Helios, pionnier et toujours leader du capital-investissement en Afrique

Il y a quinze ans, les Nigérians Tope Lawani et Babatunde Soyoye posaient les bases du capital-investissement en Afrique. Aujourd’hui, leur société domine toujours le secteur.

Avant de fonder Helios, Babatunde Soyoye était chargé de la stratégie commerciale de British Telecom. © Helios Investment Partners

Avant de fonder Helios, Babatunde Soyoye était chargé de la stratégie commerciale de British Telecom. © Helios Investment Partners

Publié le 22 novembre 2019 Lecture : 5 minutes.

Vu la position prééminente qu’occupe aujourd’hui Helios Investment Partners, on a presque du mal à croire que l’avenir de la société a un jour été incertain. Helios gère désormais des fonds d’une valeur de 3,6 milliards de dollars, plus que toute autre entreprise de ­capital-investissement spécialisée sur l’Afrique, et a réalisé certaines des opérations les plus importantes de la dernière décennie.

Y compris, l’an passé, l’introduction à la Bourse de Londres et à celle de Johannesburg de Vivo Energy, qui attribuait au distributeur de carburants africains une valeur de plus de 2 milliards d’euros.

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Mais, en 2004, l’année de naissance de Helios, à Londres, ses cofondateurs Tope Lawani et Babatunde Soyoye étaient fébriles. « Nous n’étions pas sûrs de faire le bon choix, nous confie ce dernier. Mais nous avions quelques personnes qui croyaient en nous, principalement des agences de développement et des particuliers fortunés aux États-Unis. » Parmi leurs premiers soutiens financiers, on trouve Overseas Private Investment Corporation (Opic), le groupe CDC et IFC, respectivement les agences de développement des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Banque mondiale.

Les 200 premières banques africaines

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Galvanisés par ces soutiens de taille, les deux hommes ont estimé que le contexte était propice au lancement de Helios. « Avec le vent de démocratie qui soufflait sur l’Afrique, symbolisé par les élections nigérianes de 1999, et l’accélération de la croissance économique, il y avait le début d’un changement de perception, mais il n’y avait pas encore de capital-investissement en Afrique à proprement parler, se souvient Babatunde Soyoye.

Connaissance du terrain

Nous avons commencé à en parler, en nous demandant : « Pourquoi ne pas le faire nous-mêmes ? » Aucun fonds de private equity n’était alors dirigé par des Africains possédant une expérience et une éducation occidentales de calibre international. »

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C’était justement leur profil. Babatunde Soyoye a fait des études d’ingénieur et de gestion d’entreprise à Londres, tandis que Tope Lawani a suivi un cursus de génie chimique, de droit et de gestion d’entreprise au Massachusetts Institute of Technology et à Harvard. Tous deux Nigérians et parlant couramment le yorouba, ils se sont rencontrés alors qu’ils travaillaient dans les bureaux londoniens de TPG Capital.

Au sein de cette société d’investissement qui siège à San Francisco, ils ont géré des investissements de plusieurs milliards de dollars dans des multinationales comme Burger King ou encore la chaîne de grands magasins Debenhams. Auparavant, Tope Lawani travaillait au sein du département des fusions et acquisitions de Walt Disney, tandis que Babatunde Soyoye était chargé de la stratégie commerciale de British Telecom.

Notre « botte secrète », c’est notre travail opérationnel, qui vise à créer de la valeur après investissement

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Ces associés ont créé Helios à leur image : doté d’une ample expertise, et faisant le pont entre la finance occidentale et une connaissance de terrain des marchés d’Afrique. Leurs employés sont issus tant du monde de la finance que de celui de l’industrie. Dans les couloirs de leur siège londonien, on entend aussi bien parler anglais et yorouba que kiswahili, wolof, igbo, swahili et arabe. Et Helios dispose aussi de bureaux à Paris, Lagos et Nairobi.

