Madagascar : le retour des jeunes entrepreneurs
Ils sont rentrés au pays pour lui donner un nouvel élan. Portraits de quatre jeunes visionnaires prêts à relever tous les défis.
Madagascar : les douze travaux de Rajoelina
Dix mois après son élection, le président impose peu à peu son style. Mais réformer de fond en comble un système à bout de souffle ne sera pas une mince affaire !
• Yann Kasay, le changement, c’est depuis un an
«Je me suis toujours dit que je reviendrais pour faire quelque chose d’utile pour mon pays. En 2015, j’ai senti que le moment était venu. » À 32 ans, Yann Kasay s’est définitivement installé à Mada en avril 2018. Pari gagnant. « Au cours des douze derniers mois, le changement a été impressionnant. Il se passe vraiment quelque chose. »
Né en France de mère bretonne et de père malgache, Yann Kasay grandit à Angers avant d’obtenir une bourse d’études à l’université Washburn, dans le Kansas. Il revient ensuite dans l’Hexagone et se met en tête d’acquérir une expérience professionnelle en cabinet de conseil dans une start-up. « Tout cela dans un but très précis », explique-t-il aujourd’hui.
En 2017, il fonde Jirogasy – littéralement « lumière malgache » – avec son frère Lauric, ingénieur. La société commercialise trois grandes familles de produits : des kits solaires de 40 à 1 000 W, des valises pour transporter et recharger les tablettes, et des ordinateurs solaires.
Rajoelina attire les projecteurs, et cela fait du bien au pays, je ne serais pas invité à parler lors de certaines conférences si Madagascar n’inspirait pas la curiosité.
« Nous équipons des salles informatiques en brousse, en essayant de tout faire fabriquer à Madagascar, par de la main-d’œuvre locale », précise Yann Kasay. Aujourd’hui, Jirogasy profite de l’effet Rajoelina. « Le président attire les projecteurs, et cela fait du bien au pays. Je ne serais pas invité à parler lors de certaines conférences si Madagascar n’inspirait pas la curiosité. » Comme un signe de renouveau.
• Romy Voos Andrianarisoa, de Marx à BP
Romy Voos Andrianarisoa, 42 ans, n’est pas rentrée à Madagascar en 2017 pour la croissance de 5 % affichée alors par le pays. « Je n’ai pas du tout vu d’embellie à l’époque. C’est plutôt le constat de mauvaise croissance qui m’a fait revenir », assure aujourd’hui la jeune femme.
Son père, journaliste politique, lui fait lire Marx dès ses 9 ans. C’est peut-être de là que vient son engagement. Elle vit la grande Histoire au quotidien, en Russie, où sa mère est attachée d’ambassade pendant dix ans. De Gorbatchev à Poutine, en passant par Eltsine.
Lors de ses conférences, Romy Voos Andrianarisoa n’oublie jamais de citer Thomas Sankara dont elle admire le parcours et l’audace
Premier retour au pays en 2012. Elle trouve un poste chez Madagascar Oil, qui tente d’exploiter l’huile lourde de Tsimiroro. « Je voulais tracer le chemin vers une industrie extractive propice au développement. » Pour son second retour, en 2017, elle rêve « d’intégrer une grosse structure pour apporter du changement ».
Elle est aujourd’hui responsable pays chez British Petroleum (BP) et travaille au sein du groupe multisectoriel Filatex comme directrice des relations publiques et du mécénat. Elle dirige notamment le fonds de dotation qui promeut l’art et la culture malgaches. Romy Voos Andrianarisoa a également créé, en 2012, l’ONG Miaro Madagascar, qui vise à renforcer les capacités des femmes en grande vulnérabilité. Elle s’exprime enfin comme conférencière à l’université. Et n’oublie jamais de citer Thomas Sankara, passé par l’école militaire d’Antsirabe, dont elle admire le parcours et l’audace.
• Matina Razafimahefa, l’avenir en quelques clics
«J’aime aller au-devant des défis. » Et à 21 ans, Matina Razafimahefa a trouvé son bonheur à Madagascar. « C’est bien parce que l’économie n’est pas bonne » qu’elle est rentrée au pays en février 2018. Matina Razafimahefa grandit dans la Grande Île mais intègre dans un collège de Nantes (France) un cursus en sport-études, option tennis. « Durant ces années, tu es égoïste, très focalisé sur toi-même, ton tennis, ta santé et tes études. Tu ne penses qu’à toi. » C’est à cette époque qu’elle réfléchit à la formation sur internet. « Je ne comprenais rien en maths avec ma prof. J’ai regardé des tutoriels en ligne et j’ai eu 16 au bac. »
C’est pendant ses premières années de sciences politiques à la Sorbonne qu’elle entend l’histoire d’une Suédoise qui a créé une application pour venir en aide aux migrants. « Cela a été un déclic. » En janvier 2018, Matina Razafimahefa lance la start-up Sayna et donne à des Malgaches la possibilité d’apprendre l’informatique, avant de les placer ensuite elle-même en entreprise. Elle associe sa mère, qui avait déjà tenté – sans succès – de monter une structure identique au début des années 2000.
« Elle est ma plus grande source d’inspiration », assure-t-elle, en souhaitant s’appuyer également sur le gouvernement. « Les pouvoirs publics doivent utiliser les nouvelles technologies pour faire de l’entrepreneuriat un levier de croissance. J’encourage énormément le président, car je veux croire en ce qu’il fait. »
• Ranto Andriambololona, il donne l’exemple
«J’ai toujours le regard tourné vers Madagascar, où j’essaye modestement d’apporter ma contribution. » Même si c’est parfois depuis la France. À 42 ans, Ranto Andriambololona n’a toujours pas clairement choisi entre son île d’origine et sa terre d’adoption. Et ce n’est pas une question d’argent. « On m’a déjà proposé d’être directeur d’innovation chez BMW », affirme l’ingénieur.
Né à Antananarivo, il grandit à Diego-Suarez, puis fait toutes ses études sur l’île et sort diplômé de l’Institut supérieur polytechnique. En 2001, il part pour la France afin de participer à la création de logiciels et comprend vite que « le niveau était largement atteignable pour des développeurs malgaches. Avec des coûts bien plus supportables ».
Il décide donc de rentrer et fonde, en 2017, HaiRun Technology, une SSII spécialisée dans le développement de logiciels. Il lance en parallèle Smartpredict, une plateforme d’intelligence artificielle, et lève, au début de 2019, 250 000 euros auprès du fonds d’investissement Miarakap, avant une seconde levée prévue pour 2020. Sa société emploie actuellement 60 personnes et réalise 1 million d’euros de chiffre d’affaires.
Le chef d’entreprise plaide pour que la diaspora suive son exemple. « Beaucoup refusent de rentrer par peur des rackets de l’État… Ils exagèrent. L’administration ne nous empêche pas de travailler correctement. Le président Rajoelina a envie de faire avancer les choses, assure l’ingénieur. Même s’il accompagne son programme d’une bonne dose de spectacle. »
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