Comores : dix ans pour redorer l’image de l’archipel

Désormais seul maître à bord politiquement, le chef de l’État Azali Assoumani va devoir démontrer ses capacités de rassembleur s’il veut conduire l’Union des Comores vers l’émergence qu’il lui a promise pour 2030.

Dans la tradition comorienne, la cérémonie du Grand Mariage conduit des couples à confirmer leur union et celle des deux familles. Ici, la capitale Moroni, en Grande Comore. © Flickr/CC/Woodlouse

Dans la tradition comorienne, la cérémonie du Grand Mariage conduit des couples à confirmer leur union et celle des deux familles. Ici, la capitale Moroni, en Grande Comore. © Flickr/CC/Woodlouse

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Publié le 25 novembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Un quartier de Moroni, aux Comores, le 2 juillet 2008 (Illustration) © Woodlouse/CC-BY-SA 2.0
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Comores : nouveaux horizons

Profitant du retour de la stabilité politique, le président Azali Assoumani, aisément réélu en avril, rencontre les investisseurs à Paris les 2 et 3 décembre. Objectif : les convaincre de miser sur l’archipel.

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«Qu’a fait l’Union des Comores de ses 45 ans ? » C’est, à quelques nuances près, la question que posait au début de 2018 le président Azali Assoumani, alors fraîchement réélu, lors des assises nationales lancées par son prédécesseur. Certainement pas assez, lui ont répondu ses compatriotes, comme le montrent les conclusions de ces consultations citoyennes.

Depuis son retour aux affaires, en 2016, le colonel, putschiste en 1999 puis président élu entre 2002 et 2006, tente de redresser le destin de son pays. Et le sien par la même occasion. En la matière, l’ancien chef d’état-major de l’armée a su faire preuve d’un sens tactique certain ces trois dernières années.

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Fin stratège

Comme s’il avait décidé de mettre en pratique, sur la scène politique, les stratégies apprises à l’Académie royale du Maroc ou pendant sa formation militaire en France. Il frappe là où personne ne l’attend et sait tirer avantage des événements pour trouver des alliés et se débarrasser de ses principaux opposants : lors de la campagne de 2016, il a noué un pacte improbable avec son rival Ahmed Abdallah Sambi. Puis, en mai 2018, cet ex-président a été placé en résidence surveillée dans le cadre de l’enquête sur la citoyenneté économique. Idem pour l’ancien vice-­président Mohamed Ali Soilihi, cantonné chez lui dans le cadre d’une enquête liée à une entreprise détenue par son épouse.

Azali Assoumani manœuvre à merveille lorsqu’il s’agit de concentrer les pouvoirs entre ses mains et d’éviter les foudres de la communauté internationale. Enfin, en bon officier, il fixe des objectifs. Et après celui, aujourd’hui atteint, de renforcer sa présidence dans le fond, dans la forme et sur la durée, il veut profiter du boulevard qu’il a désormais devant lui pour développer son pays. « Il souhaite partir en laissant l’impression que les Comores iront mieux que quand il est arrivé », résume le représentant de l’un des principaux bailleurs de fonds internationaux.

Pour remplir sa mission, le président comorien semble s’inspirer de l’un de ses homologues africains les plus observés, lui aussi ancien militaire et seul maître à bord dans son pays : le Rwandais Paul Kagame. « Comme lui, Assoumani semble avoir fait du développement économique un préalable à la démocratie du pays », confirme un diplomate local. Quitte à parfois utiliser la manière forte, comme lorsqu’il a fait passer par décrets les lois de finances ou a préféré ignorer les remontrances – bien timides – des observateurs internationaux au lendemain de sa réélection, dès le premier tour et avec 60 % des suffrages, en mars.

Pour lui, l’essentiel est ailleurs. S’il refuse le dialogue demandé par l’opposition pour préparer les législatives de janvier, il sollicitera toute l’attention de la communauté d’affaires internationale, à Paris, les 2 et 3 décembre. En s’engageant personnellement dans l’organisation d’une Conférence des partenaires au développement des Comores, le chef de l’État s’est lancé un nouveau défi, qu’il se doit de relever, pour son pays bien sûr, mais également pour lui-même.

Il doit montrer au monde des affaires qu’il peut venir investir sans crainte

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À lui de redorer l’image de l’archipel, écornée au fil des décennies par les coups d’État à répétition, les exactions des mercenaires de Bob Denard, la crise récurrente avec la France sur la question de Mayotte ou, plus récemment, la vente sous le manteau de passeports retrouvés jusque dans les poches de terroristes islamistes en Afghanistan. « Il doit montrer au monde des affaires qu’il peut venir investir sans crainte », reprend notre diplomate.

Pragmatisme

Le président sait faire preuve de pragmatisme, comme il l’a montré depuis son retour au palais de Beit-Salam. Mais l’archipel des îles de la lune – tel qu’il est nommé dans les Mille et Une Nuits – semble aussi bénéficier d’un alignement des planètes particulièrement favorable. Ses relations avec la France n’ont pas été aussi officiellement apaisées depuis longtemps. Et le retour dans le pays des grandes institutions financières ces dernières années, Banque mondiale en tête, renforce la crédibilité du pays sur la scène internationale.

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« Le président a appris à travailler avec ses principaux partenaires bilatéraux et multilatéraux. Il doit maintenant apprendre à le faire avec le secteur privé », affirme Rasit Pertev, représentant de la Banque mondiale à Moroni. Alors que commencent à se faire entendre les rumeurs d’un énième soulèvement d’Anjouan en 2021, année durant laquelle l’île frondeuse aurait dû exercer la présidence tournante de l’archipel, Azali Assoumani va devoir démontrer ses capacités de rassembleur s’il veut conduire l’Union des Comores vers l’émergence qu’il lui a promise pour 2030.

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