De Danièle Obono à Laetitia Avia, les plus médiatiques des députés français d’origine africaine

L’Assemblée française compte 577 députés et, bien sûr, tous ne parviennent pas à sortir de l’ombre. Mais l’hémicycle abrite quelques vedettes qui, par leur poids politique au sein de leur groupe ou simplement grâce à leur charisme, savent sortir du lot et attirer la lumière.

Les députés français Fadila Khattabi, Laetitia Avia, Brahim Hammouche, Danièle Obono. © Photomontage Jeune Afrique

Les députés français Fadila Khattabi, Laetitia Avia, Brahim Hammouche, Danièle Obono. © Photomontage Jeune Afrique

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Publié le 27 novembre 2019 Lecture : 6 minutes.

Les populations issues de l’immigration restent sous-représentées à l’Assemblée nationale, mais force est de reconnaître que les députés « d’origine africaine » n’y ont jamais été aussi nombreux. © séverine Millet pour JA
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France : les Africains de la République

Vingt-six députés sur 577, c’est encore bien peu. Les populations issues de l’immigration restent sous-représentées à l’Assemblée nationale, mais force est de reconnaître que les députés « d’origine africaine » n’y ont jamais été aussi nombreux. En tout cas depuis 1958.

Sommaire

• Danièle Obono, insoumise et radicale

Danièle Obonoà l'Assemblée nationale française le 8 novembre 2019. © Bruno Levy pour JA

Danièle Obonoà l'Assemblée nationale française le 8 novembre 2019. © Bruno Levy pour JA

Danièle Obono a conservé de ses années trotskistes des positions tranchées quant aux relations de la France avec ses anciennes colonies

39 ans, née à Libreville (Gabon), bibliothé­caire. Députée La France insoumise de Paris, elle est membre de la Commission des lois et du groupe d’amitié France-Bangladesh.

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Lorsque le débat sur l’immigration a été relancé à l’Assemblée par la droite et une partie de la gauche, personne n’a été surpris que Danièle Obono, arrivée de son Gabon natal à l’âge de 11 ans, monte en première ligne : c’est une sympathisante revendiquée du mouvement antiraciste. Très médiatique et souvent radicale, la députée mélenchoniste n’est pas ce que, dans l’hémicycle, on appelle un « bretteur », mais elle compense ses hésitations par son sérieux, fruit de longues années de militantisme étudiant.

Au sein du groupe La France insoumise, elle est le symbole des luttes « antiracistes » et féministes, l’emblème des quartiers urbains populaires. Son influence ne cesse de s’accroître. Jean-Luc Mélenchon aimant s’inspirer de tout ce qui fonctionne à l’étranger, il ne lui a pas échappé que l’irruption des femmes issues de l’immigration a revivifié la gauche américaine. Obono est d’ailleurs allée le vérifier aux États-Unis, où elle a assisté à un Black Caucus.

Le discours d’Ilhan Omar m’a beaucoup inspirée

« J’ai croisé Ilhan Omar », raconte-t-elle. On sait que cette musulmane voilée native de Mogadiscio se situe très à gauche sur l’échiquier politique américain. « Son discours m’a beaucoup inspirée », commente la députée dans son bureau de l’Assemblée, décoré d’une unique affiche pour une exposition d’art contemporain congolais.

« Cet été, j’ai profité de mes congés pour aller au Gabon », ajoute la jeune femme, qui a conservé de ses années trotskistes des positions tranchées quant aux relations de la France avec ses anciennes colonies : elle est farouchement hostile à toute présence militaire et au maintien du franc CFA.

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Pourtant, même si le groupe « insoumis » entretient le contact avec diverses personnalités africaines, comme le Malien Oumar Mariko, et continue de demander la création d’une commission d’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara, Danièle Obono est amenée à s’occuper en premier lieu d’affaires européennes.

• Laetitia Avia, avocate engagée

Laetitia Avia. © Vincent Fournier/JA

Laetitia Avia. © Vincent Fournier/JA

J’avais été approchée par des jeunes UMP, mais, je sentais bien qu’ils ne me “draguaient” que pour pouvoir mettre en avant une femme noire sur leurs listes

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34 ans, née en France de parents togolais, avocate. Députée LREM de Paris, membre de la Commission des lois ainsi que des groupes d’amitié France-Ghana et France-Canada.

Née en Seine - Saint-Denis en 1985, Laetitia Avia a été naturalisée à l’âge de 12 ans. Ses deux frères aînés sont nés au Togo, pays que son père, footballeur, a quitté pour tenter sa chance dans des clubs italiens. Elle fait partie des premiers contingents d’élèves de banlieue à avoir intégré le prestigieux Institut d’études politiques de Paris. C’est en 2009, alors qu’elle s’occupe de fusions-acquisitions au sein du cabinet qui l’emploie, qu’elle fait la connaissance d’un jeune banquier d’affaires nommé Emmanuel Macron. Elle reste en contact avec lui, mais trace seule son chemin.

« Je n’avais pas d’engagement politique au sens où je n’étais pas encartée, explique-t-elle. Mais j’étais active au sein d’associations africaines et d’organisations prônant l’égalité des chances. Comme électrice, je votais plutôt à gauche. Disons : du MoDem au PCF. La maire de ma ville était communiste et faisait du bon travail… Donc, je la soutenais. »

Mais c’est à En Marche ! qu’elle s’engage vraiment. Elle rejoint le mouvement dès sa création, en 2016. « J’avais été approchée par des jeunes UMP, s’amuse-t-elle, mais, franchement, je sentais bien qu’ils ne me “draguaient” que pour pouvoir mettre en avant une femme noire sur leurs listes… »

Depuis son élection, Laetitia Avia s’occupe prioritairement des sujets juridiques, mais s’investit beaucoup dans la lutte contre les discriminations. Elle a également travaillé sur le harcèlement de rue, la haine sur internet et la glottophobie, le racisme lié aux accents.

