Côte d’Ivoire : à Abidjan, quelles alternatives en attendant le métro ?

Le démarrage du chantier de la ligne de train urbain augure d’un désengorgement de la mégapole ivoirienne, dont les infrastructures sont saturées et mal interconnectées.

Circulation à Abidjan, en Côte d’Ivoire. © DR/WikimediaCommons

Circulation à Abidjan, en Côte d’Ivoire. © DR/WikimediaCommons

Publié le 20 novembre 2019 Lecture : 5 minutes.

Vue d’un bus de transport urbain, à Abidjan, le 26 janvier 2012. © Nabil Zorkot pour les Éditions du Jaguar
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Se déplacer quotidiennement d’un point à un autre de la ville est un parcours du combattant pour les 5 millions d’Abidjanais. L’agglomération de la capitale économique ivoirienne continue de se développer : actuellement, 21 nouveaux habitants s’y installent chaque heure en moyenne, selon le rapport des Nations unies sur les perspectives d’urbanisation en Afrique.

Un chiffre qui place la mégapole francophone d’Afrique de l’Ouest huitième parmi les villes qui ont la plus forte croissance sur le continent. C’est de ce constat qu’est né le projet de métro aérien, afin de pallier les insuffisances des modes de transports – très diversifiés – déjà existants et qui ne parviennent pas à s’adapter à la croissance démographique.

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540 000 passagers chaque jour

Le chantier devrait enfin démarrer, après plus de cinq ans de discussions entre l’État et les consortiums candidats d’un contrat estimé à 1,36 milliard d’euros. Après plusieurs atermoiements, le marché a été finalement confié aux français Bouygues, Alstom et Keolis, notamment à la suite de l’appui financier de l’Agence française de développement, décisif pour évincer les coréens Dongsan Engineering et Hyundai Rotem, qui étaient au départ dans le groupement avec Bouygues. L’accord définitif avec les sociétés françaises n’a été scellé que début octobre.

Initialement prévu pour transporter quotidiennement 300 000 passagers, le métro abidjanais sera finalement, après études, calibré pour accueillir plus de 540 000 personnes chaque jour sur le tronçon de la première ligne. Doivent être érigés 21 ponts-rails et routes, dont un viaduc sur la lagune Ébrié.

La ligne, longue de 37,5 km, reliera la petite bourgade d’Anyama, au nord d’Abidjan, et l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny, au sud. Une quinzaine de stations doivent être créées dans le cadre de ce chantier, qui s’étalera de janvier 2020 jusqu’à la fin de 2024.

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Embouteillages et pollution automobile

Ce nouveau mode de transport devrait bouleverser les déplacements des Abidjanais, aujourd’hui confrontés à la saturation des transports actuels et à leur mauvaise interconnexion. Actuellement, plus de 3 millions de citadins se déplacent en bus, majoritairement gérés par la Société des transports abidjanais (Sotra), une entreprise d’État.

Ce sont plus de mille bus de la compagnie qui circulent chaque jour pour faciliter la mobilité d’environ 1 million de personnes. Depuis 2011, le gouvernement a injecté plus de 500 milliards de F CFA (762 millions d’euros) dans la compagnie publique pour l’acquisition d’autobus, et prévoit de franchir le seuil de deux mille véhicules de transport à l’horizon 2020.

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Mais l’offre de la Sotra reste insuffisante et a favorisé le développement du transport informel, organisé autour des bus de 18 à 22 places appelés gbaka. Ils relient toutes les communes et quartiers du district d’Abidjan. On observe également aussi le phénomène des woro-woro, véhicules utilitaires de quatre à huit places, qui parcourent les dix communes de la ville. Très prisés par la population, gbaka et woro-woro sont la principale cause des embouteillages monstres mais aussi de la pollution automobile de la ville.

