenter ses engagements en Afrique du Nord pour contribuer au développement des échanges économiques de la région avec le reste du continent. L’élargissement en cours de l’actionnariat devrait également permettre d’étendre les activités de la banque à ces pays.

C’est une petite révolution pour l’établissement bancaire. Car, bien que basée au Caire et ayant fréquemment investi en Égypte et au Soudan depuis sa fondation, en 1993, l’institution financière multilatérale a surtout porté son attention sur d’autres marchés du continent.

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La banque, dont l’actionnariat est composé d’investisseurs privés autant que de gouvernements africains, perçoit désormais l’importance d’appuyer les flux commerciaux entre l’Afrique du Nord dans sa totalité et l’Afrique subsaharienne.

Les 200 premières banques africaines

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Hausse des engagements

  L’histoire coloniale de l’Afrique a balkanisé le continent

« Pourquoi les échanges commerciaux entre pays africains ne représentent-ils que 170 milliards de dollars ? Selon nous, la solution se situe dans le partage d’informations commerciales. L’histoire coloniale de l’Afrique a balkanisé le continent. Une personne en Égypte ne sait pas qu’une personne en Guinée a besoin des produits pharmaceutiques qu’elle fabrique », a ainsi déclaré l’an passé Benedict Oramah, président de la banque depuis septembre 2015.

Benedict Oramah, président d'Afreximbank © Flickr Afreximbank

Benedict Oramah, président d'Afreximbank © Flickr Afreximbank

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Non seulement la banque organise des conférences réunissant différents acteurs du continent, mais elle s’attelle de plus en plus à financer elle-même des projets liant l’Afrique du Nord au reste de l’Afrique. L’Afrique du Nord représente désormais 27,6 % de ses engagements cumulés, contre seulement 5 % en 2015, derrière l’Afrique de l’Ouest (45 %), la région dans laquelle l’établissement est le plus actif, nous détaille Amr Kamel, vice-président exécutif chargé du développement commercial et des services aux entreprises au sein de la banque.

Les déboursements de l’établissement dans la zone septentrionale entre 2015 et la fin du mois de juin 2019 étaient de 14 milliards de dollars.

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Cette avancée accompagne un mouvement d’ensemble qui voit l’Afrique du Nord développer ses liens commerciaux avec d’autres pays du continent. Selon les estimations de la direction, ces échanges ont en effet bondi de 4,8 milliards de dollars en 2010 à 13 milliards en 2018.

Manque d’informations

Mais ces chiffres, bien qu’en hausse, restent en deçà du potentiel commercial des six économies de la zone, qui s’étend du Maroc au Soudan, selon Afreximbank. Parmi les contraintes qui pèsent encore sur le développement de ces flux commerciaux, Amr Kamel cite la faiblesse des infrastructures de transports, et notamment l’insuffisante fréquence des lignes maritimes et l’étendue limitée du réseau ferroviaire.

Le manque d’informations dont disposent les importateurs, dû à certaines déficiences de prospection et de marketing de la part d’exportateurs régionaux, constitue également un frein aux échanges, avance-t-il. L’établissement estime d’ailleurs que, parmi toutes les régions du continent, l’Afrique du Nord est celle où « les échanges entre pays sont le plus faibles ».

C’est en tout cas l’Égypte qui capte actuellement la plus grande part des financements de la banque en Afrique du Nord. Le pays, qui compte parmi les 51 États qui soutiennent le travail d’Afreximbank ou en possèdent des parts, siège au conseil d’administration de la banque multilatérale.

Les engagements cumulés de la banque au Pays des pharaons atteignaient plus de 5 milliards de dollars en septembre 2017. Parmi les crédits les plus importants auxquels la banque a participé ces dernières années, on dénombre un financement à court terme de 200 millions de dollars en deux tranches accordé à Telecom Egypt en 2018.

Crédits et dotations

En Tunisie, Afreximbank n’a procédé à sa première transaction de financement qu’en 2017, lorsqu’elle a accordé un crédit de 50 millions d’euros au conglomérat privé Loukil. Et, en juin 2019, l’établissement a signé une convention avec la banque centrale du pays pour pouvoir déployer une dotation de 500 millions de dollars ciblant « la promotion et le développement du commerce et des investissements entre la Tunisie et le reste de l’Afrique ». Un programme similaire existe avec l’Égypte depuis 2015.

Amr Kamel - Afreximbank © DR

Amr Kamel - Afreximbank © DR

Très peu de sociétés dans la région ont du mal à honorer leurs engagements

Une collaboration a aussi été nouée avec sa consœur, la Banque maghrébine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE). Et au Maroc, dont les échanges avec le reste de l’Afrique étaient estimés par la banque à 3,3 milliards de dollars en 2017, Afreximbank compte accompagner le plus grand producteur de phosphates du continent, le groupe OCP, dans son expansion africaine, notamment en Côte d’Ivoire et au Nigeria.

Très peu de sociétés dans la région ont du mal à honorer leurs engagements

Alors que la banque n’a jamais octroyé de crédits ni en Algérie ni en Libye, elle pourrait bientôt commencer à financer des projets dans ces deux pays : des discussions ont été ouvertes avec leurs autorités dans le but de les faire devenir membres de l’établissement. La Libye devrait rejoindre le tour de table au plus tard au premier trimestre 2020, les négociations étant déjà à un stade avancé, nous confie Amr Kamel. Quant à l’Algérie, elle pourrait devenir membre l’année prochaine, au plus tôt.

Selon Amr Kamel, le bilan de ces nouvelles interventions de la banque à travers le Maghreb est en tout cas largement positif. « Très peu de sociétés dans la région ont du mal à honorer leurs engagements », assure-t-il. Afreximbank ne risque donc pas de la quitter de sitôt.

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