À Dakar, la galerie d’Océane Harati, un refuge pour artistes et collectionneurs
La Sénégalaise Océane Harati est à la tête d’OH Gallery, un espace conçu comme un refuge pour artistes, collectionneurs et visiteurs.
«L’art et la culture sont l’apanage des plus grands », affirme Océane Harati, 27 ans, qui, en novembre 2018, a ouvert sa galerie à Dakar. Si son espace se situe dans un immeuble classé monument historique, dans le quartier du Plateau, elle n’en divulgue l’adresse exacte à son visiteur qu’au dernier moment et après avoir pris rendez-vous.
« Plusieurs facteurs, comme le fait que je sois seule à tout faire et que je doive protéger les œuvres, m’ont poussée à opter pour la confidentialité. Je me suis aussi inspirée des premiers cabinets de curiosité londoniens, où l’on recevait les collectionneurs dans un cadre intime », sourit la jeune femme née dans la capitale sénégalaise d’un père libano-flamand et d’une mère franco-vietnamienne.
Je voulais créer un espace raffiné où l’on accorde du temps aux clients et où l’on facilite leurs acquisitions
Sur deux niveaux, sa galerie, sobre et épurée, comprend deux espaces d’exposition, une réserve, une bibliothèque – où la philosophie et l’art côtoient la littérature –, ainsi qu’une imposante terrasse aux allures de jardin suspendu. C’est là qu’elle organise ses événements phares tels que le « Dîner des collectionneurs » et, durant l’été, le « Festin à quinze ». « Une fois par mois, je propose à des jeunes de moins de 35 ans de venir découvrir l’art autour d’un repas avec produits frais, vin, et une visite nocturne de la galerie. » Océane Harati entend ainsi réinventer le métier de galeriste. « Aujourd’hui, l’offre est démultipliée. Je voulais créer un espace raffiné où l’on accorde du temps aux clients et où l’on facilite leurs acquisitions. »
École de Dakar
C’est en 2012 à Dakar, au sein de la galerie Antenna de feu Claude Everlé, que la jeune femme découvre l’art africain, classique comme contemporain. Elle y effectue alors un stage dans le cadre de sa licence en médiation culturelle à l’université Sorbonne nouvelle de Paris. « On me reproche souvent d’être passée par Antenna, parce que Claude Everlé était un personnage controversé, mais c’était la meilleure école. Même si j’ai grandi au Sénégal, je ne connaissais rien à l’art africain. J’ai étudié puis commencé à collectionner de l’art ancien. Je me suis intéressée aux peintres de l’École de Dakar, comme Diatta Seck, Boubacar Coulibaly, Kré Mbaye, ou encore aux Manufactures de Thiès. »
C’est aussi à cette époque qu’elle se met en tête d’avoir sa propre galerie. En 2013, elle rentre à Dakar et suit à distance un MBA en ingénierie culturelle à l’École des arts et de la culture de Paris (EAC). Puis elle multiplie les expériences, créant sa propre structure de production événementielle et gérant la communication de la Dakar Fashion Week pendant huit éditions. Après le décès de Claude Everlé, elle revient chez Antenna en tant que gestionnaire administrative. « À l’époque, c’était un peu le musée de Dakar. Il n’y avait plus de véritable offre, pas de discrétion pour les clients. »
Autant de raisons qui l’ont poussée à créer OH Gallery, qui présente aujourd’hui une douzaine d’artistes, dont les Sénégalais Aliou Diack, Soly Cissé, Camara Gueye, Kine Aw, Sambou Diouf, l’Ivoirien Ange-Martial Méné ou le Camerounais Hako Hankson. « J’y suis allée au culot. Je me suis rendue dans leurs ateliers usant de mes propres mots, contrats en main », raconte cette Dakaroise pugnace, qui a exposé en juin les œuvres de l’actrice et plasticienne espagnole Rossy de Palma.
Luxe et art de vivre
Pour Océane Harati, OH Gallery est un refuge où elle propose de vivre une expérience au cours de laquelle l’accent est mis sur le luxe et l’art de vivre. Le cinq-étoiles Terrou-Bi, l’agence de voyages Nader ou la compagnie de fret FedEx font partie de ses partenaires. Ses clients : des amateurs d’art, des collectionneurs mais aussi de « nouveaux entrants » sur le marché, « qui ont un certain pouvoir d’achat ». Elle compte des entreprises privées et une dizaine de clients qui lui achètent régulièrement des œuvres. Les croquis se vendent entre 50 et 600 euros, selon l’artiste. Concernant les tableaux, la galeriste se montre plus évasive – « jusqu’à 54 000 euros, toutes taxes comprises » – et refuse de communiquer sur ses commissions.
Au-delà des chiffres, celle qu’Aliou Diack surnomme « la lionne » en raison de sa combativité se sent investie d’une mission. « Il est temps que le marché de l’art contemporain au Sénégal se structure. Avec ma galerie, j’ai le sentiment de m’engager dans cette direction. »
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles