Tourisme médical : les cliniques marocaines séduisent les Subsahariens

Depuis les années 1960, le royaume est une destination santé mondiale. D’abord pour la chirurgie esthétique, ensuite pour d’autres spécialités. Et attire aussi la patientèle africaine, notamment depuis une dizaine d’années.

La Guess clinic, à Casablanca © Preschesmisky Bruno

La Guess clinic, à Casablanca © Preschesmisky Bruno

Publié le 5 décembre 2019 Lecture : 5 minutes.

Vaccination d’une enfant de 1 an contre la fièvre jaune en RD Congo. © Tommy Trenchard/PANOS/REA
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Santé en Afrique : vaccins, tourisme médical et gériatrie

À l’approche des 20 ans de l’Alliance mondiale du vaccin, Jeune Afrique dresse un état des lieux de la santé en Afrique, entre essor du tourisme médical, accès simplifié aux médicaments, quelque fois même livrés par drones pour s’adapter aux spécificités des territoires africains, voire légitimation de la médecine traditionnelle.

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Le tourisme médical au Maroc fleurit depuis longtemps, mais c’est la chirurgie esthétique qui a d’abord attiré les patients étrangers dans le royaume. La ville de Casablanca, en particulier, a connu son heure de gloire dès les années 1960 grâce à la présence de grands médecins français tels les docteurs Cochain, Lentillhac et Burou. L’éclat de la ville en la matière perdure grâce à des investissements privés qui ont pu la doter d’installations modernes, de cliniques parfaitement équipées et d’un écosystème capable d’accueillir les patients dans de très bonnes conditions.

On dénombre actuellement au Maroc une cinquantaine de chirurgiens esthétiques et une petite dizaine de cliniques spécialisées réparties entre Casablanca, Rabat, Agadir, Marrakech et Tanger. Leur bonne réputation, mise en valeur sur les réseaux sociaux, leur permet de gagner en notoriété et de séduire une patientèle essentiellement étrangère.

Les dépenses des patients étrangers ont explosé, entraînant un boom dans le pays, où les prix sont 30% plus bas qu’en Europe

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Si le concept de « tourisme médical » – le fait de se faire soigner dans un pays autre que celui où l’on réside pour des raisons économiques ou médicales – n’a guère changé depuis les années 1960, le budget qu’y allouent les patients étrangers a, lui, explosé ces dernières années, entraînant un boom du secteur, notamment au Maroc, où, pour une opération à visée esthétique, les coûts sont en moyenne 30 % plus bas qu’en Europe.

La chirurgie réparatrice, grande favorite

Les praticiens expliquent qu’ils ont remarqué dans leur activité des changements liés notamment à l’augmentation du niveau de vie et à l’ouverture du royaume à l’international. « Nous avons l’habitude de recevoir des patients venant des pays européens avoisinants, du Moyen-Orient, et plus récemment d’Afrique subsaharienne », nous explique le Dr Mohammed Guessous, dont la clinique, Guess, est l’une des plus sophistiquées du Maroc et qui reçoit des patients de France, de Belgique ou encore de Suisse. La nouvelle patientèle subsaharienne commence à devenir prépondérante, surtout en ce qui concerne la chirurgie réparatrice.

La façon dont ces étrangers sont traités au Maroc diffère de celle qui est réservée aux locaux. Cela est dû à la distance parcourue et à la courte durée du séjour. « Nous nous sommes imposé des règles strictes adaptées à la patientèle étrangère. Nous proposons essentiellement de la liposculpture légère sous anesthésie locale, de l’augmentation mammaire, un rafraîchissement du visage, une greffe de cheveux ou des soins dentaires de type “Hollywood Smile” », nous liste cette « star » du milieu installée à Casablanca. Lui et d’autres chirurgiens esthétiques nous assurent qu’ils refusent de faire des interventions lourdes qui présentent des risques ou nécessitent une longue période de convalescence.

Le premier contact avec le client doit être établi par un médecin et non par un commerçant

Les praticiens interrogés par JA indiquent tous refuser que les patients étrangers leur soient adressés par des agences de voyages. « C’est pour nous une question éthique essentielle. Le premier contact avec le client doit être établi par un médecin et non par un commerçant, même si nous leur proposons un accompagnement personnalisé pour organiser leur séjour comme ils le souhaitent », nous explique le Dr Mustapha Ibnouzahir, installé à Tanger et qui reçoit dans son cabinet une majorité d’Espagnols.

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Les cliniques et les cabinets spécialisés en chirurgie esthétique aussi se sont organisés pour s’occuper de leurs « invités », à qui ils peuvent proposer un peu de tourisme avant ou après le traitement.

Un large réseau de cliniques et de centres de soins partenaires

Depuis quelques années, la chirurgie esthétique n’est plus la seule raison de ce « tourisme médical ». « Nous remarquons que les patients qui choisissent le Maroc viennent aussi pour d’autres spécialités telles que l’orthopédie, la cancérologie, l’ophtalmologie, la neurochirurgie ou encore la chirurgie cardio-vasculaire », nous explique le Dr Achraf Sokari, directeur médical de la société C3 Médical.

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Cette entreprise se positionne comme un intermédiaire et un facilitateur des séjours de santé au Maroc mais aussi en France, sans être une agence de voyages à proprement parler. « Nous nous occupons intégralement du séjour en prenant en considération l’amont et l’aval du traitement. Cela va de l’analyse du dossier médical réalisée par nos experts jusqu’à l’accueil du patient à l’aéroport, en passant par la facilitation des démarches administratives et le suivi rapproché du malade durant le traitement », nous apprend Achraf Sokari, qui accompagne le patient dans le choix de la structure sanitaire adaptée à travers un large réseau de cliniques et de centres de soins partenaires.

Aujourd’hui on assiste à un flux important en provenance du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso etc.

Les dessertes aériennes directes avec les capitales africaines, l’absence de barrières linguistiques et les coûts plus abordables comparés à d’autres destinations occidentales ont fait que le nombre de patients en provenance du reste de l’Afrique a fortement augmenté. « C’est ainsi qu’aujourd’hui on assiste à un flux important en provenance du Mali, de la Guinée, du Burkina Faso, du Tchad, du Sénégal, du Gabon, du Cameroun, du Congo ainsi que, tout récemment, de l’Algérie et de la Mauritanie », poursuit notre interlocuteur.

La nouvelle patientèle qui a émergé au cours de la dernière décennie en provenance de l’Afrique subsaharienne est exigeante, elle demande des plateaux élaborés et des cadres médicaux reconnus.

Désintérêt des autorités chérifiennes

Mais, selon l’ensemble de nos interlocuteurs, le marché du tourisme médical ne semble pas beaucoup intéresser les autorités marocaines chargées du secteur touristique, toujours centrées essentiellement sur le loisir et la culture. C’est ce qui explique l’absence totale de chiffres officiels concernant le nombre de personnes étrangères qui sont venues se faire soigner dans le royaume.

À en croire les estimations des professionnels du secteur, le Maroc recevrait annuellement environ 500 000 touristes médicaux, dont une majorité en provenance d’Afrique, devant les patients européens. Pour les professionnels de santé marocains interrogés, le potentiel du pays en la matière est réel et doit être soutenu afin de permettre la croissance d’un secteur fortement créateur d’emploi.

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