À mi-mandat, elle se dit « agréablement surprise » par la fonction qu’elle occupe : elle se sent « utile ». « En tant qu’avocate, estime-t-elle, j’avais bien sûr un impact, mais surtout sur des cas individuels. À présent, je peux agir de manière plus large. En revanche, je recevais davantage de remerciements comme avocate que je n’en reçois comme politique ! »

• Fadila Khattabi, ex-socialiste devenue marcheuse

Pas de détourageFadila Khattabi, née le 23 février 1962 à Montbéliard, est une personnalité politique française, actuellement députée de la troisième circonscription de la Côte-d'Or pour LREM. A l'Assemblée nationale le 7 novembre 2019.© Camille Millerand/ DIVERGENCE pour JA © Camille Millerand/ DIVERGENCE pour JA

Pas de détourageFadila Khattabi, née le 23 février 1962 à Montbéliard, est une personnalité politique française, actuellement députée de la troisième circonscription de la Côte-d'Or pour LREM. A l'Assemblée nationale le 7 novembre 2019.© Camille Millerand/ DIVERGENCE pour JA © Camille Millerand/ DIVERGENCE pour JA

On a fait venir une main-d’œuvre docile que la droite a communautarisée. Puis, dans les années 1980, la gauche est arrivée et leur a dit : “Intégrez-vous.” Ça n’avait aucun sens

57 ans, née en France de parents algériens, enseignante. Députée LREM de Côte-d’Or, vice-présidente de la Commission des affaires sociales et membre des groupes d’amitié France-Algérie (présidente) et France-Maroc.

Après des années d’engagement syndical, Fadila Khattabi a adhéré au Parti socialiste en 2002, dans la foulée de la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle. Conseillère régionale puis vice-présidente de région, elle claque la porte du PS en 2015. Un choix douloureux mais qu’elle juge inévitable, tant elle a acquis la conviction d’être instrumentalisée en raison de ses origines.

L’entrée en scène d’Emmanuel Macron lui donne envie de se lancer à nouveau. En 2017, elle est élue députée contre un candidat du Front national. « Pendant la campagne, il y a bien eu quelques incidents liés au fait que j’étais une femme et que je portais un nom à coucher dehors, mais pas tant que ça, finalement », commente-t-elle.

Présidente du groupe d’amitié France-Algérie, elle a accompagné le président en voyage officiel à Alger, à la fin de 2017. « Nous avons reçu un accueil chaleureux, se souvient-elle, mais c’était le jour de la mort de Johnny [Hallyday], alors, c’est passé complètement inaperçu. »

Plus expérimentée que nombre de ses collègues marcheurs, Fadila Khattabi porte un regard sévère sur l’action des majorités précédentes en matière d’immigration : « Dans les années 1960-1970, on a fait venir une main-d’œuvre docile que la droite a communautarisée en la parquant dans des clapiers. Puis, dans les années 1980, la gauche est arrivée et leur a dit : “Intégrez-vous.” Ça n’avait aucun sens. Emmanuel Macron, lui, a dit qu’il voulait une Assemblée plus représentative de la société française, et il l’a fait. »

• Brahim Hammouche, chantre d’un universalisme multiculturel

Brahim Hammouche, député français du MoDem. © © François Grivelet pour JA

Brahim Hammouche, député français du MoDem. © © François Grivelet pour JA

 Je suis partisan d’une société multiculturelle, universaliste, du “faire-ensemble”

48 ans, né en Algérie, médecin. Député MoDem de Moselle, membre de la Commission des affaires sociales et des groupes d’amitié France-Maroc et France-Comores.

Quand Brahim Hammouche est né, en 1971, son père, kabyle, travaillait en France depuis près de vingt ans. En 1973, toute la famille le rejoint en Lorraine, mais le futur député a attendu 1997 pour demander la nationalité française. Il était alors étudiant en médecine. Cinq ans plus tard, à la suite de la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle, il adhère au Parti socialiste… qu’il quittera en 2005.

« C’était l’année des “émeutes des banlieues”, et j’ai trouvé que la réponse du PS n’était pas à la hauteur. Ils étaient dans une logique néocoloniale, répressive… J’ai aussi vu des gens portant des noms africains ou maghrébins à qui on disait : “On ne peut pas te choisir comme tête de liste, les Français ne voteront jamais pour toi.” »

En 2007, il rejoint le MoDem. Élu député en 2017, Hammouche s’intéresse à l’actualité africaine et aux questions liées à l’immigration, mais sans en faire un sujet central : « Je suis partisan d’une société multiculturelle, universaliste, du “faire-ensemble”, explique-t-il, mais pas question d’en faire ma carte de visite. »

En 2019, il se fait remarquer en votant contre la « loi anticasseurs ». Et, sans détour, il admet son « malaise » quand Emmanuel Macron accorde une interview à Valeurs actuelles : « Tout ramener à l’islam, placer l’extrême droite en situation d’être la seule opposition en 2022, je trouve ça dangereux. Je pense d’ailleurs que, à titre personnel, je vais écrire au président pour lui faire part de mes interrogations. »

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