[Tribune] Comment réussir la révolution de l’e-administration
Ces dernières années, la dématérialisation des services publics s’est imposée comme un pilier de la stratégie numérique de nombreux États africains, comme l’illustre le Smart Rwanda Master Plan ou le partenariat conclu à la fin du mois d’octobre entre Pretoria et Microsoft pour l’adoption d’un système de cloud. Cette effervescence d’initiatives occulte parfois la diversité des défis auxquels sont confrontés nos États et l’importance de leur apporter une réponse agile et différenciée.
D’abord, des termes génériques comme « e-services » ou « téléprocédures » voilent une double segmentation essentielle : selon le public visé (entreprises ou particuliers) et suivant le pourvoyeur de services (État ou collectivité).
Les services aux particuliers sont plus complexes à mettre en œuvre, puisqu’ils dépendent de la pénétration technologique, du niveau d’éducation et de la culture numérique des populations. Il faut donc dans ces cas envisager des solutions simples et accessibles. En Afrique du Sud – deuxième pays africain, derrière Maurice, au classement e-administration 2018 de l’ONU –, la vérification d’inscription sur les listes électorales se fait en ligne mais aussi par SMS.
De grands changements à effectuer
La confidentialité et la sécurité des données sont également des défis de taille, car certains usagers se font assister par leur entourage ou par des relais de l’administration pour accéder à ces e-services. Une approche progressive est ici indispensable, en passant par la création de portails d’information, puis par la prise de rendez-vous et, enfin, l’ouverture de services entièrement dématérialisés avec des comptes personnels, respectant les exigences dans ce domaine.
Mais cette dématérialisation intégrale – visée par plusieurs pays du continent – n’est réalisable qu’à travers une transformation de l’administration, intégrant une logique omnicanale. Cela exige, par exemple, que certains agents se consacrent aux e-services ou qu’un accompagnement soit instauré pour vérifier régulièrement le portefeuille de demandes en ligne.
L’étape suivante est l’intégration de bout en bout des systèmes informatiques pour assurer un traitement entièrement informatisé. En effet, elle permet d’éviter une rematérialisation (réimpression des formulaires) avec des échanges de papiers entre services. Enfin, le paiement en ligne est la dernière brique d’une dématérialisation aboutie, sur laquelle les portails irembo, au Rwanda, ou eCitizen, au Kenya, se sont fortement appuyés, avec respectivement 300 000 et 500 000 transactions par mois.
Une autre question cruciale concerne le déploiement de ces services. Il est plus aisé de généraliser un service fourni par les divisions de l’État, comme les préfectures, parce que l’administration peut s’appuyer sur ses agents pour utiliser les plateformes et sur ses agences et partenaires locaux ou étrangers pour développer les e-services. Pour les collectivités territoriales, en revanche, il est préférable d’encourager les expérimentations, grâce à une réglementation claire et à des financements pour stimuler l’écosystème. Des solutions adaptées au contexte local pourront ainsi émerger et être ensuite généralisées. La plateforme marocaine wraqi.ma s’inscrit dans cette logique, avec des services pilotes à Fès (certificat de résidence, légalisation de document) qui peuvent être étendus à tout le royaume.
Des outils mieux déployés en entreprise
En ce qui concerne les entreprises, les freins liés à l’accès et à la connaissance des outils sont plus faibles, d’où un meilleur taux de déploiement. Selon l’ONU, 126 pays offrent la possibilité de créer une entreprise en ligne, quand seulement 59 permettent de faire une demande de carte d’identité nationale. Pour les e-services fournis par les collectivités, l’harmonisation est une clé, afin de garantir aux professionnels la même expérience d’utilisation. Quant aux services centraux, une approche par type de société peut être considérée, à l’image du projet d’e-tax au Sénégal (déclaration et paiement des taxes), déployé dans les centres fiscaux des grands groupes avant sa généralisation.
Les défis de l’e-administration sont nombreux. Mais transformer l’essai permettra d’améliorer les services rendus aux citoyens et aux entreprises, de les rendre plus accessibles et de sécuriser la collecte des recettes. La dématérialisation permet également – avec l’open data – d’accroître la transparence et l’efficacité de l’action publique. Un pas considérable vers la transformation de nos administrations.
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