À côté de ce système informel, les taxis-compteurs de couleur orange, jugés trop chers, ne répondent pas aux besoins des classes les plus populaires. Les sociétés de VTC utilisées par la classe moyenne et aisée ont du mal à survivre du fait de la concurrence féroce à laquelle se livrent les acteurs du secteur.

En attendant le métro, le gouvernement a également lancé un nouveau projet de mobilité dénommé Bus Rapid Transit (BRT)

Drive, fondé par l’entrepreneur ivoirien Demba Diop, a été racheté par son concurrent Africab, mais ces deux sociétés ont cessé leurs activités, dépassées par Yango, une application de partage de trajet du russe Yandex, qui a débarqué au début de 2018 à Abidjan. S’il fait fureur chez les jeunes de la classe moyenne, son offre reste limitée. Une société de VTC française, Heetch, a tenté de développer un nouveau service de transport à moto, mais le gouvernement a mis un terme au projet pour des questions de sécurité. Le géant américain Uber envisage, lui aussi, une aventure en Côte d’Ivoire, mais son projet est encore en gestation.

Des projets pour pallier à l’insuffisance du service

Face aux difficultés, le gouvernement a brisé le monopole de la Sotra dans le transport lagunaire, autorisant des sociétés privées à faire circuler leurs bateaux. Deux opérateurs, la Société de transport lagunaire (STL) et la Compagnie ivoirienne de transports (Citrans), ont été sélectionnés pour la traversée. Pour le moment, les deux acteurs ne parviennent pas à transporter plus de 200 000 personnes par jour sur leurs bateaux, qui s’ajoutent aux quelque 40 000 passagers pris en charge par la Sotra.

Bateau bus sur la lagune ébrié à Abidjan (Côte d'Ivoire). © Cyriac Gbogou/CC/Wikipédia

Bateau bus sur la lagune ébrié à Abidjan (Côte d'Ivoire). © Cyriac Gbogou/CC/Wikipédia

En attendant le métro, le gouvernement a également lancé un nouveau projet de mobilité dénommé Bus Rapid Transit (BRT) d’un coût global de 175,5 milliards de F CFA (268 millions d’euros). Cette voie spéciale pour autobus (qui seront ainsi séparés des autres véhicules), longue de plus de 20 km, reliera la commune populaire de Yopougon – plus de 1 million d’habitants au nord de la ville – à Bingerville-Ouest. Elle desservira au passage des communes à forte densité d’emplois comme celles du Plateau et de Cocody. Une piste cyclable est même prévue le long de la voie. Selon les autorités, grâce au BRT, le temps de déplacement entre Yopougon et Bingerville sera réduit de moitié. Il faudra quarante-cinq à cinquante minutes pour relier les deux cités.

Enfin, le gouvernement développe de grands chantiers d’infrastructures routières pour accompagner ces projets : plusieurs ponts routiers doivent permettre de fluidifier le trafic, et un périphérique de contournement est également en gestation. Une autorité organisatrice du transport vient d’être créée pour mieux coordonner les différents acteurs publics et privés. De quoi désengorger un peu la ville, même si les Abidjanais ont surtout hâte de pouvoir prendre le métro.

Le point de vue d’Amadou Koné, ministre des Transports

Le ministre ivoirien des Transports Amadou Koné. © DR/Wikimedia

Le ministre ivoirien des Transports Amadou Koné. © DR/Wikimedia

« Nous avons lancé le processus de réorganisation des transports à Abidjan. Cela passe par une planification intégrée de tous les chantiers, dont le plus emblématique est celui du métro aérien. Tous les projets de transports seront interconnectés, en vue de créer un système multimodal à Abidjan, comme cela se voit dans les autres grandes métropoles du monde. »

Chers transports

Une étude publiée par La Banque mondiale révèle que les ménages abidjanais dépensent annuellement 1 200 milliards de F CFA (1,8 milliard d’euros) pour se déplacer, soit 4 milliards de F CFA par jour. Un poste budgétaire qui constitue 30 % des dépenses des citadins.

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