Issam, le nouveau prince de la trap marocaine
Sous contrat depuis peu avec Universal France, le rappeur casaoui Issam connaît un succès fulgurant avant même la sortie de son premier album, prévue début 2020.
Des coulisses à la scène, le contraste est saisissant. Ce jour-là, à Marrakech, Issam est une silhouette frêle noyée dans des vêtements sobres. Enfoncé dans le canapé, le corps est distant, la voix à peine audible. Alors qu’il s’apprête à fouler la scène alternative du festival Oasis, Issam Harisse, de son nom complet, a refusé la majorité des demandes d’interviews, provenant majoritairement de la presse locale.
« Il est fatigué. On revient d’une petite série de concerts en France [Paris, Lyon, Le Havre…] », justifie son manager. Preuve, l’entretien à peine terminé, Issam s’écroule sur le sofa pour profiter d’une sieste avant sa prestation. Désinvolte ? Le Casaoui a plutôt l’attitude d’un jeune homme de 26 ans, pas encore tout à fait rodé à l’exercice de la promotion et à qui tout est arrivé bien vite. En à peine un an, il a été sacré nouveau prince de la trap marocaine grâce à son tube Trap beldi – « la trap du bled » – (plus de 12 millions de vues sur YouTube).
Chanter dans ma langue maternelle était une évidence, il fallait que ma musique colle à mon identité
« J’ai commencé à faire de la musique en écoutant une centaine de tracks électro par jour sur internet, seul dans ma chambre », commente ce fana de Young Thung, l’un des représentants du mouvement trap, originaire d’Atlanta. Un geek créatif, voilà ce qu’est Issam. « J’ai été approché par plusieurs grandes maisons de disques, mais j’ai accepté de rejoindre Universal parce qu’on me laissait carte blanche sur l’artistique », glisse celui qui aurait conclu le plus gros contrat jamais signé par un musicien arabe avec la major, sans même avoir sorti d’album.
Métamorphose
Une aubaine qu’il doit à un style singulier qu’il puise dans l’héritage musical maghrébin et les productions américaines. Sur Hasni et Caviar, le natif de Derb Sultan, l’un des plus vieux quartiers de Casa, joue le mélange des genres sur un sample de l’Algérien Cheb Hasni, populaire chanteur de raï. Tandis que le flow déversé en arabe se noie dans des volutes de vocodeur, caractéristiques de la scène rap contemporaine. « Chanter dans ma langue maternelle était une évidence, il fallait que ma musique colle à mon identité », confie-t-il timidement.
Mais, une fois sur les planches, la métamorphose s’opère. Le costume est tout aussi étudié qu’improbable. Pantalon flanqué de mains ornées de dessins berbères, blouson aux manches bouffantes brodées de fleurs convoquant l’univers des salons marocains… Le tout assorti à des baskets blanches. Le rappeur se montre cette fois-ci crâneur et assuré, n’hésitant pas à adopter les postures de l’imagerie hip-hop du moment, du rap squat (pose accroupie) au dab. Et, perché près de la table de mixage, à enflammer le public, essentiellement composé de Marrakchis, de Casaouis et de Tangérois.
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J’écris mes paroles à partir d’images que me renvoient la vie quotidienne à Casa, mes souvenirs d’enfance ou ma famille
Photographe d’art et de mode de formation, Issam est membre du collectif culturel Naar, implanté à Paris. Son frère, Mohcine Harisse, qui l’aide à la création, est quant à lui influenceur de mode et comptabilise près de 70 000 followers sur Instagram. Pas étonnant qu’Issam accorde un soin particulier à son image. Ses clips ultra-léchés sont majoritairement tournés dans son quartier et empruntent à l’esthétique brutaliste.
« J’écris mes paroles à partir d’images que me renvoient la vie quotidienne à Casa, mes souvenirs d’enfance ou ma famille », décrypte-il. Pourtant, c’est bien de l’autre côté de la Méditerranée que sa carrière se joue. « J’ai participé au Sun Festival de Marrakech l’année dernière et j’ai joué au Moga, à Essaouira, à la mi-octobre. Mais globalement il n’y a pas assez d’événements ni de clubs localement pour percer. On cherche à gagner un nouveau public. »
Résultat, aux côtés de quelques Marocains, son premier album à paraître au début de 2020 réunira la crème des producteurs étrangers, comme le Canadien Adam K et l’Américain 808Godz.
D’Atlanta à Casa
Née au début des années 2000 aux États-Unis, principalement à Atlanta, la trap a fait des émules chez les producteurs marocains. Bien avant Issam, quelques noms se frayaient un chemin dans le rap game à l’étranger, comme le tandem Shayfeen composé de Small X et Shobee.
Le petit frère de ce dernier, Madd, prend aujourd’hui la relève. Une belle brochette que l’on retrouve aux côtés des représentants du genre en France, comme Lomepal, Koba LaD ou Jok’air sur le premier album du collectif Naar, baptisé Safar (« voyage ») et sorti cette année chez Universal.
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