Côte d’Ivoire : un système de santé en voie de guérison ?

Face à un manque chronique de moyens, le service public de santé ivoirien est loin de répondre aux besoins de la population. Les projets du gouvernement de créer un couverture médicale universelle et de donner plus d’autonomie aux établissements, avec en ligne de mire une plus grande participation du privé, parviendront-ils à changer la donne ? .

Un projet de couverture maladie universelle est en phase de test. Ici, à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP

Un projet de couverture maladie universelle est en phase de test. Ici, à Abidjan. © ISSOUF SANOGO/AFP

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Publié le 4 novembre 2019 Lecture : 3 minutes.

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C’est la fin du mois de décembre à Abidjan. Isidore* rentre tout juste d’une longue journée de travail quand il reçoit un appel alarmant de son père. Souffrant depuis plusieurs semaines, « le vieux » a fait un malaise. Il se plaint de douleurs aux pieds et à la hanche. Direction les urgences de l’hôpital général de Koumassi, sa commune de résidence, où il est pris en charge après une heure d’attente.

Les limites du service public se font rapidement sentir. L’hôpital ne disposant pas du matériel adéquat, le malade doit se rendre dans une clinique privée pour réaliser une radio. Le lendemain matin, la situation ne s’étant pas améliorée, Isidore décide de le conduire dans un autre établissement privé. Le service est de meilleure qualité mais la facture salée. « On m’a proposé de le prendre en charge pendant dix jours pour 1,2 million de F CFA (1 800 euros). C’est tellement élevé que j’ai renoncé », raconte-t-il.

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Parcours du combattant

En dernier recours, Isidore se résout à entrer dans le tout nouveau CHU d’Angré. « J’étais réticent au départ car je n’avais eu que des échos négatifs à propos de ce genre d’établissement. Finalement, j’ai été agréablement surpris par la qualité du service. J’ai pris un rendez-vous sur internet, et un aide-soignant est venu installer mon père dans un fauteuil roulant dès notre arrivée », raconte-t-il.

Au total, le processus de soin aura duré dix jours et coûté 250 000 F CFA, sans compter les médicaments, pour une simple arthrose

Seul bémol : l’attente. Malgré un rendez-vous fixé à 8 heures 30, son père ne sera reçu qu’à 13 heures par le seul rhumatologue du service. Le parcours du combattant prendra fin à 16 heures. Au total, il aura duré dix jours et coûté 250 000 F CFA, sans compter les médicaments. Pour une simple arthrose. « Mon père n’a pas d’assurance, donc j’ai tout réglé de ma poche. Mais comment font les familles qui n’ont pas les moyens ? » s’interroge-t-il.

Pour remédier à cette situation, les autorités veulent lancer une couverture médicale universelle. En échange d’une contribution de 1 000 F CFA par mois, ce dispositif donnera accès à un certain nombre de soins, dont 70 % seront pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie. En phase de test, ce projet « est encore loin d’être une réalité », estime Jean*, interne au CHU de Cocody. « Et les services sont déjà surchargés. Qu’est-ce que ça sera quand les consultations seront gratuites ? »

Attablé à la terrasse d’un café, il dénonce les insuffisances d’un système de santé qui met constamment les familles à contribution et les difficultés d’une profession « pas suffisamment valorisée et soutenue par l’État ».

Si une personne vient pour un pied cassé, il faudra qu’un de ses proches aille acheter une broche car nous n’en avons pas

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Son service manque de tout. Conséquence : les médecins demandent souvent aux familles d’acheter elles-mêmes en pharmacie des médicaments. « Par exemple, si une personne vient pour un pied cassé, il faudra qu’un de ses proches aille acheter une broche car nous n’en avons pas », explique-t-il.

Unités réputées

Les relations avec les patients se sont fortement dégradées. L’an dernier, l’un de ses amis s’est fait défigurer par une famille mécontente. « L’ambiance n’est vraiment pas bonne. Parmi le personnel, beaucoup souffrent de burn out et font le service minimum », confie-t-il.

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Ce climat délétère n’empêche pas certains services d’assurer des prestations de qualité. Le CHU de Cocody est réputé pour son unité de pédiatrie, celui de Treichville pour ses services d’ophtalmologie et de cardiologie. Et avant sa fermeture, celui de Yopougon l’était pour son expertise en gynécologie et en dermatologie.

En mars, le gouvernement a introduit un projet de réforme censé donner plus d’autonomie aux hôpitaux et favoriser la participation du secteur privé. Jean estime que celui-ci peut booster la performance des services. « Peu importe si l’argent vient du gouvernement ou du privé. Le plus important est de disposer de matériel pour soigner les patients », affirme-t-il.

*Les prénoms ont été modifiés.

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