« Krimo, mon frère », récit initiatique d’une fraternité perdue

Dans son dernier roman, notre collaborateur Mabrouck Rachedi évoque le parcours d’une jeune fille partie disperser les cendres de son petit frère au pays du Soleil-Levant. Un récit initiatique lumineux.

Mabrouck Rachedi © Bruno Levy pour JA

Mabrouck Rachedi © Bruno Levy pour JA

leo_pajon

Publié le 21 novembre 2019 Lecture : 2 minutes.

Aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Lila, frêle jeune femme de 19 ans serre fort une boîte en fer entre ses mains. Elle attend le All Nippon Airways NH 206 qui doit la déposer douze heures plus tard à l’aéroport de Tokyo-Narita… elle qui a plutôt l’habitude des voyages en familles au bled, en Algérie, pour les vacances d’été. « Rien à déclarer », ment-elle au douanier qui la questionne. Ce que sa boîte en fer contient, ce sont les restes de son petit frère, Abdelkrim Zeman, surnommé Krimo, dont la dernière volonté est que l’on disperse ses cendres en haut du World Trade Center d’Osaka.

Pourquoi le garçon voulait-il se faire incinérer au grand dam de sa famille musulmane ? Pourquoi avoir choisi le Japon, pays où il n’a jamais mis les pieds ? Et pourquoi Lila doit-elle précisément disperser les cendres le 25 novembre à 9 heures ? Le journal intime de Krimo, que Lila emporte avec elle dans son périple, va fournir quelques réponses. D’autres seront données par des personnages hauts en couleur que la jeune fille rencontrera sur sa route.

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Avec sa drôle d’intrigue, notre collaborateur Mabrouck Rachedi signe bien plus qu’un roman pour ados de plus. C’est d’abord un récit initiatique qui raconte le parcours de Lila, timide, nerveuse et effacée, qui gagne en épaisseur au fil des pages. C’est aussi un roman policier avec sa dose de filatures, de planques et de deals… qui réussit à éviter les clichés du genre. C’est enfin un road trip (à pied) à la sauce soja dans le Japon contemporain des magasins pour otaku et des toilettes ultra-high tech d’où l’on risque de sortir trempé.

Krimo, mon frère, de Mabrouck Rachedi, éditions L’École des loisirs, 192 pages, 15 euros

Krimo, mon frère, de Mabrouck Rachedi, éditions L’École des loisirs, 192 pages, 15 euros

Idées reçues

Krimo, mon frère maintient sur près de 200 pages, un art certain du décalage, du pas de côté. Ici, ce sont les morts qui parlent le mieux des vivants, et les aident à avancer. Depuis un hôtel d’Osaka se révèlent les habitants de La Grande Borne, à Grigny, en banlieue parisienne. Le trafic de drogues garantit un pèlerinage de luxe à La Mecque…

Sans qu’il y paraisse, avec une fausse désinvolture et une bonne dose d’humour, Mabrouck Rachedi questionne les préjugés de son héroïne. À travers elle, c’est évidemment nous qui relisons nos propres idées reçues sur la violence des gosses de quartier, la docilité des Japonais ou la soumission supposée des jeunes musulmanes.

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Avec modestie, le livre porte aussi, semble-t-il, une utopie : à force de discussions, de curiosité et avec un peu d’amour, on pourrait réconcilier des générations, des mondes qu’a priori tout oppose. Si le roman raconte la quête d’un frère, disparu, il dépeint aussi, au-delà, une fraternité envolée, que l’auteur tente, à coups de mots, de rattraper.

Krimo, mon frère, de Mabrouck Rachedi, éditions L’École des loisirs, 192 pages, 15 euros.

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