Comment se portent les différents secteurs économiques en Tunisie
Le pays affiche de bonnes performances dans l’agricole et le numérique, son enseignement supérieur est attractif. Le tourisme et l’industrie textile renouent avec la croissance, en revanche le secteur bancaire semble pour l’instant tenir l’équilibre d’un château de carte.
La Tunisie en pleine révolution culturelle
Au-delà de la lutte contre la corruption et le chômage, de la revitalisation des services publics et de la relance de l’économie, c’est la refonte totale du mode de gouvernance qui est au cœur du projet du nouveau président.
• Agriculture
En 2018, le secteur a progressé de 9,5 % par rapport à 2017, soit près de quatre fois plus que le revenu national. La tendance s’est confirmée en 2019 : au deuxième trimestre, la valeur ajoutée de l’agriculture a gagné 2,8 %, contre 1,2 % pour le PIB. Une bonne santé due en partie à l’exportation d’huile d’olive, dont la Tunisie est en passe de devenir le deuxième producteur mondial.
Par ailleurs, l’agriculture se modernise, avec l’essor de produits conditionnés, à plus forte valeur ajoutée, et l’utilisation d’outils modernes, tels les drones, pour plus de performances et une gestion plus rationnelle de la production. Afin de passer un palier, le secteur a besoin d’une politique lui permettant de dépasser ses limites structurelles : manque d’infrastructures efficientes pour développer les exportations hors Europe, morcellement des champs et raréfaction de l’eau.
• Numérique
Les technologies digitales, bientôt un poids lourd de l’économie ? En 2018, le secteur représentait 7,2 % du PIB. Le programme « Tunisie digitale 2020 » (qui devrait être reconduit jusqu’en 2025) doit tripler sa valeur ajoutée pour atteindre 4,7 milliards de dollars, en créant 17 500 emplois. Cette croissance s’adosse au Start-Up Act, adopté en 2018, qui permet aux jeunes pousses labellisées et aux investisseurs de bénéficier d’un fonds de garantie, d’allègements fiscaux et de facilitations.
Depuis son entrée en vigueur, à la fin de mars, 126 start-up ont été labellisées. Les bailleurs de fonds internationaux misent aussi sur le secteur numérique en Tunisie, pour lequel la BAD a octroyé un prêt de 83 millions de dollars en juillet 2018 et la Banque mondiale une aide de 175 millions en juin 2019.
• Enseignement supérieur
Implantation de campus en Afrique subsaharienne (dont l’université Montplaisir-Tunis à Bamako), délocalisation d’établissements européens à Tunis (comme Paris-Dauphine), partenariats pour la création de cursus (avec l’Université franco-tunisienne pour l’Afrique et la Méditerranée cette année)… Les exemples ne manquent pas. Dans l’enseignement supérieur, la Tunisie joue le rôle de passerelle entre l’Afrique et l’Europe – et elle rêve de le tenir dans d’autres domaines. Grâce à son statut d’unique démocratie dans la région, le pays attire universitaires et intellectuels bien au-delà de la Méditerranée et de l’Europe. Depuis 2017, de grandes universités américaines telles que Columbia et Harvard y sont installées.
• Textile
Souvent oublié par les décideurs, qui préfèrent mettre en avant les technologies numériques ou l’agroalimentaire, le secteur n’a pas dit son dernier mot et demeure le poste du commerce extérieur qui a représenté le plus de devises pour la Tunisie en 2018, avec un solde positif de 600 millions d’euros. Les filières du textile et de l’habillement ne constituent certes plus un tiers des exportations comme dans les années 1990, mais elles en représentaient 12 % en 2018, ce qui les maintient dans le trio de tête à l’export. Le gouvernement et la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement ont d’ailleurs signé un « Pacte de croissance », dont l’objectif est de créer 50 000 emplois et d’atteindre 4 % des parts de marché en Europe, pour une valeur de 4 milliards d’euros d’exportations, d’ici à 2023.
• Tourisme
Saison réussie ! Avec 4,4 milliards de dinars (1,4 milliard d’euros) de recettes touristiques enregistrées en septembre, déjà au-dessus du seuil de 4 milliards espérés pour l’année 2019, le secteur redécolle vraiment. Et l’objectif de 9 millions de visiteurs pour 2019 devrait aussi être dépassé, puisqu’ils étaient déjà 7,2 millions fin septembre. L’onde de choc des attentats de 2015 semble enfin s’être dissipée. Toutefois, le tourisme reste largement dépendant de la formule « tout inclus » proposée principalement par les chaînes et les tour-opérateurs qui, malheureusement, rapporte peu aux acteurs locaux : les touristes dépensent en moyenne 200 dollars en Tunisie, contre 600 dollars ailleurs dans le monde.
L’annonce, en septembre, de la faillite de l’opérateur historique Thomas Cook fait office d’avertissement : les professionnels comptent sur ce séisme pour accélérer l’ouverture du ciel afin de favoriser la venue de voyageurs adeptes de longs week-ends et enclins à dépenser plus. Une ouverture qui tarde : manque de volonté des autorités tunisiennes pour les uns, conséquence indirecte du Brexit pour les autres. Quoi qu’il en soit, si les touristes sont revenus, les devises, elles, se font toujours attendre.
• Banque
Les établissements tunisiens sont une bombe à retardement. En 2018, cinq des dix plus grosses sociétés boursières étaient des banques, qui ont représenté plus d’un quart des capitalisations… Une forme en trompe l’œil, car elle tient essentiellement aux très intéressants rendements des bons assimilables du Trésor, qui ont commencé à prendre fin avec le resserrement des liquidités décidé par la Banque centrale de Tunisie. Or les établissements tunisiens ne se sont pas préparés à ce nouvel environnement.
Biat, leader incontesté sur le marché national, n’a jusqu’à présent jamais montré de désir de diversifier ses compétences ou de prospecter hors des frontières. Les acteurs s’interrogent sur l’avenir du secteur, où la présence de l’État est particulièrement forte avec trois banques publiques et cinq mixtes. Les géants français BNP Paribas et BPCE sont sur le point de partir. Pis, la Tunisie pourrait avoir à payer une amende de 1 milliard de dollars dans l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT), à cause d’une expropriation illégale remontant aux années 1980.
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