« Notre  »botte secrète », c’est notre travail opérationnel, qui vise à créer de la valeur après investissement », nous explique Babatunde Soyoye. Et elle a fait ses preuves. L’un de leurs premiers investissements – l’achat pour 179 millions de dollars d’une participation de 25 % dans Equity Bank – a généré des retours considérables au moment de la vente, en 2015.

Cette même année, Helios a contribué au rachat d’une majorité des parts de l’égyptien Fawry pour 100 millions de dollars. Quatre ans plus tard, ce fournisseur de paiements électroniques entrait à la Bourse de Londres pour une valeur estimée à 275 millions de dollars.

Deux opérations par an

Les deux hommes choisissent leurs cibles avec soin. Comme nous l’explique Babatunde Soyoye, Helios n’effectue en général que deux opérations par an, sur environ 300 opportunités d’achats. Et lorsqu’aucune entreprise ne remplit leurs critères, ils fondent la leur !

« Nous cherchons des thèmes macroéconomiques qui nous emballent, puis faisons le tri pour trouver des entreprises dont la gestion est solide. Sinon, nous les créons nous-mêmes », explique-t-il.

Fort de l’expérience de son cofondateur au sein de British Telecom, Helios a ainsi fondé les gestionnaires d’infrastructures de télécoms Helios Towers Nigeria en 2005 et Helios Towers en 2009, avec l’appui des milliardaires George Soros et Jacob Rothschild, ainsi que de l’ex-secrétaire d’État américaine Madeleine Albright.

Les investisseurs doivent ignorer les rumeurs et se demander quelles sociétés se portent bien. Helios est l’une d’elles

« Plutôt que de se focaliser sur ce qui est à vendre, mieux vaut s’atteler à discerner les barrières qui se dressent sur son chemin, estime Tope Lawani. Il faut donc avoir un véritable esprit d’entreprise. » Peu en sont dotés, si l’on en croit la faible concurrence à laquelle Babatunde Soyoye et Tope Lawani font face sur le marché du capital-investissement africain.

Pour John Owers, le directeur des fonds africains de la CDC, cette situation perdure à cause des stéréotypes sur le continent : « Les investisseurs doivent ignorer les rumeurs et se demander quelles sociétés se portent bien. Helios est l’une d’elles. Celles qui achètent judicieusement se portent bien. »

Personnalités de poids

Aujourd’hui, la méthode portée par Babatunde Soyoye, 50 ans, et Tope Lawani, 49 ans, a fait d’eux des personnalités de poids sur le continent, où ils siègent aux conseils d’administrations de plusieurs grands groupes. Ce qui n’est pas pour déplaire à Tope Lawani, qui a grandi au sein d’une famille aisée d’Ibadan, dans le sud du Nigeria, et dit sans détour : « Je ne crois pas aux petites choses. Je crois qu’il faut essayer d’en faire de grandes. »

Des défis demeurent, parmi lesquels la difficulté de lever des fonds suffisants. Entre 2013 et 2018, les sociétés de capital-­investissement africaines n’ont pu recueillir que 17,8 milliards de dollars, selon l’association de private equity africaine AVCA.

Et pourtant, la collecte de fonds n’a jamais posé problème à Helios, en partie grâce au parcours et au réseau de ses cofondateurs. Leur franc-parler en affaires leur aurait également bien servi, du moins selon Tope Lawani. « Sur un marché où l’on trouve des charlatans, avoir la réputation de dire ce qu’on va faire et de faire ce qu’on a dit est primordiale, » a-t-il déclaré.

Pour ce qui est de leur propre association, elle a semble-t-il résisté à l’épreuve du temps : ils collaborent depuis quinze ans déjà, sans signe apparent de conflit.

Cinq faits d’armes

2004 – Fondation de Helios Investment Partners, à Londres

2005 – Création de Helios Towers Nigeria

2007 – Investissement dans Equity Bank au Kenya

2015 – Levée de 1,1 milliard de dollars de fonds

2018 – Introduction de Vivo Energy aux Bourses de Londres et Johannesburg

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